Mongolie : une virée en auto-steppe
« Ils étaient comme éternels »
Je regarde le cheval brouter paisiblement. Une petite rivière coule avec grand bruit. Je me préparais à attendre des jours et des lustres, mais un camion rouge vrombit, gravissant péniblement la pente, à la sortie d'Olgii, et la route a défilé, à vingt à l'heure dans une vallée prospère où la rivière se divisait en de maintes alluvions isolant des lambeaux de terre fertile. Nous avons sillonné entre les montagnes sèches, puis vinrent les plats relatifs des hauts plateaux, avec toujours au loin les mêmes sommets enrobés de sucre glace. Après des heures et des heures, on ne les avait pas perdus de vue, ils étaient comme éternels. Il y avait sur le plateau ces intrigants pitons rocheux d'un vert mat et acidulé, dont les schistes s'érigeaient à la verticale par strates serrées, comme un feuilleté d'émeraude. Pitons suivis un peu plus loin d'autres pitons, mais tout rouges, sanguins comme la latérite. Un berger se tient à présent à côté de moi, c'est son canasson qui paît devant ma tente. Apparaît au Sud un grand lac aux reflets blancs. C'est l'Atchit Nuur, rond et vaste.
Quittant Olgii déjà, par hasard, par désintérêt, j'ai atteint l'extrême ouest du pays. Ma boucle va virer de bord, virer de nord, avant d'entamer une épopée vers l'Est, synonyme de rapprochement d'Ulaanbaatar. Une boucle dont vous ne connaissez que les détails factuels et qu'il faut transposer à votre propre imagination. Imaginez ces kilomètres de paix… Toutes les rencontres que je n'ai pas détaillées dans ce récit, tous les moments si personnels qui échappent aux mots, toute cette énergie accumulée dans l'esprit, tout cela sert. Cela a servi à nimber ma tête des auréoles de la patience, de l'attente et de la paix. Et surtout à retrouver la seconde innocence qu'on retrouve quand on ouvre vraiment sa tête à tout vent, qu'on ne se cache plus par-delà la nature, mais qu'on accepte d'être dedans.
- Introduction
- Entre Oulan-Bator et Tsetserleg
- Il n’y a presque rien
- Comme au Far West
- En ouaz, vers Tsulut
- L’hospitalité mongole
- Le meilleur de la Mongolie
- Quatre saisons en un jour
- Uliastai : dans l’immensité
- À 50 km d'Uliastai
- Le stop en Mongolie
- Plus tard, un bled nommé Tsahir (aimag de Gobi-Altai)
- L’infini caillouteux du désert
- À la tombée de la nuit
- Le village de Khoud
- Le Bayan –Ogi
- Le Bayan –Ogi (suite)
- « Ils étaient comme éternels »
Texte : David Giason
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