Chichén Itzá, le site archéologique maya le plus célèbre, dans le Yucatán, attire 2 millions de visiteurs par an, Tulum 1 million, Palenque 750 000. À contrario, certaines cités, malgré l’emprise qu’elles exercèrent en leur temps et la monumentalité de leurs constructions, demeurent ignorées de tous – quasi inaccessibles, ou même encore à découvrir sous la terre accumulée par les siècles et la forêt tropicale.
Une récente campagne de recherches utilisant la télédétection par laser vient d’ailleurs de révéler une réalité ahurissante : sous la dense canopée du Petén sommeille un nombre de villes et de structures bien plus considérable (60 000 !) que ce que les archéologues ont jamais imaginé. Un trésor qu’il faudra bien encore un siècle pour explorer.
Le monde maya : un univers multiple
Installés entre le sud du Mexique et le Honduras il y a environ 4 500 ans, les ancêtres des Mayas y ont peu à peu étendu leur influence sur un territoire d’environ 310 000 km2. Ils y ont formé des constellations de cités-États rivales, beaucoup plus belliqueuses que les archéologues l’ont d’abord cru, liées entre elles par le commerce et par un fonds culturel commun décliné en de multiples variantes régionales (notamment en termes d’architecture).
Les grands sites du premier apogée maya, remontant à l’époque dite classique, entre l’an 200 et 800-900, se regroupent dans les « basses terres du Sud », un océan de forêt tropicale étendu à cheval sur le Mexique et le Guatemala, où s’écoule le puissant fleuve Usumacinta.
La mystérieuse disparition de la civilisation maya
Au 9e s, ces cités s’évanouirent l’une après l’autre dans la nature. Plus que les guerres, les archéologues suspectent l’influence d’événements climatiques qui, couplés à la surpopulation, auraient entraîné famines et chute des monarchies de droit divin.
Le monde maya n’était pourtant pas mort : il survécut dans les « hautes terres du Sud » (Chiapas) et ressurgit pour un second apogée (9e-10e) dans les « basses terres du Nord » (Yucatán). Un territoire sec et broussailleux, où le culte du dieu de la pluie, Chaac, prit son essor. Le dernier grand épisode se déroula aux 11e-12e s autour de Chichén Itzá, mais certaines cités étaient encore habitées lorsque les conquistadors débarquèrent.
Les trois grandes périodes de l’ère maya
Période préclassique : 1 000 av. J.-C. - 250
Période classique : 250-900
Période postclassique : 900-1519
Les Mayas au Mexique
De Chichén Itzá à Palenque, entre Yucatán et Chiapas, les sites majeurs du monde maya…
Chichén Itzá, berceau de K’uk’ulkan
L’harmonie est parfaite, la signification astronomique de Chichén Itzá évidente : coiffée par son temple, la pyramide du Castillo dévoile ses 4 faces identiques griffées de 4 escaliers de 91 marches chacun, matérialisant, avec la marche sommitale, les 365 jours de l’année. Aux équinoxes de printemps et d’automne, la foule se presse à son pied : en fin de journée, le jeu d’ombres et de lumière des neuf terrasses superposées projette alors sur l’escalier nord l’impression d’un long corps ondulant dans l’axe de la tête du Serpent à plumes.
Mais que fait donc ici ce Quetzalcóatl originaire des hauts plateaux mexicains ? Fut-il introduit par les Toltèques au gré d’une invasion au 10e s ? Ou par des marchands mayas ? Une chose est sûre : rebaptisé K’uk’ulkan, il se mua ici en divinité protectrice et exigeante.
La cité comptait 13 jeux de balle, dont le plus grand de toute la Méso-Amérique : mesurant 168 m par 70 m, il est bordé de hauts murs de 8 m enchâssés, très haut, d’anneaux aux serpents entrelacés. Des bas-reliefs y dépeignent des joueurs, dont un en train d’être décapité. Un peu plus loin, le tzompantli recevait les crânes des perdants immolés.
En contrepoint, le temple des Guerriers dresse son fouillis de colonnes à l’approche d’un grand escalier gardé par deux serpents. Au sommet : un chac mool – une statue d’homme couché sur le dos, appuyé sur ses coudes, tête tournée à 90°, ventre offert aux sacrifices et aux offrandes. L’observatoire d’El Caracol (circulaire) évoque, lui, un pan plus pacifique de la culture maya : sa passion pour l’astronomie,.
Mayapan, Tulum, Izapan : après Chichén Itzá, avant les Espagnols
Au 13e s, la puissance de Chichén Itzá s’étiola. Mayapán, à 50 km à l’ouest, prit le relais. Certains archéologues y voient une renaissance maya, enfin débarrassée de la tutelle toltèque. Reste que le culte de K’uk’ulkan perdura dans cette nouvelle capitale régionale : on y trouve une copie en taille réduite du Castillo – offrant un point de vue dominant sur le site et son observatoire rond. Les lieux, peu fréquentés, sont charmants.
