Jocelyn Landoys – AccessTrip

AccessTrip, c’est l’histoire de Jocelyn Landoys, un trentenaire, qui souhaite arpenter le monde, malgré son handicap. Jocelyn vous raconte ici son expérience au travers de ses aventures et de son site participatif pour l’accessibilité pour tous et partout !

Jocelyn, pouvez-vous présenter AccessTrip aux internautes ?

À travers une plateforme collaborative présentant des informations sur l’accessibilité de destinations du monde entier AccessTrip veut faciliter le voyage des Personnes à Mobilité Réduite.

AccessTrip crée également une communauté à laquelle chacun peut participer. Tout voyageur pourra donner des renseignements sur l’accessibilité de son voyage.

Pourquoi se lancer dans l’aventure d’un site Internet participatif sur le handivoyage ?

Quand j'ai fait mes premiers voyages, avant de partir, il fallait que je trouve des informations sur l'accessibilité de la destination où je voulais partir. Or, il n'y avait rien ou pas grand-chose. Comme je partais quand même, je me suis dit que ce que je réussissais à faire devait servir à d'autres.

C'est mon grand-frère qui m'a emmené en voyage la première fois après mon accident pour me montrer que la vie continuait même en fauteuil roulant. Ce premier voyage m'a mis une claque, et, à mon tour, j'ai voulu transmettre cela. J’aimerais pouvoir éliminer le plus de barrières possible. Et en soulevant ces barrières liées à l’accessibilité, que chacun puisse goûter au voyage ou à ses besoins, plus facilement. Rendre l’impossible possible, alléger les contraintes.

Un guide numérique pour des raisons techniques, pratiques et financières. Participatif, parce que je ne peux pas faire toutes les destinations du monde, il y aurait trop d'informations à donner. Avoir un site où tout voyageur peut donner des informations sur l'accessibilité de sa destination est le moyen d'avoir beaucoup de renseignements et de servir au plus grand nombre.

En situation de handicap, on reçoit souvent de l'aide. À travers ce site, ceux qui d'habitude sont aidés peuvent à leur tour aider.

Comment sélectionnez-vous vos voyages ?

D'abord la météo : j'essaie de choisir une destination où il fera chaud et sans trop de précipitations. Quand je pars, je veux juste prendre un sac à dos que j'accroche au dos de mon fauteuil pour être autonome dans mes déplacements. Je fais des apnées du sommeil, je dois donc prendre une machine à respiration avec moi et je n'ai plus de place dans mon sac que pour quelques vêtements, il me faut donc choisir une destination où short et tee-shirt suffisent.

Je regarde bien sûr l'accessibilité, les critères géographiques, le coût de la vie sur place…

Je vise surtout les villes, généralement plus propices pour une découverte « plus facile » en fauteuil roulant.

Avez-vous dû renoncer à certains pays à cause de votre handicap ?

Oui, et même accompagné d'une personne, le Chili, la Bolivie, le nord-est du Brésil. Après, ça ne veut pas dire que je ne les ferai jamais...

Comme avec de l'aide, j'arrive à marcher, j'ai moins de barrières et davantage de choses sont possibles... Il y a en plus une constante évolution dans mes volontés et possibilités de voyage.

Comment préparez-vous vos voyages ?

Je commence par des recherches sur internet (informations sur l'accessibilité, prix des billets d'avion, hébergements, itinéraires, vocabulaire…). Je fais un petit tour sur le site Routard.com pour les infos générales. Je me suis également constitué un kit du voyageur en fauteuil roulant, je n'ai plus qu'à le préparer en fonction de mon voyage.

J’effectue une recherche dans le cercle de mes connaissances pour des contacts sur place. J’achète un guide touristique sur le pays, puis je réserve l’hébergement.

Devez-vous être accompagné ?

Tout dépend de la destination. Malheureusement les pays qui m'attirent le plus ne sont pas les plus accessibles, je dois donc être accompagné. Mon mode de déplacement en fauteuil (à l'aide d'un seul bras et d'une seule jambe) ne me permet pas d'être seul.

Il y a aussi une évolution puisque mes récents voyages m'ont montré que je pouvais commencer à voyager seul, mais à condition de choisir des destinations accessibles pour PMR.

Comment vous déplacez-vous dans les villes que vous visitez ?

Encore une fois tout dépend de l'endroit et des moyens mis à disposition. « À pied »  ; en transports en commun ; en taxi (par chance, les taxis à l'étranger sont souvent bon marché et comme mon fauteuil peut se ranger dans le coffre, c'est un moyen pratique). La location de véhicule est aussi un moyen que j'utilise beaucoup et ce, même si je ne peux pas conduire.

Selon vous, quel est le pays/la ville le plus handi-friendly et pourquoi ?

Je n'ai pas encore parcouru le monde entier mais de ce que j'ai vu jusqu'à présent, sans aucune hésitation : Barcelone.

Tous les trottoirs ont des rampes qui permettent aux fauteuils roulants de monter et de descendre facilement. Beaucoup de zones sont piétonnes et sans trottoirs. Une partie de la ville est plutôt plane. Une bonne partie du réseau du métro est accessible ainsi que les transports en général. Il y a des rampes en bois pour faciliter l'accès aux plages, avec sur chacune de petits bars/restos tous équipés de W.-C. adaptés. Beaucoup de commerces et de lieux publics sont accessibles. Très nombreux sont les bars/restos avec des W.-C. adaptés.

