Dresde : les coups de cœur d’Olivier Page

Découvrez les coups de cœur d’Olivier Page, rédacteur au Routard, qui rentre de Dresde, en Allemagne

Malouin d’origine. A 16 ans il réalise un long tour de France en mobylette. Son aptitude à la vie nomade, sa curiosité pour les cultures, son goût des autres ont conduit ce Breton d’âme fugitive à collaborer naturellement avec le Routard. Depuis 1990, il parcourt le monde, pour découvrir d’autres lieux, d’autres gens. Et faire partager ses plus belles découvertes à ses  lecteurs.

Tes coups de cœur à Dresde ?

- Historisches Grüne Gewölbe (Voûte verte historique) : dans le château des princes-électeurs de Saxe (Residenzschloss). Rappelons-nous qu’au XVIIe siècle la cour de Saxe d’Auguste Le Fort était la plus brillante cour d’Europe après celle de Louis XIV ! Voir absolument le salon d’ambre avec des œuvres en ambre d’un grand raffinement, réalisées par des artistes de la mer Baltique (Dantzig et Koenigsberg). Admirable salle des Joyaux constituée de nombreux miroirs encastrés dans des décors sculptés et dorés, du sol au plafond.

- Neues Grüne Gewölbe (Nouvelle Voûte verte) : au 1er étage du château. A la différence de la Voûte Verte Historique, les pièces maitresses de la Nouvelle Voûte Verte sont exposées dans des vitrines inviolables. Cette salle renferme une fabuleuse collection de joyaux, parmi les plus rares d’Allemagne. Une salle entière est consacrée au joaillier Johann Dinglinger, avec son  œuvre maîtresse, la Fête de l’Anniversaire du Grand Moghol Aureng-Zeb à Delhi : 160 personnages d’or et d’émail, parés de 5 000 diamants, émeraudes, rubis et perles ! Ce chef-d’œuvre demanda 7 ans de travail. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ces trésors avaient été mis à l’abri, puis emportés par les Soviétiques, conservés à Moscou, et enfin rendus à la R.D.A. dans les années 1950.

- Le Zwinger : chef d’œuvre du baroque allemand, le palais d’Auguste II dit « le Fort » abrite plusieurs musées dont la fameuse galerie Semper (Semperbau) où l’on peut admirer l’une des collections d’art les plus importantes d’Europe (Gemäldegalerie Alte Meister). Voir notamment la Madone sixtine (1512), un tableau exceptionnel de Raphaël.  Attenant au Zwinger, le musée des Porcelaines (Porzellansammlung) expose 23000 porcelaines (de Saxe mais aussi d’ailleurs). Elle est considérée comme la plus importante collection du monde. 

Tes hôtels favoris ?

- Hostel Mondpalast : situé dans un quartier en pleine effervescence, dans un immeuble des années 1900, entièrement restauré. Chaque chambre porte le nom d’un signe du zodiaque (le nom de l’hostel signifie « palais de la lune »).

- Gästehaus Mezcalero : dans le quartier le plus animé de la ville, situé dans une arrière-cour, un coup de cœur que cet hôtel calme, au décor mexicain chaleureux.

- Motel One : bien situé à proximité du quartier piéton de Neustadt, cet hôtel de chaîne (design) a des prix variables selon la demande du jour.

Les restos que tu préfères ?

- Raskolnikoff : une curieuse vieille maison à la façade décrépie et usée. Elle est restée dans l’état où elle était du temps de la RDA. L’intérieur est impeccable, modernisé, propre. Cuisine créative « mondialiste », avec une carte courte mais fraiche et bien composée.

- Lila Soβe : « sauce pourpre », tel est le nom de ce petit resto caché dans une cour tranquille. Cuisine naturelle soignée, d’inspiration végétarienne : salades aux fenouil, au céleri, à la betterave, aux épinards. Le chef utilise les câpres, la sauge, le thym, le persil, les amandes et la lavande…   

- Alte Meister : cuisine saxonne traditionnelle et soignée, du sandre à l’entrecôte, la symbiose entre les arts se retrouve dans les assiettes aux compositions soignées. Belle salle qui fut l’atelier du sculpteur Braun, chargé de la reconstruction du Zwinger après la guerre.

