Thaipusam à Kuala Lumpur

Thaipusam à Kuala Lumpur
© Office du Tourisme de Malaisie

Le 1er février, la ferveur mystique s’empare de Kuala Lumpur pour Thaipusam. Une importante fête religieuse en l’honneur du fils de Shiva où les hindous malais, pris de transes mystiques, expient leurs péchés en s’infligeant des tortures. Ce chemin de croix spectaculaire, à déconseiller aux cœurs sensibles, permet d’approcher le mystère d’une religion et d’une culture radicalement autres…

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Âmes sensibles : s’abstenir

Célébrée par les hindous dans tous les pays où réside une communauté tamoule (Singapour, Thaïlande, Inde du Sud, Sri Lanka…), la cérémonie religieuse de Thaipusam est particulièrement importante en Malaisie, aux environs de Kuala Lumpur. Des milliers de fidèles témoignent durant toute une journée de leur foi pour le dieu Murugan, le fils de Shiva qui combattit le Mal, dont ils implorent le pardon pour expier leurs fautes. Ils l’honorent en défilant et en lui donnant des offrandes, mais aussi, pour certains pénitents, en s’infligeant des tortures à l’aide d’instruments contondants… C’est ce détail peu ragoûtant qui fait la particularité (et la renommée) de Thaipusam. Une préparation d’au moins 48 jours, à base de régime végétarien, abstinence et prière, est d’ailleurs nécessaire pour s’entraîner à supporter la douleur lors de la procession.

Thaipusam peut surprendre, voire choquer les Occidentaux que nous sommes. Sous ses apparences de défilé masochiste, cette fête est avant tout un témoignage étonnant de ferveur religieuse. De nombreux fidèles qui participent à cette célébration de Murugan sont dans un état de transe parfois difficile à supporter pour les spectateurs sensibles. C’est, paraît-il, la foi qui les transcende et la douleur qui les purifie.

La fête se déroule chaque année, au dixième mois lunaire du calendrier tamoul. À cette période, la constellation Pusam, qui symbolise l’étoile du bonheur, illumine le ciel. D’après la doctrine hindoue, ce jour du Thaipusam fait coïncider le soleil, la lune et les planètes qui, alignés, favorisent la spiritualité.

À l’origine : un mythe religieux

Lors de Thaipusam, les hindous vénèrent le dieu Lord Subramaniam, fils de Pârvatî (sa mère) et de Shiva (son père), connu aussi sous les noms de Murugan, Skanda (ce qui signifie « semence »), Kârttikeya (fils des Krittika-s, les six pléiades d’une constellation stellaire) ou encore Târakajit (vainqueur de Târaka). Tous ces noms sacrés viennent d’une légende hindoue, dont il existe plusieurs versions.

Alors que le démon Târaka et son armée régnaient sur les trois mondes de l’univers, les hommes implorèrent Shiva de leur venir en aide. Ce dernier leur répondit que seul « celui qui pourra se saisir de sa semence aura le pouvoir de mettre à mort » ce puissant démon. Après un parcours chaotique, la semence du dieu, absorbée un temps par le dieu du feu Agni, se retrouva dans le Gange. La semence de feu se transforma en un enfant, Murugan, doté du pouvoir de vaincre le grand démon Târaka. Un dragon cracha une lance (le « Vel ») dont se saisit Murugan pour mettre bientôt à mort Târaka et éradiquer ainsi le Mal.

Transes mystiques et mystérieuses

En 2007, la fête de Thaipusam est programmée le 1er février. Elle se déroulera selon un rite immuable. À Kuala Lumpur, une statue de Murugan est transportée, la veille de la fête, sur un char tiré par des buffles et installée près des grottes Batu, où a lieu la cérémonie. Le lendemain, dès le lever du soleil, après des ablutions purificatrices, des centaines de fidèles préparent des offrandes au dieu et chantent des prières incantatoires qui, peu à peu, les font entrer en transe, aidés en cela par la fatigue du jeûne purificateur. La transe est d’une intensité telle que certains dévots s’infligent des tortures volontaires sans ressentir la moindre douleur : ils vont jusqu’à s’enfoncer de longues lances à travers leurs joues, des aiguilles dans la langue ainsi que des crochets dans le torse et le dos où pendent des citrons verts, symboles de pureté. Certains sont même affublés du « kavadi », une espèce de cage en acier très lourde, portée par un individu à l’aide de pics et de crochets plantés dans la peau !

Arborant leurs instruments de torture, les fidèles parcourent ensuite un itinéraire de 15 km (huit heures de marche environ), à partir du temple de Maha Mariamman, situé dans le centre-ville, jusqu’au temple des grottes Batu, où ils arrivent après avoir péniblement gravi 272 marches sous les yeux de la foule.

Dans le temple des grottes Batu se tient la cérémonie finale. Tandis que les musiciens jouent des airs religieux, les dévots en transe, la bave aux lèvres et les yeux vides, déposent leurs offrandes (fruits, fleurs, coupes de lait appelées « paal kudam ») au pied de l’autel sacré et des statues hindoues. Tous chantent, dansent et prient ensemble. Les pénitents retirent ici enfin leurs lances et crochets. Ils reviennent alors un par un à la réalité, comme dépossédés. Ils vous raconteront alors qu’ils n’ont ressenti aucune douleur. D’ailleurs, leurs plaies ne saignent pas. Un mystère total pour les scientifiques qui se sont intéressés à Thaipusam et qui ne semblerait s’expliquer que par la transe mystique.

Thaipusam dépasserait-t-elle les limites ? Beaucoup de gens, même hindouistes, le pensent. La fête, fort populaire, prend au fil des ans une allure de kermesse un peu commerciale. Mais, pour bien des routards (âmes sensibles s’abstenir), Thaipusam demeure le témoignage spectaculaire d’une foi intense, d’une culture radicalement différente.

Pour en savoir plus

Comment s'y rendre ?

- En bus : en temps normal, bus Metrobus n°11 du Bangkok Bank Bus Station (près du Central Market) toutes les 15 mn. Sinon, il y a des bus spéciaux lors des fêtes. Compter environ 30 mn de trajet.

- En train : convois spéciaux à l'occasion des fêtes. Toutes les heures, des KTM Komuter partent de la gare ferroviaire. Environ 45 mn de trajet. Allez-y très tôt si vous voulez éviter le côté kermesse, et quittez les lieux en fin de matinée.

On vous déconseille d'y aller en voiture le jour des cérémonies. Bouchons garantis.
Demeurez discrets, car il s'agit d'une fête religieuse. Ne prenez pas de photos, si vous ne voulez pas passer pour des voyeurs (que vous serez un peu tout de même).

Quelques liens intéressants

- Découvrez les magnifiques photos de Thaipusam prises par les routarnautes.
- www.templeganesh.fr (le site d'un temple hindou parisien qui explique en détail la légende du dieu Muruga).
- http://cayabdl.free.fr (un site amateur où deux touristes qui ont assisté à Thaipusam à Kuala Lumpur racontent leur expérience).
- http://allmalaysia.info (un site, en anglais, où l'on peut lire plusieurs articles sur Thaipusam).

Texte : Emilie Kovacs

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