Escale au Panama

Bocas del Toro

Des routards rencontrés plus tôt au Costa Rica m'avaient dit : « Pour passer Noël ou le réveillon, c'est l'endroit idéal ! ».
J'avais justement envie de poser quelques jours mon sac dans un lieu agréable, me reposer des fatigues du voyage après plusieurs mois sur les routes de l'Amérique. Bocas del Toro est situé à l'ouest du Panama sur la côte des Caraïbes. C'est un archipel dont l'île la plus connue s'appelle Isla Colon. On y accède par la mer à partir d'Almirante ou Changuinola et cette traversée d'un peu moins d'une heure, pour quelques dollars, est très agréable. On s'entasse dans un petit bateau et on file sur l'eau en observant la nature environnante, luxuriante. C'est une fin de journée au ciel rose.

Bocas del Toro est très fréquentée par les touristes, et notamment des surfeurs. On ne cesse de les voir marcher en tongs dans la rue principale, leur planche sous le bras. Ils ne sont pas torse nu ou ne devraient pas l'être, car ici une loi sanctionne ce genre de pratique. L'auberge de jeunesse où j'ai élu domicile, Mondo Taitu, est leur sanctuaire. Le soir dans le bar, une télé passe des vidéos de surf et nos passionnés de vagues les regardent, accoudés au comptoir, une bière à la main. Moi qui n'appartiens pas à cette confrérie des grands blonds musclés, je me sens tout à fait à mon aise. J'ai tout de même quelques rudiments, la base, ce qui me permet de ne pas avoir l'air totalement niais… « Bon, t'en es où au niveau des take off ? Et ça tube par ici ? Sinon t'arrives l'aerial back side sur un beach break ? ». S'il ne comprend pas tout, c'est évidemment à cause de l'accent… Me voyant intéressé, Mick, un Australien, m'invite à venir les voir surfer le lendemain, à Playa Paunch.

J'y vais à pied, tout naturellement, oserais-je dire. Des pick-up chargés de planches de surf empruntent des sentiers boueux. Mais ce qui me révolte ce sont les quads, ces quatre-roues qu'utilisent des touristes sans goût, qui filent arrogants sur des routes tranquilles où vivent des familles peu fortunées. Ils pétaradent au milieu de cette pauvreté, la traversant sans un regard ou presque, torse nu, en maillot de bain, la bedaine gonflée par la bière, des coups de soleil sur le dos, une casquette sur le crâne… Que pensent donc les habitants de ce type de touristes ? Je n'ai pas pensé à le demander aux deux types que j'ai rencontrés. Ils étaient ivres et l'un d'eux tenait une grande bouteille de gin à la main. Je les ai salués et leur ai demandé s'il y avait un endroit où je pouvais acheter à manger. Il m'a tendu sa bouteille. Puis il m'a dit de les suivre. Dans une maison surplombant la mer, j'ai partagé avec eux un repas cuisiné par une vieille femme noire.

L'un des deux hommes, m'a demandé d'où je venais. « Ah ! La France ! Le général de Gaulle ! ». Il m'a ensuite raconté sa vie ou en tout cas une partie. Il avait fait des études pour devenir prêtre, mais il adorait la guitare, alors il jouait dans les bars : « J'étais très bon, tout le monde me le disait, mais j'ai commencé à picoler un peu trop… Et puis j'aime trop les femmes alors ils m'ont viré ! ». Il parle fort, fait des grands gestes comme s'il prononçait un sermon devant une église entière. « Je suis éduqué, me fait-il remarquer. J'ai étudié… Ici, les gens ne connaissent rien, ils ne lisent pas ». Il prend son ami par l'épaule : « Lui non plus, il ne connaît rien, mais c'est mon ami et c'est ici que j'aime vivre ! ». Ils picolent parce que c'est la période des fêtes. Je trinque avec eux. En contrebas se dessinent des lignes d'écume, celles des vagues sur lesquelles glissent les surfeurs.

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Texte : Xavier Le Frapper

Mise en ligne :

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