Quelques jours avant le départ pour la Toscane. Le doux nom de Florence résonne dans ma tête comme un appel à la découverte, s’anime comme des mains tendues vers une ville aux chefs-d’œuvre artistiques ne demandant qu’à être admirés. A l’évocation de l’arrière-pays, de somptueux paysages bucoliques se dessinent dans mon imaginaire, faits de collines ponctuées de cyprès et de vieilles bâtisses en pierre. Je ne peux me défaire de cette image d’Epinal, vantée par les guides touristiques. Peut-être est-ce aussi la réalité ? Une seule manière de le savoir : patienter encore quelques jours pour découvrir ce tableau de mes propres yeux.
Florence
De violents éclairs et de fortes averses accompagnent ma descente vers l’aéroport de Florence. Soudain, l’avion freine brutalement sur la piste détrempée, plongée dans l’obscurité de cette fin de journée orageuse. Mes premiers pas sur le tarmac sont remplis de chaleur mélangés à la pluie, qui tombe toujours à grosses gouttes. Florence me souhaite la bienvenue à sa manière !
Après avoir passé la nuit dans un hôtel du centre historique, je foule les pavés de la capitale toscane. Le ciel est gris, chargé de nuages menaçants, percé de timides éclaircies. La ville s’éveille et se remplit petit à petit d’une foule colorée de touristes venus du monde entier. Armés d’un appareil photo d’une main et d’un parapluie de l’autre, les voyageurs convergent vers la célèbre place du Duomo, centre névralgique de toute visite florentine. Il faut dire que la place est absolument sublime et se visite comme un musée à ciel ouvert : la cathédrale Santa Maria del Fiore, sa coupole, le campanile de Giotto et le baptistère Saint Jean. Les façades polychromes sont façonnées avec l’élégance et la finesse d’un travail d’orfèvre. Après un tour complet de la place pour l’admirer sous toutes ses coutures, il est temps d’entrer dans le Dôme et de gravir les quelques quatre cent marches qui mènent jusqu’à sa cime. Une coursive permet d’admirer les majestueuses peintures couvrant la paroi intérieure de la coupole. Après une dernière volée de marches et d’escaliers pentus, le sommet livre une vue panoramique sur la ville et sur ses alentours. A plus de cents mètres au-dessus du sol, les toits de Florence couleur brique tranchent avec le vert sombre des collines environnantes.
Le centre historique de Florence abrite une richesse de musées et de palais très certainement unique au monde : le Palazzo Vecchio, la Galleria dell’Academia, la Galerie des Offices… La liste est longue, tout comme l’attente pour franchir les portes de ces merveilles !
Mes pas me mènent à présent vers le célébrissime Ponte Vecchio qui enjambe le fleuve Arno. Depuis le XVIème siècle sur ordre des Medicis, les marchands d’or ont remplacé les bouchers qui habitaient et travaillaient sur le pont. Aujourd’hui encore, les boutiques de bijoux et d’or font perdurer la tradition et font miroiter les touristes.
De l’autre côté du Ponte Vecchio, l’Oltrarno offre une nouvelle facette de Florence. Repaire des artisans et des artistes, la rive gauche s’enorgueillit d’une touche d’authenticité, d’un souffle populaire et d’un parfum bohème. Avec le quartier Santo Spirito, le Palais Pitti et les jardins Boboli, la visite s’avère plaisante. Je respire ce charme indéniable, attablée à une des terrasses qui bordent la place Santo Spirito. En son centre, la petite fontaine donne un cachet séduisant et un air de village, comme un avant-goût de la suite du voyage.
