La fête des vignerons de Bourgogne
En 2003, la Saint-Vincent tournante revient aux sources. L'énorme fête populaire du saint patron des vignerons était victime de son succès : après avoir accueilli plus de 100 000 visiteurs et frisé l'asphyxie, la fête cherche aujourd’hui à retrouver taille humaine. La célébration du 25 janvier prochain se déroulera dans six villages différents entourant le château du Clos de Vougeot.
Préparez votre voyage avec nos partenairesLes origines de la fête
Un jour, Saint-Vincent s’arrêta au bord d’une vigne pour échanger quelques
mots avec les vignerons. Pendant ce temps, son âne brouta des jeunes pousses
de vigne. À la récolte suivante, le pied de vigne brouté fut bien plus productif
que les autres. L’âne du saint avait inventé la taille de la vigne ! Voici
l'une des nombreuses histoires que l'on raconte au sujet de Saint-Vincent pour
expliquer qu'il est le saint patron des vignerons. Mais il y en a d'autres :
la date de la Saint-Vincent correspond à une période climatique de transition
entre l'hibernation de la vigne et le retour de la végétation. On peut aussi
interpréter « Vincent » comme « Vin Sang », le sang de la
vigne. Voilà pour la légende.
En Bourgogne, on célèbre la Saint-Vincent depuis des temps immémoriaux. C’était
au départ le rassemblement des sociétés de secours mutuel, dont l'origine remonte
au Moyen Âge. Ces sociétés subvenaient aux besoins de leurs membres les plus
indigents. En 1934, se crée la Confrérie de Chevaliers du Taste-Vin, dont
le but est de restaurer la solennité corporative d’antan. En 1938, c'est
la première Saint-Vincent tournante. Pourquoi tournante ? Parce qu'elle
se déroule chaque année dans un village différent de la Bourgogne, de l’Yonne,
de la Saône-et-Loire ou de la Côte d’Or.
Une tradition victime de son succès
Le programme est immuable. Les délégations de vignerons de toute la Bourgogne
sont accueillies par le village organisateur. C'est alors le départ des défilés
des délégations, portant bannières et statues de Saint-Vincent. Suit un office
religieux, puis recueillement aux monuments aux morts. À 12 h, c'est l'intronisation
des vignerons des villages d'accueil par la Confrérie des Chevaliers du Taste-vin
au château du Clos de Vougeot, et enfin le fameux « Chapitre de la Saint
Vincent », un repas de cochon gargantuesque.
Voici, pour se donner une idée, le menu de cette année : porcelet farci,
assiette de boudin et andouillette, trou bourguignon, jambon à la lie, fromages
régionaux, et taste-vin en glace. Un truc de spécialistes. Bien entendu, une
cuvée Saint-Vincent « taste-vinée » est servie au cours du banquet
dans le verre de la Saint-Vincent tournante offert aux convives.
Il suffit d'évoquer les villages ayant accueilli cette fête pour comprendre
la noblesse de l'événement : Gevrey-Chambertin, Nuits-Saint-Georges, Pommard,
Mercurey, Meursault, Chablis, Hautes-Côtes-de-Nuits. Des noms à baver sur son
clavier, ça ! Depuis quelques années, l'événement a attiré un public important,
et il a fallu aménager la Saint-Vincent. Ainsi a été imaginé « le banquet
des vignerons » servi aux visiteurs. La fête populaire et bon enfant des
débuts est devenue une véritable entreprise dont le budget dépasse le million
d'euros, et les contraintes pour accueillir les visiteurs sont devenues impossibles
à assumer.
Par ailleurs, les villages ont commencé à utiliser cette fête comme outil de
communication, transformant la fête des vignerons en fête du vin et d'une appellation,
cherchant à tirer certaines appellations de l'anonymat. On a dénombré plus de
100 000 participants à cette fête à une époque où elle se déroulait
dans un seul village de quelques milliers d'âmes ! Ayant acquitté un prix
d'entrée, le visiteur se faisait offrir un verre avec lequel il allait déguster
la cuvée Saint-Vincent tout au long de la journée. L'association organisatrice
eut des problèmes avec le fisc, et fut assujettie à la TVA, le caractère bénévole
et le cadre exceptionnel de cette fête n'ayant pas trouvé grâce auprès des impôts.
Se sont ensuite posés des problèmes de logistique (circulation parking etc.)
et, également des problèmes de consommation excessive d'alcool.
Cuvée 2003, le retour aux origines
La Saint-Vincent est une fête corporative de villages, et c'est ce qu'elle
va (re)devenir en 2003. Elle va également retrouvé son caractère religieux
puisque c'est du culte d'un saint qu'elle est née, et folklorique aussi, puisque
statuettes, attributs et bâtons processionnels de jadis se situent à la frontière
qui joint la dévotion religieuse à l'histoire sociale des anciennes confréries.
Ainsi, l'attention des organisateurs se portera en priorité sur l'accueil des
délégations de vignerons. La Saint-Vincent se déroulera simultanément dans six
villages pour aérer l'événement : Chambolle-Musigny, Flagey-Échezeaux,
Gilly-les-Cîteaux, Morey-Saint-Denis, Vosne-Romanée et Vougeot. Les banquets
ont été ouverts en priorité aux habitants des villages qui accueillent la fête
des vignerons. Une page est tournée, sans doute pour le bien de la Bourgogne.
Reste maintenant à savoir ce qu'on va faire des « touristes vinicoles »
habitués à assister à ce folklore.
Renseignements et réservations
Office du tourisme de Gevrey-Chambertin
Tel : 03-80-34-38-40
Crédit photo : © collection Confrérie des Chevaliers du Tastevin
Texte : Richard Bellia
Mise en ligne :