Bonjour!
Dans ce carnet majoritairement dédié à Saint Louis du Sénégal et ses environs, j’aurai le plaisir de partager avec vous de nombreuses photos… Au programme : un petit détour à Gorée avant de partir à Saint Louis, Saint Louis et ses différentes facettes, notamment le fantastique quartier des pêcheurs, le parc national du Djoudj, le parc de la Langue de Barbarie… Je vous emmène?
Une petite précision: nous avons séjourné au Sénégal 10 jours en avril/mai dernier, à Saint Louis du Sénégal puisque nous y allions pour le festival de Jazz. C’est ce qui explique que nous ayons centré nos découvertes sur Saint Louis et ses environs immédiats (Parc du Djoudj, parc de la Langue de Barbarie)…
Avant d’aller au Sénégal, j’avais réalisé quelques recherches sur ce forum et quelques autres. Que d’avis tranchés sur le Sénégal, qu’on déteste ou qu’on adore! Nous mêmes, si cela n’avait été l’attrait du festival, peut être n’y serions nous pas allés… C’eût été dommage, car nous avons beaucoup aimé!
Bien sûr, j’ai vu la pauvreté, le désoeuvrement et les détritus… Les privilèges de l’élite politico-économique et les inégalités, sachant que c’est ce que l’on rencontre dans beaucoup de pays pauvres et pas seulement en Afrique.
Mais quand je ferme les yeux et me remémore notre séjour, ce qui me reste c’est la jeunesse, la beauté de nombreux garçons et filles, l’élégance des femmes et l’éclat des yeux et des sourires. La lumière et les couleurs, l’odeur du poisson grillé, le goût du fruit du baobab. Les klaxons, l’appel des Muezzins, la musique, les éclats de rire.
Alors, c’est parti!
Un petit détour par l’île de Gorée…
Avant de rallier Saint Louis, nous avons fait l’habituelle excursion jusque l’île de Gorée, que je recommande vivement.
A l’embarcadère des ferrys, tôt le matin, c’est l’affluence.
Des classes entières d’enfants et d’adolescents, tous en ligne, des touristes, bien sûr, et de nombreuses personnes qui travaillent sur l’île, comme par exemple toutes ces vendeuses de rue qui essaient de se faire quelque argent avec des babioles et des colifichets. Elles nouent déjà conversation avec les touristes sur le bateau: “bonjour, moi c’est Vanessa Paradis. Comment tu t’appelles? tu viendras me voir sur l’île, et tu m’achèteras un collier, d’accord?”. Ne dites pas “d’accord” … plus tard, sur l’île, elle saura vous reconnaître entre 100 personnes et vous rappeler votre promesse, et fera mine de se fâcher si vous ne la tenez pas…
Le ferry quitte le port de Dakar et croise sur son chemin quelques pêcheurs.
L’île n’est qu’à un peu plus de 4 km des côtes, aussi la traversée est-elle rapide.
L’île est petite, la promenade est très agréable, en front de mer ou dans les rues bordées de quelques belles maisons coloniales.
Monter jusqu’au fortin, pour une vue sur Dakar…
… voir les milans noirs tournoyer dans les airs et plonger vers une proie…
… et bien sûr se rendre à la maison des esclaves, lieu-symbole émouvant, où vous serez au milieu de tous les scolaires!
On sait maintenant que Gorée n’a joué qu’un rôle mineur dans la traite négrière, et que beaucoup de chiffres énoncés au musée, voulant présenter Gorée comme la plaque tournante de la traite négrière sont erronés… Mais peu importe, la charge symbolique est forte et c’est un lieu mémoriel dédié à toutes les victimes d’une abomination qui a duré plusieurs siècles et sur laquelle des hommes et des villes ont construit leur richesse.
Pendant votre promenade sur l’île de Gorée, vous serez sans doute très sollicités par les vendeuses de souvenirs… si on respecte la régle de base de ne pas regarder les articles ni entrer en conversation si on ne veut pas acheter, et de le dire très clairement puis de se détourner… on s’en sort! J’ai vu bien pire!
Une bien belle balade!
En chemin pour Saint Louis… il a quel âge, ce baobab?
