Carnet de déroute
Une vie simple dans un lieu magnifique
Ein Gedi était une superbe oasis au bord du désert, entourée par de petites rocheuses qui allaient devenir mes monts Rushmore à moi. Elle était plantée de palmiers, d'habitations pour les colons juifs d'un côté et les volontaires étrangers de l'autre, de bâtiments communautaires et, chose que j'allais apprendre rapidement, dotée d'une piscine de taille quasi olympique et même d'un… cinéma ! Bref, un lieu magnifique et surprenant, totalement enclavé comme le veut l'idée même du kibboutz, mais faisant partie de la nouvelle génération, plus tournée vers l'avenir. En effet, celui-ci ne s'occupait pas d'agriculture ni de produits manufacturés, comme c'est le cas pour la majorité de ces implantations, mais de tourisme. Il se chargeait d'accueillir les vacanciers israéliens ou juifs qui voulaient venir se détendre et prendre les eaux de la mer Morte. Je réalisai plus tard que mon choix était plutôt paradoxal pour quelqu'un qui cherchait à vivre une première expérience de voyage. J'avais en effet signé pour deux mois d'immobilisation totale, logé et nourri pour travailler au service de touristes ! La vie au kibboutz était assez simple. Lever vers 5 h 30 dans les effluves de fauve dégagés par mes compagnons de chambrée, tous masculins il va sans dire. À cette heure de la journée (pardon, de la nuit), ma main cherchait à fracasser le bouton du réveil et l'autre, à dégager mon corps de routard fraîchement converti du duvet dans lequel je m'étais péniblement coincé la veille, m'extirpant avec peine pour une douche rapide afin de me persuader que je n'étais pas en train de rêver. Ensuite, habillage en tenue réglementaire de " travailleur volontaire étranger " (tenue style armée, très seyante) et en avant pour le petit-déjeuner à base de café délayé et de pâtisseries aussi plissées que la peau du visage à cette heure de la nuit. Sans doute était-ce là ma punition pour avoir échappé au service militaire, en bon fils de soixante-huitard qui se respecte ! Nous prenions nos repas dans la grande salle commune où des volontaires désignés chaque jour sur le planning avaient eu pour labeur de se lever plus tôt que les autres afin que les bols soient jetés correctement sur la table entre deux couverts en inox et quelques thermos fumants. Bref, que tout soit prêt avant qu'une bonne journée de travail au kibboutz ne commence…
Texte : Fabrice de Lestang
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