Via Baltica - au fil des eaux, de Stockholm à Vilnius

Forum Lituanie


Tel un fer à repasser gigantesque, le ferry de la Viking Line glisse ses soixante mille tonneaux sur la Baltique. Nous sommes dans l’archipel de Stockholm. Du pont supérieur, on a tout loisir de contempler les îles. Composition typique: un embarcadère; un cabanon-garage à bateau, de couleur rouge sang de boeuf, ou bleu/jaune du drapeau suédois; un mât où flotte le dit drapeau; enfin, quelques pas en arrière, à moitié cachée dans la végétation, la maison principale, assortie au cabanon (et vice-versa).

DIrection Åland (prononcer ôland). Ce petit archipel de quelque 6500 îles, constitue un état semi-autonome, avec son drapeau, ses timbres, et son parlement. Associé à la Finlande, on y parle pourtant uniquement suédois.


Åland est plat, mais possède quelques escarpements de grès polis par le climat.

Nous débarquons le 21 juin, pile au solstice d’été. En plein préparatifs de la fête de midsömmer. Le mât couvert de fleurs est déjà dressé, dans un champ, près de la marina. Sur les pontons, quelques vieux loups de mer - forcément barbus - éclusent une chope de bière. De jeunes femmes en robe blanche portent dans les cheveux des guirlandes de fleurs des champs tressées. Un peu plus loin, à quai, se trouve le Pommern, cargo quatre-mâts élancé, qui rappelle l’époque où les marins d’Åland dominaient la Baltique et le monde de la mer.

D’un archipel à l’autre
Retour sur le ferry, qui se faufile lentement parmi les îles d’Åland. Certaines se réduisent à un tas de cailloux. Une famille de cygnes nous accompagne:


A l’approche de Turku, les eaux se font plus bourbeuses. Ce qui n’empêche pas la baignade: une famille entière, enveloppée dans des serviettes de bain, se détend sur son ponton. On devine des villas cossues parmi les arbres.

Le bestiaire de Rauma
En ce dimanche après-midi, Rauma est quasiment déserte. Les rues de la vieille ville évoquent à la fois la ruée vers l’or en Alaska et les isbas russes.


Nous empruntons la rue la plus étroite de Finlande. Elle nous mène au bord d’un ruisseau. Sur un tertre, au milieu des bouleaux, trône l’église de la Sainte Croix. Parmi les fresques du plafond, je repère une chèvre à l’oeil gentiment défoncé. Nul doute que ses ailes l’aident à planer, mais on se demande bien ce qu’elle a pu brouter… Un peu plus loin, au milieu du canal qui mène à la Baltique toute proche, ce trio de naïades s’est fait surprendre par le roi grenouille, sous l’oeil d’un canard blasé.

Dans les rues d’Helsinki
Chapeau mou sur la tête, gilet matelassé sans manches, Riitta nous aborde dans le quartier d’Eira, alors que nous sommes plongés dans le GdR. Gentiment, elle nous propose de l’accompagner dans sa balade quotidienne. Au passage, elle nous montre quelques villas Art Nouveau remarquables. En chemin, nous abordons les sujets de préoccupation locaux. En tant que retraitée, Riitta s’inquiète: la population vieillit, l’Etat finlandais pourra t’il maintenir le “welfare state”? Quant à la Russie voisine, ce n’est pas un problème, mais nous restons vigilants. D’ailleurs, le service militaire obligatoire demeure en vigueur.


Helsinki est construite sur une presqu’île. Les formidables brise-glace, tout en puissance contenue, prennent leur quartiers d’été dans l’île voisine de Katajanokka.

Dans quelle autre capitale, peut on garer son jet-ski devant le palais présidentiel?

Un chinois à Tallinn
Une petite pluie fine tombe sur la file de visiteurs sous parapluies, qui attend l’ouverture du palais de Kadriorg. Un asiatique, perplexe devant son plan, nous demande le chemin du jardin japonais. Cela tombe bien, on y allait aussi. C’est un chinois retraité qui ‘fait’ l’Europe en solitaire, et qui parle bien anglais. Ce qui n’est pas si fréquent.

L’après-midi, nous nous perdons dans les rues de Kalamaja, faubourg où abondent les vieilles maisons en bois. Certaines pimpantes, d’autres légèrement décaties. Le retour vers la vieille ville nous fait traverser le marché, où l’odeur des fruits rouges est si marquée, qu’on se croirait dans un atelier de confitures. Près de la gare, une expo se consacre aux années 70-80, au temps de l’Estonie soviétique. J’admire la voiture à monter soi-même, ou plus exactement, le courage de ses acquéreurs.


Le tram circule dans le no man’s land champêtre qui entoure les remparts de la vieille ville. A l’époque médiévale, on y trouvait les fossés défensifs.

