Escale au Panama
Le jour du départ
Le bateau n'est pas encore prêt. Il reste beaucoup de choses à ranger, de la nourriture à acheter pour la traversée. Dennis a conseillé à chacun de ses passagers d'acheter une caisse de vingt-cinq bières à mettre en commun. Il déconseille le vin et les alcools forts, parce qu'en mer ça peut rendre malade.
J'aide Dina à nettoyer le bateau. Elle me reparle de Bill qui est en train de mourir. À sa mort, la moitié du bateau reviendra à Dina. Un beau paquet d'argent. Mais elle sait aussi que ce fric va faire des jaloux. Plusieurs centaines de milliers de dollars, c'est un beau pactole. « En Colombie, ma vie ne vaut pas grand-chose, on peut très bien payer quelqu'un pour me descendre, ça coûterait pas très cher… ».
Les autres passagers débarquent à Portobelo. Dennis nous annonce qu'il a un nouveau plan. L'un de ses amis va nous emmener jusqu'aux îles San Blas. Dennis ira à Panama pour que Dina obtienne un visa pour le Mexique et se rende au chevet de Bill. L'ami de Dennis est un mormon américain d'une cinquantaine d'années. Il vit lui aussi sur un bateau avec une jolie fille d'environ vingt ans originaire du village. Ses enfants d'un premier mariage viennent d'être enlevés par son ex-femme. Interpol est sur le coup. Nous ne sommes guère emballés par ce changement de programme. Nous souhaitons partir avec Dennis comme c'était prévu.
C'est samedi soir et il y a une ambiance de folie dans le village. Toutes les générations semblent être de sortie. Ici, on fait la fête et on aime ça. On se mélange. Les bars ne sont pas réservés aux moins de trente ans, la danse et autres plaisirs non plus. Contrairement à la France, où passé un certain âge, c'est télé à perpétuité pour une grande majorité.
Des enfants et des adolescents se sont déguisés et défilent dans le village. Capitaine Dennis, connu de tous ici, raconte des blagues dans un mélange étrange d'anglais et d'espagnol. On fait cercle autour de lui, on rit. Les habitants du village ont compris que ce n'était pas un gringo comme les autres. Nulle arrogance. Nulle condescendance. Juste un type qui aime bien ses semblables… Alors que nous regagnons le quai, notre capitaine titube. La journée a été longue et les bières nombreuses. Il parvient tout de même à conduire le Zodiac d'une main. Dans l'autre, il tient une nouvelle bière. Le départ devait avoir lieu à 23 h, puis il a été reporté à 5 h du matin. J'ai décidé de ne plus me poser de questions et d'essayer de profiter de la traversée.
Texte : Xavier Le Frapper
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