Dimanche 8.12.19 (J 5)
Réveil à 8h. Étirements, méditation et petit-déj’ de luxe. (Un vrai bircher comme je les aime !)
Il pleut des cordes, et il fait froid ce matin. Je profite d’écrire et d’étudier un peu plus le trail. Bah oui, c’est qu’en fait, je n’avais jamais ouvert l’application et n’avais aucune idée de ce à quoi m’attendre avant le début de cette semaine. Tout à l’arrache, la petite !
Quand la météo devient moins pourrie, je me mets en route. J’ai chargé mon sac un peu plus que la veille, histoire de m’entraîner à avoir plus de poids sur moi. Aujourd’hui, 14 km seulement m’attendent. Facile, non ?
Je progresse tantôt sur une route puis dans des sortes de parcs à moutons. Je traverse une petite forêt avant de finalement longer une plage de micro-galets. Il pleut des cordes et il fait froid. Quelle merde, ce temps pourri ! Lente progression sur la plage de galets. Mes pieds s’y enfoncent, c’est pénible. J’ai l’impression de ne pas avancer du tout.
J’arrive à Colac Bay en fin d’après-midi et file dans le restaurant « la taverne » pour y boire un chocolat chaud que j’estime bien mérité. Un monsieur m’a ensuite prise en stop jusqu’à Riverton, où je resterai encore cette nuit. Je mange avec Dave, on se fait un câlin d’Adieu. Ça fait déjà trois jours que je suis ici, et je m’attache vite. Il me dit de rester en contact, de prendre soin de moi, de profiter de chaque pas que mes pieds fouleront dans ce pays. Il me touche beaucoup. Merci, Dave, merci pour tout.
Mardi 17.12.19 (J 14)
Je me goinfre de fromage et de saumon en guise de petit-déjeuner et me mets en route vers 9h30. Aujourd’hui, je marche en direction du campement de Mavora Lake. Le terrain est plat, je traverse encore des étendues d’herbes hautes et moins hautes. Il pleut, il fait froid, je suis trempée (pour changer, haha !).
J’arrive au camping vers 20h, après avoir parcouru une distance de 27km. J’ai une vue imprenable sur le lac et les montagnes enneigées. C’est splendide. Je découvre avec joie que ma tente et mon sac à couchage ne sont pas trempés. Je me glisse dans mon duvet et installe ma couverture de survie sur ce dernier. Ce soir, ça caille. Vraiment. C’est la première fois de ma vie que j’ai aussi froid. Au milieu de la nuit, j’ai besoin de pisser. J’ouvre ma tente et pisse dans l’abside. Je suis glacée jusqu’aux os et ne trouve pas le sommeil.
06.01.20 (J 28)
Je me réveille avec la sensation d’avoir dormi douze heures. Je suis en forme ! Nous levons le camp vers 9h30. Malheureusement, le vent est toujours présent. Nous traversons la plaine et longeons des rivières. Le terrain est moins lisse, plus encombré d’herbes hautes et le chemin est moins bien dessiné. À un moment donné, nous voyons, sur notre droite, une hut qui gît là, au milieu de nulle part. Nous sommes entourés par de la caillasse et des couloirs (qui doivent être avalancheux en hiver). Je mets de la musique et suis motivée à avancer.
Nous devons ensuite monter une colline qui est plutôt raide. Des plantes piquantes nous écorchent les jambes et les pieds. J’entends Mike les insulter à coup de « Fuck you bitches !! » Ça me fait rire. Haha ! Il me dit qu’elles lui traversent les chaussures et que ça lui fait mal aux pieds. Ça me fait rire encore plus. « Merde, mec ! » est tout ce que je trouve à lui dire pour le réconforter. Arrivés au sommet, nous sommes surplombés par des névés et de la roche. La météo est mitigée. Il fait tantôt chaud, tantôt froid, avec des rafales de vent par moments. Nous faisons une petite pause mais avons très vite froid. Bouffe, bouffe, bouffe, nous ne parlons que de cela !
Nous descendons ensuite une pente plus ou moins douce depuis laquelle nous pouvons admirer le bleu glacial du lac de Ohau. Nous traversons ensuite une forêt, avant d’arriver sur une route 4x4. Finalement nous rejoignons la route principale sur laquelle nous marchons les derniers petits kilomètres, avant d’arriver à un camping situé au bord du lac. Nous montons nos tentes, mangeons et buvons une tisane. Ce soir, je m’endors le ventre plein. Tellement plein que j’ai eu du mal à m’endormir.