Dans les îles estoniennes
Ile de Muhu. Christina nous accueille dans sa maison chaleureuse, perdue au bout d’un chemin de terre. Toit de chaume, intérieur bois, poêle massif de faïence: bien que récente, elle paraît ancienne. Normal: Christina nous explique qu’elle a été construite à partir d’une ancienne ferme.
Autour, les champs fleuris sentent bon la campagne: campanules, liserons, trèfles outremer, luzernes de toutes les couleurs. Accompagnés par une escadrille de libellules, nous atteignons la mer. Trois moutons vigilants nous regardent passer. Nous empruntons une sente qui serpente parmi les arbres rabougris. A la sortie, on se retrouve mufle à nez avec un troupeau de vaches couleur ambrée, comme nos Salers. Elles nous suivent en meuglant, espérant regagner l’étable avec nous.


Ile de Saaremaa. Dans les fossés qui entourent le chateau-fort de Kuressaare, se tient un festival médiéval. Devant les tentes au style Camp du Drap d’or, des armures sont étalées sur l’herbe. Des chevaux caparaçonnés broutent tranquillement. En costume de feutre, un jeune homme m’invite à tirer quelques flèches au moyen d’un arc rudimentaire.
Au nord de l’île, une grande plage déserte. Un cabanon minuscule porte l’enseigne “Supermarket”. Juste à côté, dans son bus, un chauffeur fait une petite sieste.

Saaremaa est toute plate, on y croise peu de voitures: un terrain de jeu idéal pour le vélo.

Sous l’aile de la cigogne
Retour sur le continent. Petit à petit, la forêt fait place aux cultures. Le paysage pourrait paraître monotone, mais on se laisse prendre par cette atmosphère à la fois apaisante, hypnotique, et légèrement inquiétante.
De part et d’autre de la frontière lettone, nous apercevons à plusieurs reprises des cigognes. L’une d’elles prend son envol à quelques mètres. Un moment de grâce…

Dans la ferme-école
Le musée ethnographique de Lettonie, tout près de Riga, est un modèle du genre. Les maisons sont éparpillées dans la forêt. Dans un ancien entrepôt maritime, au bord du lac Jugla, sont rassemblés des dizaines de coffres en bois, peints de décorations naïves. Une babouchka en costume traditionnel fabrique des moulins en paille. Elle nous explique que cela servait à éloigner les mauvais esprits. Quand on l’agite, les graines contenues à l’intérieur font un bruit de castagnettes.
Beaucoup de maisons étaient à double ou triple fonction. J’aime la ferme/moulin/école: les enfants des paysans y apprenaient à lire, alignés autour d’une immense table rectangulaire.


Eglises en bois orthodoxe et luthérienne cohabitent dans la forêt.

Farniente à Riga


Dimanche après-midi à Riga: bain de soleil au bord de la Daugava. De temps en temps passe un kayak; une petite barque promène silencieusement ses passagers. Deux jeunes femmes déambulent, bras dessus-dessous.
A la sortie du parc Kronvalda, sur une table de camping, une grand-mère tient un petit stand de fruits rouges. Temporairement, je suis devenu un de ses fidèles clients. Elle garde sa monnaie dans une de ces boîtes métalliques rondes aux couleurs vives, qui ont dû contenir des pastilles pour la toux.

La bonne bouille débonnaire des tramways de Riga contraste avec le profil anguleux de ceux d’Helsinki ou de Tallinn.

Ambiance soviétique à Jelgava
Giboulées de mars en juillet? Quoi qu’il en soit, après avoir admiré les monuments colorés de Jelgava, nous nous réfugions dans un sombre café d’un immeuble de style soviétique. Ici, personne ne parle anglais. Heureusement, “café” est un mot universellement compris.


Ces deux pagayeurs ont poussé l’élégance jusqu’à assortir leur esquif aux couleurs du palais de Jelgava, devenu école d’agronomie.

Vous reprendrez bien un peu de ferry?
Arrivée en Lituanie. Nous voici à Klaipéda, ville portuaire. A la chasse aux sculptures, dans les rues pavées. Nous cherchons la statue du chat: un gros matou roux au miaulement impétueux nous met sur la voie.


Klaipéda est propice à la chasse aux statues: il y en a pour tous les goûts.

Une courte traversée en ferry (en fait, un bac) nous transporte dans la péninsule de Courlande. Un défi: comment une fragile bande de dunes de 100 kilomètres, a t’elle pu si longtemps résister aux tempêtes nordiques? Les anglais appellent cela un “spit”, ce qui peut signifier pointe, broche, ou encore… crachat.
Côté baltique, la plage, battue par le vent, est déserte. A l’intérieur, dans la forêt, calme plat. Cela sent le pin évidemment, mais aussi par endroits le pain grillé (le pin grillé?) et même le miel.


Dans le petit hameau de pêcheurs de Smyltine, un kindergarten. Dont les enfants regagnent le continent sur le bac. Nous sommes accompagnés par des mouettes à tête noire, de vrais bandits masqués. Une petite fille blonde leur jette des miettes, qu’elles happent en plein vol, provoquant les éclats de rire de son frère.