Val d’Orcia
Ainsi, malgré tous les attraits de Florence, la concentration humaine et la chaleur qui s’installe en cette fin du mois de juillet me donnent des envies d’ailleurs, d’espace et de nature. Après avoir quitté les faubourgs de la capitale toscane, la voie rapide file en direction du sud, vers le Val d’Orcia. Après un court trajet, j’arrive dans l’arrière-pays vallonné de Sienne qui tire son nom du cours d’eau qui le traverse, l’Orcia. Façonnées à la Renaissance, les collines ont été travaillées pour que leur productivité agricole n’ait d’égal que leur beauté esthétique. Le rendu semble donner vie à une toile du XVI siècle. A moins que ce ne soit l’inverse, nul doute que les peintres de la Renaissance ont puisé leur inspiration dans cette vallée. La route sinue donc entre les collines moissonnées et couvertes de bottes de paille. L’image d’Epinal se confirme, le paysage onduleux coiffé de grandes bâtisses en pierre et de majestueux cyprès s’étend autour de moi.
La route bifurque enfin sur la gauche à l’entrée du village de San Quirico d’Orcia. Perché sur un coteau et tout de pierre bâti, il me plait instantanément. Ce coup de cœur va se confirmer en fin d’après-midi, alors que la place centrale s’éveille de la torpeur estivale. La rue principale aux façades colorées s’anime. Une musique rock s’échappe du café central qui tranche avec le décor médiéval. Sa très belle collégiale et son église de pierre semblent veiller jour après jour au temps qui passe et sur ses habitants. La lumière, envoûtante en fin de journée, baigne le village jusqu’à ce que la nuit ne tombe. Avec elle, une légère brise vient rafraîchir l’atmosphère et emporte les éclats des rires des enfants jouant sur la place.
Au petit matin, je quitte le village à l’heure où le boulanger s’affaire et où l’odeur du pain chaud envahit la rue encore endormie. Il parait que le lever du soleil est un moment empreint de magie. A quelques kilomètres du village à peine, non loin de la route, je scrute maintenant le ciel. Le soleil se cache encore derrière une épaisse couche de brume qui s’accroche dans les vallons. Petit à petit, l’obscurité disparaît pour laisser place à la lumière filtrée par la brume. Celle-ci ne dévoile qu’avec parcimonie les bâtisses de pierre et les silhouettes des cyprès. Le temps semble s’être figé dans un silence brisé uniquement par un vol d’oiseaux ou par la course de biches à la lisière du bois. Un peu plus loin, je marche jusqu’à la chapelle Notre Dame de Vitaleta. Les rayons du soleil commencent à percer le voile brumeux et font scintiller la rosée qui couvre le chemin menant à la chapelle encadrée de hauts cyprès. Le paysage me rappelle une carte postale intemporelle et mystérieuse. Je capte toute l’énergie et la beauté presque irréelle de ce lieu pour la distiller dans tout mon corps. Sur la route du retour, le soleil est déjà haut et la brume s’est dissipée, comme par miracle.
San Quirico d’Orcia n’est pas le seul village caractéristique de la région. Au contraire, nombre d’entre eux surplombent fièrement les collines rivalisant de beauté avec leurs églises, leurs fenêtres fleuries et leurs ruelles tortueuses. Chaque village raconte son histoire et témoigne de l’Histoire. Avec un peu d’attention, on peut lire les fresques médiévales, les récits de la Renaissance et les contes modernes que portent Pienza, Montalcino ou encore Monticchiello. C’est dans ce dernier, élégamment perché et pittoresque, que j’admire le coucher du soleil. Ses derniers rayons de lumière dorée disparaissent petit à petit derrière les collines à l’heure de l’aperitivo. Les gens du village se retrouvent, les verres se remplissent, les discussions fusent, créant une ambiance chaleureuse telle que j’imagine la dolce vita. Alors que la nuit tombe et que les lumières scintillent dans la vallée, je pourrais contempler ce cadre idyllique encore longtemps immobile au bord des remparts. Le temps semble ralentir et les songes semblent m’envahir. La boucle est bouclée. Le soleil s’est couché aussi majestueusement qu’il s’est levé ce matin, dans la brume.
Ce coin de Toscane est aussi réputé pour ses trésors gastronomiques. A chaque village, sa spécialité. Le fameux fromage Pecorino à Pienza, le délicieux vin Nobile di Montepulciano et le non moins célèbre et précieux Brunello di Montalcino. Dans l’assiette, les produits du terroir sont sublimés sans fioriture. Pâtes, cèpes, truffe, gibier se marient avec l’huile d’olive et les aromates, origan, romarin, sauge et fenouil. Une cuisine simple et goûtue qui éveille les papilles et les sens.