L’activité que tu recommandes ?

Faire une croisière sur l’Elbe, ce vieux fleuve allemand chargé d’histoire. Départ de Dresde tous les jours de mai à septembre depuis les quais de la vieille ville (Sächsische Dampfschiffahrt). La croisière courte va jusqu’à château de Pillnitz, et les plus longues jusqu’à Meissen, Pirna, Königstein, le Bastei et la frontière tchèque. On navigue sur d’anciens et très beaux et navires à vapeur avec roues à aubes.  S’adresser à la Compagnie Sächsische Dampfschiffahrt. Billet 17-27 € selon la durée de la croisière.

Un coin secret à découvrir ?

Lohengrinhaus (La Maison  de campagne de Wagner) : à Graupa, dans les environs de Dresde, c’est la maison où Wagner composa son opéra Lohengrin en 1846.   Né à Leipzig en 1813, Wagner a vécu à Dresde de 1840 à 1846. « Dieu soit loué, je suis dans le plus charmant quartier de la Suisse saxonne. Je recommence à respirer en tant qu’homme et artiste » écrivait-il. Chef d’orchestre du grand théâtre de Dresde, il y composa Rienzi, et le Vaisseau Fantôme. Lohengrin fut composé à Graupa, un très paisible village au bord de l’Elbe. On l’a oublié mais Wagner, anarchiste révolutionnaire dans sa jeunesse, avait reçu Bakounine, et participé à la révolution de mai 1849. Recherché par la police, il fut obligé de s’enfuir à l’étranger où il vécut en exil pendant 12 ans.

Ton meilleur souvenir de voyage ?

La rencontre avec ma guide allemande, Karin Pobbig, recommandée par l’office du tourisme de Dresde. Difficile d’avoir une guide francophone (polyglotte) plus érudite, plus curieuse et plus attentionnée que Karin. Son histoire personnelle m’a captivé. Du temps de la R.D.A.,  Karin fut même surveillée par la Stasi (police politique) et l’agent en charge de son dossier était… son mari ! Karin a tout connu, et tout traversé en gardant son âme et sa personnalité.

Grâce à Karin, j’ai exploré les hauts-lieux de Dresde mais aussi les endroits méconnus, hors de sentiers battus. Comme par exemple la remarquable Pfund’s Molkerei, (Bautzner Str. 79), sans doute l’une des « plus belles crémeries du monde ». Ouvert en 1882, ce magnifique magasin est décoré de faïence ancienne aux ornements colorés. Des scènes du film « The Grand Budapest Hotel » de Wes Anderson y ont été tournées. Le magasin apparaît sous le nom de patisserie Mendl’s. C’est là que M. Gustave achète des gâteaux pour les clients de l’hôtel, aidé par Zéro son protégé. 

Le souvenir le plus émouvant de mon séjour à Dresde est un office luthérien (messe protestante) auquel j’ai assisté dans la Frauenkirche. Emblème de la destruction et de la reconstruction de Dresde, cette merveilleuse église de style Baroque résume le passé glorieux et terrible de la ville.  

Tel le Phoenix des légendes d’Asie -  le monument est parvenu à renaître de ses cendres : le chantier de reconstruction a duré de 1994 à 2005 soit près de 11 ans !

Là en entendant les prières et les psaumes chantés en allemand, j’ai pensé aux dizaines de milliers de morts des bombardements de la nuit du 13 au 14 février 1945 (entre 35000 et 130 000 morts, plus qu’à Hiroshima).  Qui aurait pu imaginer que Dresde anéantie pourrait revivre un jour ? Qui aurait imaginé que cette église luthérienne détruite retentirait aujourd’hui de chants de paix et d’espérance ?