De Dakar à Saint Louis, un peu plus de 250 km, 4 à 5 heures de route, en traversant de nombreux villages. Nous voulons arriver à Saint Louis avant la nuit, nous n’avons donc malheureusement pas le temps de nous arrêter… nous voyons défiler les petites échoppes, les ateliers, les centres des villages sont animés en cette fin d’après-midi.
On s’arrête au pied d’un vieux baobab extrêmement chenu… Il aurait 1200 ans, à moins que ce ne soit 800, ou 2000… En tout cas il aurait beaucoup de choses à nous raconter, sans doute, mais j’ai beau coller mon oreille contre son écorce, il reste muet, ou c’est moi qui suis sourde…
Un groupe d’enfants surgit d’on ne sait où (pas de village en vue) et nous fait de grands au revoir quand on repart…
Saint-Louis la belle
Saint Louis se trouve sur le fleuve Sénégal, près de son embouchure. Le coeur historique, comprenant de nombreux bâtiments coloniaux lui ayant valu son classement à l’UNESCO (avec actuellement des inquiétudes sur le maintien de ce classement), se trouve sur l’île Ndar, que l’on franchit par le pont Faidherbe conçu par Gustave Eiffel (la blague la plus courante à Saint Louis: quel est le pont le plus léger du monde? le pont Faidherbe… fait d’herbe… ha ha ha). Entre le fleuve et l’océan, une étroite langue de sable, qui au niveau de Saint Louis supporte le quartier des pêcheurs. C’est la Langue de Barbarie, qui s’étire sur environ 20 kilomètres au sud et dont une partie constitue maintenant un parc National… j’en parlerai plus loin.
De fait, Saint Louis offre donc au moins 3 visages différents:
- l’île de Ndar, douce et tranquile, suave et languide, avec ses bâtisses coloniales décrépies, ses commerces, tournée vers le tourisme.
- le quartier des pêcheurs, qui comme son nom l’indique est tourné quasiment exclusivement vers cette activité centrale de Saint Louis. Par opposition à l’île de Ndar, ce quartier est grouillant de vie, épicé et coloré
- la partie continentale, elle aussi grouillante d’activité, que nous avons beaucoup moins vue, si ce n’est pour nous rendre au marché.
L’île de Ndar est petite, on peut sillonner ses rues sans crainte de se perdre… Il est fort agréable d’y aller au hasard, de flâner du Nord au sud, d’un bord à l’autre du fleuve. On se fait gentiment “faire de la retape” par des commerçants ou des vendeurs de rue dans les 2 ou 3 rues commerçantes à proximité immédiate du centre… mais ça reste bon enfant, et quand on s’éloigne, on est ensuite très tranquille.
Je me rends compte que je n’ai pas beaucoup de photos du centre… J’en ai davantage des ruelles à l’écart, aux maisons certes décrépies mais aux si belles couleurs…
Quelques unes de ces fresques murales (devantures de magasins, arrêts bus, maisons) qui font un des charmes de la ville:
Dans cette partie de Saint Louis, pas trop de photos de personnes, car elles ne le souhaitent pas (ou cherchent à monnayer… mais j’ai le droit de photographier les chèvres et les moutons gratuitement!!!).
Immanquablement on arrive au fleuve… Au premier regard sur les berges, on est un peu estomaqué de la montagne de sacs plastiques… on se dit que c’est vraiment une plaie mondiale. Ceci dit, on se laisse quand même gagner par la magie des lieux…
Ah… mais parlons un peu d’élégance, voulez-vous?
Je l’ai écrit plus haut, j’ai été frappée par la beauté des jeune gens! Mais j’ai été encore plus impressionnée par l’élégance des femmes, qui sortent habillées comme des reines pour aller sur le marché, mais aussi des hommes, notamment les anciens, pour la palabre de fin de journée. Beauté du motif, des couleurs, de la matière ou de la coupe, mais aussi art du drapé ou du jeté, le tout avec un air altier…
Sur la photo ci dessous, vous serez étonnés de voir toutes ces femmes habillées magnifiquement du même tissu… mais regardez bien, toutes les robes sont différentes! En fait, c’est un groupe de femmes d’un même syndicat qui est venu défiler le 1er mai.