19.02.20 (J 54)
J’attends que Dario prépare son monstre de sac à dos et on se met en route. Aujourd’hui, objectif Tarn Hut. J’ai hâte que cette étape soit derrière moi. J’ai hâte d’arriver à St-Arnaud. Je me sens sale, je rêve de prendre une douche, de me laver correctement. Et je crève de faim, ces jours-ci. Je mange beaucoup plus que d’habitude, même si je dois m’efforcer d’avaler ce que j’ingurgite -Radix commence à me dégoûter-. C’est tellement pratique, le lyophilisé ! Grâce à cela, mon sac est très léger mais sinon, la texture reste la même et, par moments, elle m’écœure.
On grimpe dans une forêt afin d’atteindre un col. Je monte en volant. Mon genou ne va pas trop mal lors des montées. Par contre, je sais que j’en chierai pendant la descente. Tant pis, autant me concentrer sur la montée ; la descente, on verra au moment venu.
Je suis au taquet parce que je sais que demain je serai à St-Arnaud.
Marcher Te Araroa, ou n’importe quelle autre randonnée longue distance, équivaut à travailler. Un travail bien rythmé dans lequel, par moments, il faut tout donner. J’ai une routine et des habitudes qui se sont instaurées au fil du temps. Il y a également des objectifs à atteindre ; et c’est quelque chose que je dois prendre un minimum au sérieux, si je veux pouvoir avancer efficacement. Mais je vous l’accorde. Des fois, comme dans n’importe quel travail, on n’a pas toujours envie de se lever le matin pour y aller. Ici, c’est pareil, j’ai pas toujours envie d’y aller. On peut aussi comparer les fins d’étapes aux fins de semaines de travail. On est tout de suite plus motivés quand on sent le weekend approcher, non ?
Lorsque je me retrouve presque en dehors de la forêt, je croise deux SOBOS avec lesquels je discute cinq minutes. La fille me donne une sucette. « Merci, tu as refait ma journée ! » lui dis-je.
Je poursuis ensuite en direction du col. Le chemin est maintenant ouvert et exposé. Le soleil brille, il n’y a que très peu de vent. La vue sur les montagnes est belle. J’attends Dario, et l’encourage lorsque je le vois arriver. Je sais que c’est dur d’avancer avec un sac lourd. La descente n’est finalement pas si pire que ça. J’ai passé une petite demi-heure à peine à sauter d’un gros caillou à un autre et à essayer de ne pas tomber et voilà, la fin de la pente la plus abrupte est derrière moi. Ensuite, elle se fait beaucoup plus douce, sur un joli chemin bien propre.
Je marque un bref arrêt à la Upper Travres Hut pour manger. J’en profite pour faire sécher, sur la barrière extérieure, mes fringues qui puent l’humidité et forment une boule au fond de mon sac. Dario me rejoint alors que je m’apprête à partir. Je suis tellement motivée à être à St-Arnaud que je pourrais faire 20 km de plus aujourd’hui. Dommage que mon genou, lui, ne tienne pas le rythme… Je poursuis mon chemin jusqu’à la John Tait hut, où je dormirai ce soir. J’y arrive vers 15h. Je me rince vite fait dans la rivière et passe le reste de l’après-midi allongée dans mon duvet, le genou souffrant. La hut se remplit petit à petit de SOBO et de marcheurs qui sont venus faire le circuit de trois jours. Elle est presque pleine. Quand Dario arrive, on mange un morceau et on discute un peu. Je dors mal, cette nuit, parce qu’un mec ronfle. Super !
Du 11.03.20 au 23.03.20 (J 69 à J 80)
J’ai passé deux jours à Wellington. J’ai marché, lavé mes vêtements et bu des bières avec Laure qui était aussi dans le coin pendant quelques jours. Je suis ensuite montée en direction de Paraparaumu, ce qui m’a pris deux jours de marche environ. J’ai ensuite dormi chez Helen et Andrew mes premiers « Trail Angels *». Des gens absolument adorables, chez qui j’étais tellement bien que j’y suis restée deux nuits. Chrissy m’a rejoint chez eux. Nous avons passé une superbe soirée tous les quatre, et nous sommes reparties sur la route le lendemain.
