Baden-Baden, la dolce vita en Allemagne
À une quinzaine de kilomètres de la frontière et moins d’une heure de route de Strasbourg, la ville thermale de Baden-Baden cultive son atmosphère chic et surannée de lieu de villégiature longtemps prisé par les élites et les artistes de toute l’Europe. Il faut dire que cette cité de quelque 50 000 habitants, située aux portes de la Forêt Noire dans le Bade-Wurtemberg, ne manque pas d’attraits avec ses demeures aristocratiques, ses musées et les thermes qui ont fait sa réputation. Victor Hugo, Richard Wagner, Dostoïevski, Napoléon III, la reine Victoria et le général de Gaulle sont venus goûter, entre autres célébrités historiques, aux délices de Baden-Baden. Pourquoi pas vous ?
Préparez votre voyage avec nos partenairesBaden-Baden : une star du Bade-Wurtemberg
C’est une enclave Belle Époque à 13 km de la frontière française. Démographiquement modeste (55 000 habitants), Baden-Baden jouit pourtant d’une sacrée réputation, elle dont le nom traverse plusieurs épisodes marquants de l’Histoire.
Destination prisée des garnisons romaines stationnées à Strasbourg (à 42 km à vol d’oiseau). Incendiée lors du sac du Palatinat par les troupes de Louis XIV. Rêve bucolique et forestier pour les romantiques allemands. Siège de commandement des forces françaises en Allemagne. Lieu de retraite précipitée et de réflexion pour un Général De Gaulle dépassé par les événements de mai 68 mais ragaillardi par Massu. Sacré pédigrée !
Ce qui ne change pas, c’est l’attraction de la ville thermale arrosée par une eau alcaline et curative jaillissant de douze sources (jusqu’à 68 °C). Au 15e siècle, Baden-Baden accueillait déjà 3 000 curistes par an. Au 19e s, tout ce que l’Europe compte d’arty et d’endiamanté se presse dans ses bals, ses maisons de conversation, son casino, à tel point qu’on affublera Baden-Baden (qui n’était alors que « Baden ») des surnoms de « Paris d’été », de « Petit Paris » ou de « capitale de l’été ».
C’est ici qu’il faut être vu. Théophile Gautier, Richard Wagner, Victor Hugo, Alfred de Musset, Ivan Tourgueniev, Camille Saint-Saëns, Fiodor Dostoïevski, Johannes Brahms, Napoléon III, la reine Victoria, Franz Liszt, Niccolò Paganini, Hector Berlioz… Voilà pour le Who’s Who non exhaustif.
La ville d’eau et d’opéra – elle a délocalisé en périphérie sa gare (20 minutes en bus) pour transformer celle plus centrale du 19e siècle en un splendide et imposant opéra (le deuxième plus grand d’Europe) – joue sur tous les tableaux.
La culture avec la Lichtentaler Allee cinglant une rivière inoffensive, l’Oos, et qui égrène les musées et plusieurs architectures de haut vol. La nature, sur les hauteurs du Battertfelsen, dans ses châteaux en ruine ou à la découverte du Weinweg (route des vins). Le luxe (au petit jeu du nombre de millionnaires par habitant, Baden-Baden arriverait juste derrière Monaco, Genève et Zurich) à la Trinkhalle, au Kurhaus ou le long de ses rues cossues, Lange Strasse, Luisenstrasse et surtout Sophienstrasse qui inventorient de fastueuses enseignes.
Et toujours la santé avec ses deux complexes thermaux, Friedrichsbad et les thermes de Caracalla dont les eaux dynamiseraient la circulation sanguine.
Les thermes de Baden-Baden
Au 19e s, les mondains ne venaient pas à Baden-Baden pour patauger dans des bassins de pierre, mais bien pour boire son eau (c’est désormais fortement déconseillé).
Depuis son ouverture en 1877 pour pallier la fermeture du casino par l’administration prussienne, Friedrichsbad en a vu barboter des têtes bien faites et des corps plus débraillés dans son bain romano-irlandais mixte et nudiste (on vous aura prévenus). « On y oublie après 10 minutes le temps et après 20 minutes le monde » aurait dit Marc Twain en 1878.
Dans un riche décor (façade de style néo-renaissance) de marbre, de majoliques aux motifs rustiques et de coupoles simili-ottomanes, le bien-être se gagne en venant à bout des 17 stations (certaines, dont l’alléchant massage brosse-savon, peuvent être fermées pour cause de covid. Vérifiez en ligne) : séjours en air chaud, douches à l’eau thermale, bain de vapeur thermale, bain bouillonnant ou en eau froide pour finir emmailloté dans une serviette chaude (27 € l’entrée, il faut rajouter 12 € pour le massage au savon et à la brosse).
Friedrichsbad a, depuis 1985, un petit frère, forcément plus moderne, les thermes de Caracalla. Il ne faut marcher que quelques mètres pour pénétrer dans ce temple dédié à la détente. Sous une bulle de verre, 4 000 m2 d’espace aquatique, saunas, cabanons en rondins de bois, bains à remous, bassins intérieurs et extérieurs. Moins typique, plus Disneyland de la vapeur, mais tout aussi requinquant.