À cette même époque, sur le littoral de la mer des Caraïbes, Tulum atteignait un bien tardif apogée. Si le lieu est célèbre, il le doit davantage à sa situation qu’à sa taille et au caractère impressionnant de ses monuments : agrippé à un court promontoire rocheux, il domine les eaux turquoise et une petite plage de sable blanc nichée entre les falaises.
Lié à Mayapán, Tulum fut un port important, où se croisaient les commerçants de tout le monde maya et au-delà, venus par la mer ou par la terre. Une double muraille atteste de convoitises. La plus imposante, côté extérieur, atteignait 4 m de haut pour… 6 m d’épaisseur.
Plus proche de Mayapán, Izamal affiche un tout autre visage. C’est une petite cité coloniale toute jaune que l’on aborde, à l’ombre d’un vaste couvent et de son atrium surélevés. Surprise : c’est sur la plateforme d’une ancienne pyramide qu’ils trônent. D’autres pyramides mayas poussent au cœur même des quartiers résidentiels. Celle de Kinich Kak Moo, à la base mesurant 200 m x 180 m, était l’une des plus imposantes de Méso-Amérique !
Et Cobá régnait sur le Yucatán…
Remontons le temps. À 40 km de Tulum, dans les terres, une puissante cité régna plusieurs siècles durant sur le nord-est du Yucatán : Cobá. Vers l’an 600, en pleine période classique, la cité, grandie entre un chapelet de 5 lacs, aurait couvert 70 km2 et compté 50 000 habitants.
Peu après l’entrée, les visiteurs débouchent sur un premier ensemble de structures regroupant jeu de balle, pyramide semi-engloutie par la végétation et vestiges d’édifices aux typiques voûtes en encorbellement maya, formant tunnels.
On y loue un vélo ou l’on saute dans une sorte de cyclo-pousse pour poursuivre, sur un chemin forestier, vers la pyramide de Nohoch Mul. Surgissant de la forêt, cette « grosse butte » (son nom maya), une fois dégagée, a révélé l’une des plus hautes structures du Yucatán, culminant à 42 m. Une corde aide à grimper les marches inégales jusqu’au sommet, où préside un petit temple. Du haut, souffle haletant encore, la vue porte sur un océan de verdure.
Une bonne partie de la cité reste invisible à l’œil, tout comme le réseau de 45 sacbeob (chaussées) qui la reliait au reste de son monde. Celle qui menait à Yaxuna, près de Chichén Itzá, s’étirait sur 100 km (un record) ! Contrairement à la plupart des cités mayas de son temps, Cobá survécut à la fin de l’apogée classique et était sans doute encore habitée au 16e s.
Au sud-est, le site peu fréquenté de Muyil conserve une assez belle pyramide élancée. Ce centre commercial maya n’était jadis accessible que par des canaux ! Il donne directement sur la lagune (aux eaux turquoise) de la réserve de la biosphère de Sian Ka’an.
Calakmul et les sites du Río Bec
La plongée dans l’apogée maya de la période classique tardive (550-800) se poursuit à l’approche du Guatemala, dans une région peu peuplée largement recouverte par la forêt. Une seule grande route la traverse, desservant une ribambelle de sites.
Il y a là Kohunlich et sa pyramide aux 6 masques en stuc du dieu solaire K’inich Ajaw, Xpuhil et son édifice aux trois tours, la grande Becán entourée par sa douve, puis Chicanná, où le dieu suprême Itzamná ouvre une bouche béante sur la structure II. Partout se détachent les mêmes éléments propres au style Río Bec : angles arrondis et faux escaliers ornementaux.
Accessible par une piste (boueuse en saison humide), Hormiguero semble oublié du monde. Dans un écrin de forêt, son principal édifice conserve une façade particulièrement ornementée encadrant une large porte figurant une autre gueule ouverte sur l’inframonde (enfers).
Plus à l’ouest, le site mineur de Balamkú a révélé en 1991 une vraie surprise : sous la croûte supérieure de sa pyramide subsiste une grande fresque en stuc de 15 m de long figurant deux rois en majesté émergeant des mâchoires des monstres de la Terre.
Le site le plus célèbre de la zone se niche en pleine forêt tropicale, à 65 km au sud : Calakmul. Cœur du royaume de la Tête de Serpent et ennemie jurée de Tikal, la cité, parmi les plus puissantes de l’époque classique, compta jusqu’à 50 000 habitants. Si ses édifices ne conservent guère d’ornementation, l’ambiance, transcendée par les pitreries des singes et les courses discrètes des agoutis, est superbe. On s’y hisse au sommet émergé de la grande pyramide (55 m) pour dominer, ici aussi, le monde et la canopée.
