Viêt Nam : rencontres sur la route Mandarine
Dao Anh Khanh, un génie de feu
De toutes les rencontres évoquées dans mon livre, celle-ci est une des plus belles et des plus incroyables. À 49 ans, Dao Anh Khanh est un des artistes d’avant-garde les plus en vue du Viêt Nam d’aujourd’hui. Peintre, sculpteur, danseur extraordinaire, il est surtout connu pour ses étonnants spectacles de danse dans des cages en flammes, ses chorégraphies hallucinantes, ses happenings nocturnes où, suspendu comme une araignée à un fil, il se livre à un art corporel incantatoire. Du jamais vu au Viêt Nam !
Le plus surprenant chez cet artiste libre et anticonformiste est qu’il fut pendant dix-huit ans un policier du régime au service de la censure, chargé de surveiller les artistes… Mais comme il est écrit quelque part dans le livre de la sagesse, « L’esprit souffle où il veut et quand il veut ». Retourné par les muses de l’Art, foudroyé par le souffle du Vrai, du Beau et du Bien, Dao Anh Khanh a inversé le cours de son destin en devenant un artiste libre, amoureux fou de son pays pour lequel sa famille, ses parents, ses ancêtres se sont battus jusqu’à la mort. Un grand artiste et un grand patriote.
À présent, c’est lui qui est surveillé mais toléré, et quand même de plus en plus reconnu. Les conservateurs le prennent pour un fou, les autres l’admirent. Les foules l’adorent. Pour les célébrations de l’anniversaire du Millénaire de Hanoi en 2010, il a élaboré un projet grandiose sur le thème de la vague : sur trois kilomètres de longueur, les eaux du Fleuve rouge brûleront dans les flammes d’une chorégraphie musicale. Cet homme que les surréalistes auraient adoré est capable par son génie de mettre le feu à l’eau qui dort !
Texte : Olivier Page
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