Notez que les vestiges des premiers bains romains (römische Badruinen), construits il y a 2 000 ans, reposent sous Friedrichsbad et que l’une des douze sources historiques de Baden-Baden, la Fettquelle (63 °C), coule à proximité.
L’architecture et la culture à Baden-Baden
Que serait une forêt-noire sans cerises ? Que serait une visite de Baden-Baden sans une déambulation à la Trinkhalle ? Dès sa construction en 1838, toute l’intelligentsia et la haute société badoises se pressaient dans sa galerie de 90 m de long gardée par 16 colonnes corinthiennes. 14 fresques murales racontent des contes et légendes du nord de la Forêt-Noire, dont celle de la sirène du lac de Mummel. La Trinkhalle abrite l’une des sources de Baden-Baden qui s’écoule paresseusement d’un robinet (actuellement la salle n’est pas accessible). C’était la buvette préférée du gotha du 19e s.
Le Kurhaus rythme les soirées de Baden-Baden depuis son édification en 1824 par Friedrich Weinbrenner. Concerts, espaces de réception, bar et un superbe casino d’inspiration baroque avec ses plafonds à caissons, ses dorures et ses lustres massifs en cristal de Bohème que l’on doit au Français Jacques Bénazet et qui attira, autour de ses tables miroirs et de son mobilier Boulle, tout le beau linge européen. Très active la famille Bénazet d’ailleurs puisqu’elle participa également aux travaux d’embellissement de la Lichtentaler Allee et fut à l’origine du théâtre dans le style de l’Opéra de Paris.
Inauguré en avril 1998, le Festspielhaus est l’œuvre de l’architecte viennois Wilhelm Holzbauer. Plus grande maison d’opéra d’Allemagne (2 500 places sur 6 niveaux), le bâtiment a récupéré pour son hall la gare néo-renaissance construite par le Kaiser Guillaume II dans laquelle une structure mi-béton, mi-verre a été emboîtée à l’emplacement des anciennes voies.
Les musées de Baden-Baden
Le musée Frieder Burda, que l’on doit à l’architecte du Getty Center, Richard Meier, a été inauguré en 2004. Sous ses atours de villa moderniste, tout en délicatesse de verre et façade blanche, l’institution cache quelques vibrants trésors de l’expressionnisme allemand et 8 toiles de Picasso (que vous aurez la chance de voir si une exposition temporaire ne squatte pas les espaces).
Jouant à touche-touche avec le Burda, la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden, du haut de ses 113 ans, ancienne maison de conversation qui hébergea Gustave Flaubert, se veut être une vitrine (le musée n’a pas de collection propre) de l’art contemporain.
La maison de Brahms (lundi, mercredi, vendredi de 15 h à 17 h et dimanche et jour férié de 10 h à 13 h), au-delà de la Lichtentaler Allee, a été la résidence d’été du compositeur des danses hongroises de 1865 à 1874. Légèrement surélevée, cette pittoresque maison blanche est désormais ombragée par des immeubles compacts très (trop ?) contemporains.
Le Kunstmuseum Gehrke-Remund reste le seul musée étranger autorisé à reproduire toutes les œuvres de Frida Kahlo. Aucun tableau original donc, mais 123 « faux » officiels parmi son lit (répliqué lui aussi), des robes et des bijoux mexicains.
Enfin, c’est dans la très cossue Sophienstrasse qu’a élu domicile le musée Fabergé. Vous y trouverez les incontournables œufs impériaux, mais aussi des bijoux et des étuis à cigarette.
La Lichtentaler Allee, les Champs-Élysées de Baden-Baden
La Lichtentaler Allee est sortie de l’esprit et des sécateurs de Johann Michael Zeyher, le jardinier qui aménagea cette promenade de 3 km entre l’opulent couvent des cisterciennes de Lichtenthal et le centre de Baden-Baden. Pelouses ratiboisées au cordeau, rhododendrons foisonnants, romantiques passerelles en fer forgé, canards mandarins frayant avec d’impassibles hérons et saules mouillant leurs branches dans l’Oos, « ce petit ruisseau au clapotis si distingué, bordé de toutes espèces d’arbres rares (300, NDLR). Le site du parfait raffinement » comme s’extasiera Louis-Ferdinand Céline dans son roman Nord (1960).
Bornant cette bucolique flânerie, quelques bâtisses valent le coup d’œil. On pense au Brenners Park-Hôtel, ex-hôtel-Stéphanie-les-Bains. C’est ici, en février 1962, qu’Adenauer et De Gaulle, décidément féru de Baden-Baden, scellèrent l’amitié franco-allemande.
Il y a le Badischer Hof (repris par Radisson), ancêtre de tous ces hôtels modernes construits pour accueillir les touristes venant vider leurs bourses au casino. Sans oublier le néo-baroque Palais Biron, le Palais Gagarin (aujourd’hui un restaurant), le Kurpark-Residenz Bellevue, le jardin Gönneranlage et quelques sculptures du plus bel effet.