Les barcelonais font par ailleurs preuve de beaucoup de civisme à l'égard de la population en situation de handicap.

Existe-t-il un guide sur le « handi-voyage » ?

Oui, il en existe quelques-uns mais bien ciblés sur certaines destinations ou régions, la plupart en France et en format papier.

Il n'y avait rien en français sur des destinations du monde entier. En creusant, on arrive à trouver parfois des renseignements, mais diffus.

Et dans les guides de voyage « classiques », il n'y a aucune mention sur l'accessibilité. Le fait qu'il n'y ait quasiment rien ou pas grand-chose m'a grandement motivé à créer AccessTrip.

Est-ce que l’infrastructure touristique vous permet de visiter tous les lieux (accessibilité) ?

Cela commence à être le cas, en particulier dans quelques pays d'Europe et les pays anglo-saxons. Cela vaut pour les infrastructures, mais beaucoup d'autres endroits sur la planète n'ont pas d'infrastructures mais ont une population très accueillante et très aidante avec une autre mentalité. Ce qui rend la visite du lieu possible avec en plus une saveur différente.

Que retirez-vous de votre expérience ?

La préparation du voyage est pour moi très importante. En situation de handicap, on peut moins s'adapter aux choses et aux imprévus. La planification de certains évènements avant le départ reste de mise, même si bien souvent cela ne se passe pas comme on l'avait prévu.

Je dirais aussi que le champ des possibles est en constante évolution. Une évolution par rapport à l'état de santé, le mental, l'expérience de voyage…

L'inaccessibilité peut être fatigante et usante pour les nerfs au bout d'un moment.

Quels sont vos coups de cœur ?

Barcelone, Rio de Janeiro, Rabat, New York, le Grand Ouest Américain, l'Ilha Grande au Brésil, Salta et le nord-est Argentin.

Comme restaurants : un pique-nique avec un beau paysage ou dans un bon coin de nature, la salle à manger des gens que l'on rencontre.

Comme hébergements : dormir chez l'habitant, un bivouac dans le Sahara, une petite cahute sur une île paradisiaque, le camping-car dans le Grand Ouest Américain.

Comme monuments : l'Empire State Building à New York, Le Pão de Açúcar (pain de sucre) et la plage d'Ipanema à Rio, les jardins andalous et la médina de Rabat, les parcs nationaux d'Utah, les sites naturels autour de Salta.

Quels conseils pouvez-vous donner ?

Voyager ! C'est une bouffée d'oxygène et « l'important ce n'est pas la destination mais le voyage...  ». Essayer de ne pas se mettre trop de barrières – bien préparer son trip avant le départ – savoir quelques mots utiles dans la langue du pays visité...

Avez-vous une anecdote de voyage ou une rencontre exceptionnelle à partager ?

Oui, j'aurais en effet beaucoup d'anecdotes à raconter et chaque rencontre faite est exceptionnelle en soi. C'est vrai que les situations où l'on sollicite de l'aide des gens ont une saveur particulière et moi, j'en ai souvent besoin lorsque je voyage. La richesse des rencontres et des échanges est pour moi une des choses les plus importantes en voyage.

Comme je reviens du Maroc, une anecdote me vient en tête, c'était l'année dernière à Fès. J'avais rendez-vous avec deux personnes que j'avais rencontrées qui devaient m'aider à faire un hammam. J'étais avec une amie et les hammams ne sont pas mixtes, il fallait donc des hommes pour m'aider. Arrivé devant l'entrée, une femme vient me voir en me demandant de lui prêter mon fauteuil roulant pour aider à transporter sa mère qui devait se faire hospitaliser. « Prêter mon fauteuil »  : je ne pouvais pas dire non. Mon amie a suivi mon fauteuil et accompagné la femme aider sa mère. Je suis allé à ce hammam traditionnel et ancien avec ma canne. Il fallait se déplacer dans plusieurs grandes « salles » avec des passages de 1 m de hauteur et sur du carrelage mouillé. À l'intérieur, j'ai « marchouillé », bougé à quatre pattes ou sur les fesses, mais requinqué après ce moment de détente un peu sport, j'ai retrouvé mon fauteuil à la sortie. Il avait pour une fois servi à quelqu'un d'autre.

Quel message aimeriez-vous faire passer aux administrations touristiques ?

Qu’elles rendent accessible les lieux pour tous serait pour moi, humainement, une obligation. D'un autre côté, je pense que le fait de prévoir les lieux pour pouvoir accueillir le plus grand nombre va pousser certaines personnes à voyager et c'est l'offre qui va créer la demande.

Il y a le côté financier et le retour sur investissement bien sûr comme critères importants mais le côté humain, de voir des personnes heureuses de pouvoir elles aussi vivre des choses est quelque chose de très enrichissant et très gratifiant !

L'aspect social de certains efforts peut être aussi une bonne publicité et une manière de se démarquer.

Il faut garder en tête que la vie est fragile et que l'on peut très vite se retrouver de l'autre côté de la barrière, il faut alors essayer de se projeter et penser à ce qui serait bien.

On termine par une question portrait chinois : si vous étiez un pays… lequel, et pourquoi ?

Le Brésil –  parce que c'est un pays métissé, constitué de différentes cultures, les gens sont chaleureux, il y fait beau, il y a de grandes variétés naturelles, des paysages magnifiques, de belles plages, c'est aussi un pays urbain, j'aime en plus la musique brésilienne... Et il y a Rio.