Ce que le jour doit à la nuit
Auteur : Yasmina Khadra
Editeur : Julliard
413 Pages
Disons le tout net : voilà bien longtemps que nous n’avions lu un aussi beau roman. Dans son dernier opus, Yasmina Khadra, nous entraîne en Algérie, avec Younes, son narrateur, près d’Oran, dans les bas-fonds de Jenane Jeto, où le petit garçon échoue avec ses parents et sa sœur, déshonorés et sans le sou, autour des années 1930. Il y a là Batoul, qui lit dans les songes et les lignes de la main, Jambe-de-bois, Hadda ou le terrifiant El Moro. Mais très vite, Younes est confié à son oncle, pharmacien, marié à une Française, Germaine. La vie de Younes bascule. On l’appelle désormais Jonas.
Il réside dans les beaux quartiers d’Oran, propre sur lui. Son oncle fraie avec les mouvements indépendantistes, il faut vite aller se mettre au vert à Rio Salado, au sud-ouest d’Oran, avant Aïn Temouchent. Les premières amitiés se nouent, il y a Jean-Christophe, Isabelle, pour laquelle tous se damneraient, Simon, Fabrice, Hélène, l’énigmatique et sublime madame Cazenave, sa tout aussi sublime fille Émilie… On découvre le snack américain, les bordels, les étreintes, les jalousies, les éloignements, la mer, le sable… Et la guerre, qui de loin en loin se rapproche pour figer les liens entre chacun. Où se situe Jonas ? Est-il du côté algérien ? Du côté français ? Qui doit-il choisir ? Doit-il seulement choisir ?
Avec subtilité, dans un style très lyrique, mais retenu, Yasmina Khadra évoque cette jeunesse algérienne, française, cette cohabitation entre différentes communautés, différentes religions et différents milieux. Rien n’est caché. Chaque partie s’exprime. Le narrateur avance à tâtons. Pourquoi cette guerre ? Pourquoi ces meurtres et ces attentats, pour une terre que chaque partie aime tout autant ? Pourquoi se battre pour la même terre, pour la même fille que l’on aime ? Tous les intervenants s’expriment auprès de ce confident neutre qu’est Younes/Jonas, Janus en guerre. Yasmina Khadra, avec beaucoup de finesse, déplace le curseur et propose une autre lecture de la guerre, du point de vue de l’amour cette fois. Tout ici est force, affrontements et non-dits, coups bas et injustices. Une sale guerre où l’on se perd. Pour mieux se retrouver ? Un roman en forme d’espoir.
Texte : Gavin's Clemente-Ruïz
Mise en ligne :