Les échappées nature à Baden-Baden
Quelle meilleure publicité que l’exhortation de Tourgueniev à Flaubert : « Venez de suite à Baden-Baden. Là sont les arbres les plus glorieux qu’il m’ait été donné à voir. Ils font des miracles pour les yeux et l’âme ». Allons vérifier…
Le Panoramaweg enferme dans une boucle de 45 km Baden-Baden. C’est en se baladant là que Brahms aurait eu l’idée de son trio pour cor, violon et piano : « un matin je marchais, et au moment où j'arrivais là le soleil se mit à briller entre les troncs des arbres ; l'idée du trio me vint à l'esprit avec son premier thème ».
La partie nord est profuse en sites remarquables. On commence par le château de Hohenbaden (ou altes Schloss) qui était l’ancienne résidence du margrave de Bade. Émergeant des pins et des sapins, sur le versant ouest du mont Battert, ce vestige médiéval a encore fière allure (avec sa grande harpe éolienne) et peut se targuer d’offrir l’un des panoramas les plus grandioses sur la région.
L’altier Battertfelsen, aristocratie de formations rocheuses stratifiées et crevassées, sortes de cairns dressés en pleine Forêt-Noire, plusieurs centaines de millions d’années au compteur, est passé d’enceinte naturelle providentielle pour les colons celtes qui s’y réfugièrent à terrain de jeu très prisé des grimpeurs de tout poil. Il y a également l’Engelskanzel et le Teufelskanzel, deux dalles rocheuses sur lesquelles le diable et un ange se seraient livrés une terrible joute oratoire.
Plus au sud, le Merkur (comme le Dieu Mercure), fier de ses 700 m de hauteur, ouvre une fenêtre sur le bassin de Baden-Baden, mais aussi sur la plaine du Rhin, Strasbourg et même les Vosges. Sachez que le funiculaire, MerkurBergbahn (6 € A/R), avale 370 m en 5 min et vous évite de vous casser les dents sur la déclivité de la colline (pentes entre 23 % et 54 %). Aucune culpabilité, chaque année, plus de 130 000 curieux prennent cette tangente avant d’enchaîner jusqu’au sommet, 23 m plus haut, en paressant dans l’ascenseur gratuit.
La partie locale du Weinweg badois embranche deux vignobles, Eckberg et Schafberg, 777 ans d’âge, en passant par la virginale Marienkapelle et l’abbaye de Lichtenthal. Vous rencontrerez une faune surprenante, des flegmatiques et chevelues vaches de race Highland par exemple. N’hésitez pas à faire une halte au domaine Knapp pour goûter un riesling. Pour les plus motivés (ou épicuriens), la route des vins de Baden est plus ambitieuse (elle se fait en voiture) et traverse Badishe Bergstrasse, Kraichgau, Ortenau (ne manquez pas le château de Schauenburg à Oberkirch), Breisgau, Kaiserstuhl (laissez-vous tenter par son pinot gris), Tuniberg et Markgräflerland.
À 13 km au nord de Baden-Baden, le Residenzschloss Rastatt, plus ancienne résidence baroque du Rhin Supérieur, étrenne ses jolies fresques et ses lourdes décorations tandis que le Schloss Favorite, à 9 km, le plus ancien « château de porcelaine » (belle collection de porcelaine de Meissen) d’Allemagne, et ses murs et plafonds très chargés, raviront vos pupilles.
Fiche pratique
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Site de l’office du tourisme d’Allemagne
Site de l’office du tourisme du Bade-Wurtemberg
Site de l’office du tourisme de Baden-Baden
Site de l’office du tourisme de la Forêt-Noire
Comment y aller ?
En train : Liaison ferroviaire quotidienne directe avec Marseille et Lyon. Sinon, liaisons avec Paris en 3 h environ (changements à Karlsruhe ou Strasbourg et Offenburg).
En avion : Aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg : un bus-navette rallie Fribourg-en-Brisgau en 55 min ou aéroport de Baden-Baden.
Adresses
Le Bistro : Sophienstraße 4. Dans la sophistiquée Sophienstrasse, un restaurant plus brut de décoffrage. La carte est à l’image de la décoration, très cynégétique. La cuisine fait ainsi la part belle à la viande de gibier. On peut ne pas aimer, mais on vous rassure, les alternatives ne manquent pas. Entre les Flammkuchen, les Currywurst et les spaghettis au sanglier, à vous de choisir.
Café König : Lichtentaler Str. 12. Voilà une institution badoise (vieille de plus de 100 ans) incontournable pour le 4 heures. Installez-vous en terrasse sous son iconique marronnier ou en salle. Schwarzwälder Kirschtorte (forêt-noire), café gourmand, Kaiserschmarrn, Schweizer Nusskranz… Pas sûr que vous repartiez plus léger.
Texte : Florent Oumehdi
Mise en ligne :