Dans les méandres du Niemen
Il est temps de quitter les rives de la Baltique. Après Kaunas, nous prenons les petites routes qui musardent dans la vallée du Niemen. Par endroits, celui-ci s’élargit: on aperçoit à peine l’autre rive. Quelques voiliers au loin. Le paysage se fait vallonné, presque accidenté, la route serpente au milieu d’un chapelet de petits lacs. De temps en temps, un village ou une église solitaire…


A droite, l’église baroque de Stakliskes (Lituanie), au milieu des champs blonds. A gauche, une église luthérienne lancée vers le ciel, aperçue près de la vallée de la Gauja (Lettonie).

Le pédalo de Trakai
Il pleut à verse ce matin. Au milieu des îles, le château de Trakai n’en paraît que davantage hors du temps. Pas découragé, un pédalo solitaire fait des ronds dans l’eau. En capes de pluie, un groupe d’enfants piloté par leur institutrice - munie d’un micro-casque - traverse la rue, devant les maisons en bois colorées du village.
La fin de journée ramène le soleil et illumine les barques.


L’utopie d’Uzupis
En arrivant par le train, Vilnius se découvre au dernier moment, nichée au milieu de sa ceinture verte. Le soleil s’éclate sur les dômes dorés des églises, et nous invite à pousser les portails pour découvrir les nombreuses cours fleuries de la ville.
Un peu à l’écart, dans une boucle de la Vilnia, se blottit la république autoproclamée d’Uzupis. Mélange de vieux logements décrépits et d’ateliers d’artistes (ce qui n’est pas incompatible). Sa constitution, affichée sur le café central, mérite d’être lue. Extraits: "l’homme a le droit d’être heureux; “l’homme a le droit d’être malheureux”; “l’homme a le droit de douter, mais ce n’est pas obligatoire”; “le chat a le droit de ne pas aimer son maître, mais doit le soutenir dans les moments difficiles”.

De l’art et du cochon au centre d’Uzupis.

La Vilnia, frontière d’Uzupis: sculptures, cairns, et… piano!

Et Stockhom alors?
C’est vrai, j’allais oublier Stockholm! Déjà qu’il est un peu foutraque ce carnet, c’est même pas dans l’ordre si ça se trouve. Pas une seule adresse de resto, ni de bon plan, et aucune plainte envers un loueur de voiture peu scrupuleux! Pfff…
Bon, tout le monde le sait, Stockholm est bâtie sur un archipel (oui, vous l’aurez sans doute noté, le fil conducteur de ce trip était l’eau).


Nous avions posé nos sacs à dos dans l’île de Södermalm. Au matin, nous étions réveillés par les cris des goélands, ce qui confirme bien la situation maritime de la ville. Tout près de là, l’église Catherine, entourée de son paisible cimetière engazonné. Le soir, parmi les tombes éparpillées, des groupes viennent s’assoir sur l’herbe, partageant pique-nique et bière. Moralité: un cimetière peut être gai !

Voilà, c’est fini. J’espère que cela vous aura donné envie d’aller voir par vous-même… Ah oui, pour être honnête, on a vu plein d’autres choses, et bien sûr, admiré les architectures Art Nouveau, baroque, médiévale, ou néo-classique, de toutes ces capitales. A votre tour !

Bonjour ,
Votre carnet de voyage m,a interpelée…car si nous avions découvert Stockholm,différentes iles l’an passé (arrivant également le jour de midsommer…),avions été conquis par l’atmosphère bon-enfant…
et cette année,j’avais envisagé de découvrir la suite de ces rivages de la Baltique (via Helsinki,Tallin,Riga,Vilnius +iles dont vous parlez dans votre descriptif…pas dans l’ordre effectivement!
Pourrai-je vous demander comment vous avez voyagé? (quels moyens de transport ?..ça m’intéresse,car nousavons renoncé à ce voyage,en raison des “soucis” lus sur le forum du routard ,pour ceux qui loueraient un véhicule de vilnius à Tallinn par ex-surcoûts ,et sommes prélevées à postériori…)
Nous avons donc parcouru les bords de la Baltique -de Hambourg à la frontière Polonaise…avec pour thème central :Les villes hanséatiques…intéressant, certes,mais n’avons pas du tout retrouvé l’atmosphère perçue l’an passé…votre carnet de voyage réveille mon envie!!!

Bonjour Annette,

Merci pour ce message. Mon but c’est de donner des impressions, j’évite donc de raconter où j’ai dormi, ce que j’ai mangé, ou quelle voiture j’ai loué, ce que je trouve au final inintéressant.

En deux mots les transports: ferries, bus, train, et voiture de loc. Je sais que beaucoup se plaignent des arnaques, ou râlent parce qu’il y a des frais de restitution. Mais accepteraient-ils seulement de prêter leur voiture à un ami si celui-ci la leur laissait en Italie? Par ailleurs, se précipiter sur des locations à 19€ par jour, c’est naïf. le prix de revient minimum d’un véhicule de base (hors carburant) est autour de 30 centimes/km. Donc si on roule ne serait-ce que 150 km par jour, cela revient déjà à 45€. Pas étonnant qu’il y ait des arnaques. Même chez les “grands”: j’en ai eu une chez Europcar, et je ne suis pas le seul.

Mon expérience n’est qu’une parmi d’autres, mais je me fais un plaisir de vous envoyer plus de détails en MP.

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