Sienne
Plus au Nord, Sienne offre une promenade chargée d’histoire bercée par le soleil toscan. La beauté de la cité réside à mes yeux par les contrastes de son architecture. Alors que l’ambiance médiévale caractérise la ville bâtie de hauts murs de pierre et de lourdes portes, ce sont la finesse et la délicatesse de son Duomo, de ses peintures et de ses façades qui donnent à Sienne un charme particulier. Bien sûr, sa grande place centrale, la Piazza del Campo en forme de conque inclinée fait sa renommée. Passage presque obligé pour un séjour toscan digne de ce nom, il est difficile d’échapper à la foule. Comme à Florence, les touristes déambulent dans les ruelles, une glace à la main. Comment les blâmer ? Sienne tient toutes ses promesses : un concentré de trésors dans un écrin à taille humaine sublimé de teintes ocres.
Chianti
C’est en quittant Sienne vers le Nord que j’entre dans la célèbre région du Chianti, agricole et vallonnée, dessinée par les champs de céréales, les vignes et les oliveraies. Les forêts de chênes et de châtaigniers jalonnent le paysage, donnant une impression de verdure plus prononcée que le Val d’Orcia voisin. Les villages de Castellina in Chianti et Radda in Chianti, distant de quelques kilomètres, portent les vestiges des anciennes guerres entre les deux rivales, Florence et Sienne. Le passé belliqueux est aujourd’hui un lointain souvenir et ce sont les vignes qui font la richesse de la région. L’appellation Chianti donne un vin à la robe rubis dont la renommée a largement dépassé les frontières de la Toscane. Je trouve la région très belle, mais peut-être un soupçon moins mystérieuse que le Val d’Orcia. Pourquoi ? Je ne sais le dire précisément. Quelque chose dans le caractère, dans l’atmosphère certainement.
San Gimignano
Un peu plus à l’ouest, la route me mène vers la ville de San Gimignano. Sur une colline, les quatorze maisons-tours s’élevant à plusieurs dizaines de mètres de hauteur sont visibles à des kilomètres à la ronde. Elles guidaient jadis les pèlerins sur leur chemin vers Rome. Dès mon entrée dans l’enceinte de la ville, je suis frappée par la conservation exceptionnelle du site. Les édifices, les maisons, les places, les fontaines, les églises semblent donner vie au décor médiéval du XIIIème siècle. La visite du Duomo me laisse un souvenir mémorable. Si l’aspect extérieur de l’église me parait presque sévère, les fresques intérieures retraçant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament sont un véritable chef d’œuvre. En sortant du Duomo, la lumière décline chaudement sur la ville. Depuis la plus haute tour de la ville, je contemple un paysage de collines rebondies couvertes de vignes, de forêts, de cyprès solitaires et de champs de céréales. Si la vue est superbe, flâner dans les ruelles en cette fin de journée d’été et déguster un bon verre de vin en terrasse s’avèrent être une expérience encore plus marquante.
San Gimignano marque la fin du voyage. Retour à Florence après un crochet par Volterra, cité médiévale aux accents étrusques. Il me reste encore un peu de temps à Florence avant de prendre l’avion qui me ramènera à Paris. Le sentiment de revenir dans un endroit familier est toujours particulier. Je vois la ville d’un œil un peu différent, même si je n’ai pas la prétention de bien la connaître. C’est avec ce petit recul que je réalise que découvrir Florence pourrait s’éterniser, tant les bijoux d’architecture sont nombreux, tant les délices culinaires sont appétissants et tant les trésors historiques sont fascinants.
Si la vie est faite de doutes, aucun doute n’est permis quant à la Toscane. Les souvenirs de cette sublime semaine resteront gravés longtemps dans ma mémoire comme un voyage enchanté.