Viêt Nam : rencontres sur la route Mandarine
L’inaltérable Monsieur Vinh Bao
« Les années rident le visage mais ne rident pas l’âme ». À quatre-vingt onze ans, Nguyen Vinh Bao marche sans canne, lit sans lunettes, possède un téléphone portable, écrit directement sur son ordinateur, correspond avec le monde entier par courriel et internet, donne des cours de musique à ses élèves grâce à sa webcam. Ses mains fines et noueuses comme des racines de chêne ne tremblent pas.
Il est connu et reconnu comme fabricant d’instruments traditionnels. Il se présente comme l’inventeur de la cithare à 17, 19 et 21 cordes. Mais il est aussi luthier, réparateur de piano et d’instruments à corde. Il méritait que je lui rende hommage. Dans sa jeunesse, Vinh Bao a bien connu Huyn Thuy Lê, l’amant véritable de Marguerite Duras, qui a inspiré à celle-ci son roman best-seller L’Amant. La France a décerné récemment à ce grand francophone le titre d’officier des Arts et Lettres. Au cours de sa longue vie, il a exercé de nombreux métiers pour survivre, il a été chauffeur de camion, magasinier, bijoutier, secrétaire du cadastre, et aussi hôtelier. Sa vraie passion : la musique traditionnelle vietnamienne.
« L’artiste est une personne capable de tout voir, tout sentir, animer, représenter… Je ne recherche pas le grand, le merveilleux, ou le spectaculaire mais le vraisemblable et le naturel. Pour moi, la vie est une perpétuelle adaptation et le bonheur un état d’âme » me dit-il, dans son petit bureau sans confort de sa maison cachée dans un faubourg de Saigon (Hô-Chi-Minh-Ville). Il y travaille assis sur une natte posée au sol, les yeux tournés vers les étoiles. Est-ce là le secret de sa longévité et de son éternelle bonne humeur ?
Texte : Olivier Page
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