Uxmal et la Ruta Puuc, le second apogée maya
Entre la fin du 8e s et l’an 909 (dernière date ciselée sur une stèle), les grandes cités mayas des basses terres du Sud (Petén) tombèrent les unes après les autres. Un mouvement de population semble alors s’être produit en direction des basses terres du Nord (Yucatán). C’est à cette époque qu’émergea vraiment la puissante cité d’Uxmal.
Implantée dans une zone de forêt sèche et de broussailles, sans cours d’eau, la ville ne survécut que grâce à ses chultunes (citernes) et cénotes, ces bassins abrités au tréfonds de puits d’effondrement – qui prirent très tôt un rôle cultuel (avec sacrifices à la clef).
Uxmal vénérait avec ferveur Chaac, le dieu de la pluie, qui devint l’élément central de son panthéon architectural. On retrouve son masque prolongé d’une trompe sur les façades très ornementées du superbe Quadrilatère des Nonnes, aux côtés d’autres divinités, de serpents et de guerriers. À côté, la splendide pyramide du Devin, par laquelle on accède au site, prend une forme ovale très inhabituelle, particulièrement esthétique.
Sur sa terrasse, le Palacio del Gobernador, à la façade épurée longue de 98 m, a lui aussi conservé beaucoup de sa décoration de pierre d’origine.
D’Uxmal, la Ruta Puuc permet de rallier d’autres sites de la même époque : la grande Kabah (avec la folle superposition de masques de Chaac du Codz Poop), Sayil (au long Palacio Norte) puis la sereine Labná (avec son arche monumentale).
Plus au sud, la tranquille Edzná, imposante bien qu’assez peu connue, adopte aussi le style puuc. Son monument phare ? Le bien nommé Edificio de los Cinco Pisos, une pyramide assez originale, aux cinq niveaux s’ouvrant sur des chambres voûtées.
Palenque et Tonina : les rivales du Chiapas
Si son apogée date, comme bien d’autres cités, du classique tardif (600-800), son splendide écrin de collines et de végétation, ses monuments et son tombeau royal font de Palenque un lieu unique.
Des quelque 700 édifices répertoriés, aucun n’est plus impressionnant que le palais royal, épicentre de la ville. C’est à Pakal II (615-83), plus que tout autre, que l’on doit ce dédale de (petites) pièces, appartements royaux, passages et cours intérieures – dont celle où étaient scénarisés les sacrifices de prisonniers. Dans la salle du trône, un bas relief montre le couronnement du monarque, qui présida à l’âge d’or de Palenque. Là où s’élèvent aujourd’hui la pierre nue et les bas-reliefs, il faut imaginer, comme dans tout le monde maya, des murs polychromes abondamment relevés de glyphes, peintures et stucs.
Au centre, un élément unique se distingue : une tour de 3 étages, qui fut sans doute à la fois utilisée comme poste de guet et comme observatoire solaire.
Le temple des Inscriptions était, lui, au cœur spirituel de la cité. Ce superbe édifice à degrés (36 m) a révélé en 1959 le premier tombeau royal maya intégré à une pyramide. Il fallut 4 années de fouilles pour parvenir jusqu’au caveau funéraire, où reposait le grand Pakal II, dans un sarcophage de 15 tonnes épousant la forme de son corps, un exceptionnel masque de jade sur le visage (exposé au Musée d’anthropologie de Mexico). Son poids massif et son étroitesse indiquent que la pyramide fut bâtie autour de lui !
Vers le sud, dans les hautes terres déjà, Toniná fut longtemps l’ennemie favorite de Palenque. Ses rois, très belliqueux, y ont présidé à la création d’une colossale acropole superposant les terrasses et les temples, où les sacrifices humains étaient monnaie courante.
L’ascension de l’acropole, qui empile tous les édifices en un seul, au fil de multiples terrasses et escaliers, est harassante. Mais on y tombe nez à nez avec la fresque des Quatre Ères représentant le sacrifice du roi de Palenque Kan Xul et, un peu au-dessus, l’autel du Monstre de la Terre ouvrant sa grande gueule.
En amont de l’Usumacinta
C’est par le río Usumacinta que les ancêtres des Mayas gagnèrent les basses terres du Sud. Le fleuve sépare aujourd’hui le Mexique du Guatemala, dans une zone de forêt profonde accessible par route seulement depuis les années 1990. Ici résonnent les cris des singes hurleurs bataillant au matin et au soir dans les grands arbres et le chant étrange des oropendolas.
Deux des plus importantes cités mayas de l’époque classique se dressaient sur ses rives : Piedras Negras (côté guatémaltèque) et Yaxchilán (côté mexicain), accessibles uniquement par le río, en lancha (barque à moteur). Si la première, fort étendue, connut un pic de population dès 200 av. J.-C., leur apogée commun date des 7e et 8e s.
