Hong Kong-Macao, Est-Ouest
Du spirituel dans le fric
Les Hongkongais adorent consommer. Leur ville a des airs de gigantesque centre commercial en duty free. C’est d’ailleurs ce qui attire nombre de touristes étrangers. Tout ici incite à la dépense. L’argent roi fait tourner cette Babel extrême-orientale, où le laisser-faire tient lieu de credo économique. On goûte avec ostentation aux plaisirs du luxe globalisé. Armani y possède son propre centre commercial, avec une douzaine de boutiques déclinant la marque. Vuitton, Agnès B., Tiffany’s et tutti quanti s’exposent sur de grands placards publicitaires.
De partout, on vient taquiner le veau d’or. Un architecte expatrié nous a confié gagner le double de son salaire londonien. Un ami taïwanais nous a avoué travailler jusqu’à douze heures par jour. Les Hongkongais, chinois à 95 %, vouent un culte au travail. Ici, les magasins sont ouverts sept jours sur sept et, dans le quartier jeune et branché de Causeway Bay, certaines rues sont fermées à la circulation le dimanche pour laisser la foule vaquer à ses affaires.
La gourmandise est l’autre péché mignon des gens d’ici. Le dimanche, par exemple, on se retrouve entre amis au restaurant pour prendre un brunch à base de dim sum, de délicieuses bouchées (raviolis, beignets…) à la crevette, à la viande ou aux légumes, accompagnées de thé et de sucreries en tout genre. Avec plus de 20 000 restaurants (!), Hong Kong est un petit paradis gastronomique où l’on trouve toutes les cuisines d’Orient et d’ailleurs. Nous avons même croisé l’enseigne d’un resto nommé « Bouillabaisse » !
Mais n’allez pas croire que tout n’est que pragmatisme et matérialisme à Hong Kong. Observez, par exemple, ces hommes d’affaires s’arrêter dans un temple pour y brûler de l’encens. Ici, les jeux de hasard ont la cote et la numérologie est une croyance répandue. Sous ses apparences de rationalité poussée à l’extrême, Hong Kong croit en l’irrationnel. Elle a l’art de mettre du spirituel dans le fric.
La meilleure preuve ? La construction des édifices emblématiques de la ville, et notamment des sièges sociaux de grandes firmes, s’inspirent des principes du feng shui. Art chinois millénaire, le feng shui permet d’aménager l’espace d’un lieu de manière à favoriser la circulation de l’énergie positive. Le bien-être et la prospérité de ses habitants en dépendent. Signée par l’architecte Norman Foster, la tour de la HSBC (notre photo), la principale banque de Hong Kong, a par exemple été conçue selon le feng shui : son rez-de-chaussée a été laissé vide pour favoriser la circulation de l’air. Au sud de l’île, à Repulse Bay, un immeuble d’habitation, situé en bord de mer, contient une énorme cavité en son milieu. Elle permet à un dragon mythique, chassant les mauvais esprits dans la montagne, de se désaltérer dans la mer de Chine…
Texte : Jean-Philippe Damiani
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