*Un Trail Angel est une personne qui fournit un service plus que généreux à un randonneur fatigué, que ce soit un endroit pour camper pour la nuit, une chambre pour dormir, une boisson chaude, ou une douche.
La première grosse étape de cette île fut le Tararua Ranges. On m’avait servi du Richmond Ranges à toutes les sauces, mais jamais on ne m’a évoqué les Tararua Ranges comme étant une section difficile et usante. À mes yeux, le Tararua Ranges fut bien pire en termes de conditions météos et de qualité de terrain que le Richmond. Quant à l’autonomie, elle fut égale. Nous avons passé 8 jours hors de la civilisation et en autonomie complète.
Déjà, c’était plus dur parce que j’avais ma toile de tente sur moi, ce qui ajoutait 1.2kg en plus dans mon sac. En matière de nourriture, je ne m’en sortais à nouveau pas trop mal. J’avais pris soin de commander un autre carton Radix, que j’avais fait envoyer chez mes trail angels à Paraparaumu. Quelle organisation !
Le Tararua fût un méli-mélo de boue, de forêts indomptables et interminables, de chaleur humide et de pluie, de froid et de rhume (pour moi) ainsi que de nombreuses heures passées à avancer sur des chemins qui avaient fini par se transformer en ruisseaux à force de se gorger d’eau de pluie. Chrissy m’a partagé énormément de nourriture, ce qui m’a remonté le moral à bloc durant ces quelques jours de bataille.
Chrissy m’a accompagnée pour acheter une paire de gaudasses, mais je crois, surtout, que c’était le meilleur prétexte pour s’arrêter boire un chocolat chaud et se refaire des provisions de bouffe. (De chocolat, surtout !)
Les gens chez qui nous sommes restées le soir ainsi que ceux qui nous ont pris en stop nous ont parlé du COVID-19. Nous, on était en dehors de tout ça, sans réseau téléphonique, coupées du monde, comme depuis des mois. On savait (moi, surtout) que le Corona Virus avait fait des dégâts et que les copains en France, en Suisse et en Inde étaient confinés. Mais moi, je croyais naïvement que la NZ passerait entre les gouttes. Ce qui ne fut pas le cas, malheureusement. Deux jours plus tard, alors que l’on faisait une grâce mat’ bien méritée dans une petite hut qui puait le rat crevé, les Frenchies ont débarqué. Les Frenchies sont un jeune couple de Français incroyablement adorables avec qui Chrissy avait marché pendant plusieurs semaines. Je les avais rencontrés lors de notre soirée « buvage de bières » au bar de Punga Cov, avant de poursuivre ma route avec Chrissy.
C’était trop super de les revoir et de pouvoir marcher « en bande », chose toute nouvelle pour moi. On a passé deux jours ensemble, avant d’arriver à Palmerston North, où on a tous très vite déchanté. La nouvelle est tombée lorsqu’on était assis sur la terrasse d’un pub, une bière dans une main et une part de pizza dégoulinante de fromage dans l’autre : on avait 48h pour trouver un logement et se confiner, durant un mois au minimum. Fin de l’aventure, fin de l’histoire Te Araroa pour nous tous. La trail allait fermer, ainsi que toutes les huts, les campings, et tout le reste.
Le soir même, Chrissy, les Frenchies et moi avons sauté dans un bus en direction d’Auckland, où nos chemins se sont séparés. Ils sont restés là, chez Chrissy, alors que moi, je suis montée plus au nord, à Whangarei. Une fois arrivée à Whangarei, j’ai pris un café avec Frank et ai récupéré toutes mes affaires sur Addie. Durant le trajet en bus, Donna, une Kiwi à posté sur la page Facebook du Te Araroa qu’elle mettait à disposition une chambre pour quiconque en aurait besoin durant cette période. Je lui ai écrit et ai pleuré de soulagement quand elle m’a répondu qu’elle viendrait me chercher avec tous mes sacs à la marina. Depuis, je vis avec elle dans sa superbe maison qui est située à 25 minutes de la ville. J’ai retrouvé le bonheur de prendre une douche par jour et de manger tout un tas de bonnes choses. En plus y’a un chat et la vue sur l’océan. Alors, le confinement, ce n’est pas si pire que ça, non ?
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