Les enfants talibés
De nombreux enfants mendient dans le centre de Saint Louis, et sur les marchés. Ce sont des garçons, ils ont entre 6 ou 8 ans et 16 ans; quand ils ne mendient pas ils sont collés aux vitrines des magasins d’électro ménager, pour regarder les matchs de foot. Ces enfants sont des enfants des campagnes, confiés par leurs parents à des écoles coraniques, appelées “Daras”, qui en fait n’ont aucun moyen pour les nourrir ni même les éduquer, les envoient dans les rues mendier et trouver quelque nourriture. Ils sont livrés à eux mêmes, ont de nombreux accidents et sont des proies faciles. Ils ne retournent à leur dara que pour dormir.
De nombreuses voix s’élèvent pour faire fermer ces “écoles”. Une association s’est créée pour leur offrir un lieu dédié où les enfants qui le souhaitent viennent passer quelques heures ou la journée, apprendre à lire et s’éduquer, regarder des vidéos, jouer, se procurer des vêtement, se laver, bénéficier des soins d’une infirmière. Ce lieu et cette asociation s’appellent “La Gare”, et nous leur avons rendu visite.
Le quartier des pêcheurs
Les pêcheurs habitent le quartier situé sur la langue de sable situé entre le fleuve Sénégal et l’Océan; la pêche est une activité fatigante et dangereuse, mais rémunératrice. Les familles sont nombreuses, et le quartier est très peuplé. Certaines de ses maisons se trouvent menacés par l’érosion de la langue de sable.
Le contraste est fort avec l’île de Ndar, calme et tranquille… ici, en cette fin d’après midi, tout le monde est dehors: les anciens, qui discutent entre eux, les femmes, et des enfants, beaucoup, plein d’enfants… ça parle, ça crie, ça joue dans tous les coins! Le long de la rue centrale, qui mène au sud au marché aux poissons, de nombreux étals sont installés.
(des marchands de charbon de bois)
Est-ce que vous aimez les oiseaux?
Si oui, alors le Parc du Djoud est fait pour vous!
A environ 60 km de Saint Louis (mais environ 1h30 de route) se trouve le parc national des oiseaux du Djoudj, réserve ornithologique d’une grande richesse (ce serait la 3ème réserve ornithologique du monde). Lieu de résidence permanent pour certaines espèces ou halte en cours de migration pour d’autres, il est situé dans le delta du fleuve Sénégal, dans une cuvette, et sa visite se déroule en pirogue.
Je vous laisse admirer les pélicans, les aigrettes, les oies de gambie et autres oiseaux. Nous avons aussi croisé la route d’un énorme python de Seba, de varans et d’un crocodile (timide). Et puis nous avons eu droit à un festival pilaire de la part des phacochères, je ne vous dis que cela!
D’ailleurs on va commencer par le python, croisé sur la piste juste avant d’arriver au parc. 5 bons mètres, à vue de nez!
Et maintenant pour continuer dans les reptiles, deux beaux varans:
… et un crocodile :
Nous avons beaucoup apprécié les phacochères… attention, il y en a un qui a des favoris roux…
Bon, et maintenant, des oiseaux, c’est quand même pour cela qu’on est là!
non ce ne sont pas des sacs plastiques noirs accrochés à un buisson… ce sont des cormorans!
c’est quoi ce nuage??? ce sont des pélicans!!!
Pêche en 3 étapes:
Regardez bien la photo au dessus, on voit le contenu du bec du pélican de droite!
Retour à Saint Louis, douceur d’une fin de journée…
Portrait d’une femme puissante
Ce matin, nous rejoignons Mame Yacine de l’autre côté du Pont Faidherbe, pour aller au marcher avec elle puis cuisiner un Thieboudienne. Ci dessous, le texte que j’ai écrit à ce propos pour le partager avec mes amis. Merci à Laure pour ses photos.
Mame Hiacine règne sans partage sur sa maison du quartier sud de l’île de Saint Louis. Une grande maison où il est agréable de palabrer dans le patio fleuri, sous un voile d’ombrage…
Mame Hiacine exerce son empire sur sa cuisine… Révolution des palais, qui n’a de violente que les piments… mais, rassurez-vous, elle sait faire sa main légère quand elle cuisine pour les toubabs.
