Carnet de déroute
De l'escapade à l'aventure
Les soins du kibboutz ayant été peu efficaces, je dus faire deux fois le voyage pour Jérusalem afin de me faire soigner. J'adorai cette escapade imprévue dans la Ville Sainte, même si ma visite des hôpitaux ne fut pas mon meilleur souvenir. Derrière la vitre du bus, j'observais avec fascination, dépassant des chapeaux noirs, les boucles de cheveux des hassidim dans leurs costumes sombres traditionnels, le métissage avec la population arabo-israélienne et toute cette vie qui grouillait dans des quartiers dont j'ignorais jusqu'au nom. Ce moment d'émerveillement m'apparut alors comme une solution possible à ce voyage immobile qui m'obligeait à rester au même endroit pendant deux mois. Je venais de vivre quelques heures de vraies vacances, de découverte, peut-être de liberté alors que je vivais (provisoirement) dans un pays pour qui ce mot avait sans doute bien plus de sens que pour moi. La suite me confirma cette envie de départ, et plut, tout en déplaisant, à mon cher commandant. Il voyait en effet d'un mauvais œil ce coup de canif dans notre contrat sans savoir pour autant quoi faire de moi… L'occasion me fut donnée de partir du kibboutz, de ce cocon qui me rassurait tout en finissant par devenir pénible. En effet, une ribambelle de filles de toutes nationalités leva le camp pour visiter le pays, la Jordanie et l'Égypte. Mon sang ne fit qu'un tour et je les rejoignis, seul bienheureux de sexe masculin à décider de conquérir ces cœurs vagabonds ainsi que tous ces espaces de liberté pleins de promesses… Ce jour-là sonna en fait le vrai départ de mon premier voyage. Vers l'inconnu, cette fois.
Texte : Fabrice de Lestang
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