Canada : l'Acadie, une Amérique française
Baie de Fundy, la mer ou presque
La mer libre, enfin ? Presque. La baie de Fundy. L’Éden perdu des Acadiens, anciennement appelée « baie Française ». Un entonnoir de près de 300 kilomètres de long, où les courants s’engouffrent avec force, donnant naissance aux plus hautes marées du monde (jusqu’à 16,50 mètres d’amplitude).
La très terrestre Moncton, ancrée sur la rivière Petitcodiac, assiste deux fois par jour au spectacle du mascaret — d’abord simple liseré à l’horizon déroulant sa vague comme un tapis roulant, grondant à l’approche du parc Bore. En une heure tout juste, le niveau de la rivière s’y élève de 7,50 mètres ! À marée basse, l’eau se retire. Seules demeurent les cicatrices luisantes des larges berges découvertes.
À Hopewell Rocks (photo), on marche sur le « fond de la mer » — comme on dit ici —, au milieu des « pots de fleurs ». Au jusant, ces incroyables champignons rocheux aux bases érodées, saupoudrés de végétation, se muent en improbables îlots. On pagaye au milieu, en kayak, jusqu’au prochain échouage. Chaque année, la force colossale des marées dévore 60 centimètres de falaises. Et, chaque jour, la baie voit circuler autant d’eau que le rejet cumulé de toutes les rivières et tous les fleuves du monde (10 000 milliards de litres) !
Au large, la baie grouille de vie. La prolifération du phytoplancton et du krill attire poissons, oiseaux migrateurs par millions et cétacés. À bord du ferry cinglant vers l’île de Grand Manan, la traversée devient croisière. Un, deux, puis bientôt dix marsouins fendent les eaux de leur aileron dorsal. Un rorqual, puis deux, montrent leur dos. Puis c’est une baleine à bosse, semble-t-il, au ventre plus clair, qui roule sur le flanc et dresse sa queue.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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