Madame Hiacine étend son emprise sur le marché… le matin, elle rejoint le bal des élégantes de l’autre côté du Pont Faidherbe. Port de tête royal, démarche altière, elle fend la foule d’un pas décidé et fond sur une marchande qui, la voyant arriver, se dit déjà « celle-ci, c’est une cliente coriace, je ne vais pas la-lui faire ». Rapport de force instauré en sa faveur, Mame Hiacine jauge les marchandises, échange quelques mots, choisit avec une négligence feinte quelques légumes et paie, jetant d’un air supérieur un billet froissé ou une poignée de pièces à la marchande. Rapport de force maintenu… Mais advienne qu’elle soit mécontente de la qualité ou du prix, la voici qui tourne les talons avec superbe et revient dix étals en arrière, puis repart cinq étals en avant…
Au fur et à mesure de ses allées et venues, les sacs se tendent et s’alourdissent : tomates, carottes, petits choux verts et choux raves, courge, bissap, fruits du baobab, citrons verts, coriandre, gombos, oignons… Pas de Thieboudienne sans de beaux poissons : ce seront des capitaines de belle taille, aussitôt confiés à des femmes qui, contre modeste rétribution, se chargent de les écailler et de les vider. Ah, ne pas oublier le riz, l’huile, le poisson boucané et les petites crevettes séchées… Oui, et le tamarin !
De retour chez elle, Mame Hiacine se change pour cuisiner… dans son antre culinaire ouvert sur le patio, c’est la maîtresse des flammes et des marmittes, et pourtant elle travaille sur deux simples réchauds à gaz posés sur le sol. La magie peut commencer ! Farcir, saisir, rissoler, frire, ébouillanter, frémir, frissoner, bouillonner et mijoter… Goûter, rectifier… Répondre aux questions des toubabs, patiemment… et faire des allers-retours jusqu’au restaurant en face pour cuisiner sur deux fronts simultanément, le téléphone collé à l’oreille…
C’est enfin la dégustation… armés chacun d’une fourchette ou d’une cuillère, nous puisons dans plats communs autour desquels nous faisons cercle, assis au sol. L’assemblée est nombreuse puisque nous avons été rejoints par les enfants,rentrés de l’école, et par Mame Hiacine. Le capitaine, posé sur un lit de riz fondant, est ceint de légumes. L’on sert une sauce au tamarin. L’on rapporte le « gratin », le riz du fond de la marmitte, légèrement grillé et croquant sous les dents, un de ces plaisirs plébéiens dont la cuisine de famille a le secret, dans toutes les contrées.
Silence, bruit des couvert, soupirs de contentement… Aujourd’hui, Mame Hiacine, femme puissante, nous a régalés d’un délicieurs Thieboudienne, dans sa demeure de l’île de Saint Louis du Sénégal.
Et voilà, presque prêt pour la dégustation!!!
Pour finir ce carnet sur Saint-Louis, une petite sortie dans la Langue de Barbarie
La langue de Barbarie est une bande de sable longue d’une quarantaine de kilomètres et large de quelques centaines de mètres, séparant le fleuve Sénégal de l’Océan Atlantique. Elle abrite de nombreux oiseaux et, à Saint Louis, c’est sur cette bande qu’est construit le quartier des pêcheurs.
C’est donc déjà un équilibre instable, même sans la folie des hommes… Or en 2003, pour limiter les dommages des crues du fleuve Sénégal à Saint Louis, fut décidée l’ouverture d’une brèche… pour faciliter l’évacuation des eaux. Ce qui devait arriver arriva: il n’y a effectivement plus de danger de crue du fleuve à Saint Louis, mais c’est maintenant la langue de Barbarie qui est menacée. Or elle servait de digue naturelle, et dorénavant Saint Louis se trouve encore plus exposée à toute montée du niveau des océans.
Le parc National de la Langue de Barbarie est long d’une quinzaine de kilomètres et c’est également un sanctuaire ornithologique, même s’il est plus exposé à l’activité humaine que le parc du Djoudj.
La visite s’effectue dans des pirogues de ce type:
Allez, un dernier pélican avant de terminer!
Voilà, j’en ai terminé de ce carnet. Si vous m’avez lue jusqu’ici, j’espère qu’il vous a plu et vous a fait découvrir ou redécouvrir avec plaisir cette partie du Sénégal.