Yaxchilán se distingue par la richesse de ses stèles et linteaux finement ciselés (à l’aide d’éclats d’obsidienne), glorifiant deux rois essentiels : Bouclier-Jaguar et Oiseau-Jaguar. Pour les trouver, il faut d’abord pénétrer dans un bâtiment au sombre dédale, avant de déboucher sur la clarté de la gran plaza. Dans l’edificio 33, perché au-dessus d’un long escalier mangé par les arbres, trône une statue d’Oiseau-Jaguar décapité, sa tête rejetée à trois pas.
Noyée elle aussi dans la forêt, la cité de Bonampak n’impressionne pas par sa taille, mais par le caractère exceptionnel de ses fresques – les mieux conservées du monde maya. Rouge tirant sur la rouille, jaune, bleu (tiré de l’indigo) y dépeignent la consécration de l’héritier du trône, une bataille et une cérémonie d’autosacrifice de la famille royale.
Les Mayas au Guatemala
Cap sur les grands sites du Guatemala, autre destination majeure du monde maya : Tikal, Quiriguá …
Tikal, impératrice de la forêt tropicale
Elle fut la plus puissante de toutes. Au cœur de la selva (forêt) du Petén, Tikal fut habitée pendant plus d’un millénaire et demi et imposa sa volonté à une grande partie des basses terres du Sud durant sept siècles (200-900). Au faîte de sa gloire, elle compta plus de 100 000 et peut-être même jusqu’à 200 000 habitants.
Bercé par les psalmodies des insectes et des oiseaux, le centre cérémoniel, tapissé de gazon, se hisse légèrement au-dessus de l’océan de forêt. La plaza central s’y encadre de deux pyramides très élancées placées en vis-à-vis l’une de l’autre – un cas exceptionnel.
D’un côté, le templo I, ou Gran Jaguar, haut de 47 m, abritait la sépulture du grand roi Jasaw Chan K’awiil I – où ont été mis au jour des ossements humains et animaux sculptés et peints en rouge. Son alter ego, le templo II, ou templo de los Mascarones, était dédié à la reine Kalajuun Une’ Mo’, son épouse. Si sa dépouille n’a pas été retrouvée, un bas-relief sculpté sur le linteau du temple sommital la représentait. Une sorte de Taj Mahal maya, donc ! L’ensemble est encadré par deux acropoles regroupant bâtiments administratifs et royaux.
Au large, quatre autres pyramides émergent de la canopée. La n° IV, la plus élevée du monde maya (70 m), s’extirpe avec puissance de la moiteur de la forêt, dépassant les plus hautes branches des grands ceibas – enturbannées de plantes épiphytes. Du sommet se découvrent, au loin, les crêtes des autres monuments naviguant sur les frondaisons.
Les autres cités du Petén
Les explorations, puis la technologie moderne, ont révélé de nombreuses autres cités mayas englouties dans la forêt du nord du Petén.
Près de la frontière mexicaine, pas bien loin de Calakmul, El Mirador, Naachtun, et plus encore Nakbé ont émergé très tôt – dès 600-1000 av. J.-C. La première, la plus impressionnante, étendue sur 38 km2, ne peut être rejointe qu’en hélicoptère ou à pied, au prix d’un trek de 5 à 7 jours ! La récompense : une sensation puissante d’incarner Indiana Jones en approchant la pyramide de la Mort – la plus volumineuse de Méso-Amérique. Il aurait fallu 15 millions de journées de travail, sur 30 ans, pour la construire…
Plus à l’est, San Bartolo a révélé un trésor : des glyphes et une fresque contant l’origine de la création (surnommée la « Chapelle Sixtine des mayas »), si anciens (vers 200 av. J.-C.) qu’ils poussent à repenser la datation des périodes historiques mayas… Pas bien loin, Holmul a, elle, livré une frise en stuc intacte du 7e s, mêlant dieux et gouverneurs emplumés.
À l’est de Tikal, le lac Yaxhá s’entoure de plusieurs sites de l’époque classique. Le plus important, lui-même baptisé Yaxhá, regroupe 9 temples-pyramides, dont deux jumeaux (comme à Tikal), que l’on partage surtout avec singes, coatis et toucans. De leur sommet, la vue porte jusqu’au plan d’eau.
La cité était liée à El Naranjo, paumée aux marges des montagnes mayas, près de l’actuelle frontière du Belize, à plus de 2 h de piste (très) difficile. Une cité très importante, mais malheureusement largement pillée.
Quiriguá et les hautes terres
L’un des trois sites guatémaltèques du patrimoine mondial,Quiriguá, s’amarre dans la vallée tropicale du Motagua – un lieu stratégique, placé sur les routes du commerce de l’obsidienne et du jade à l’époque classique. Le site, plutôt petit, n’en est pas moins important par la profusion et la beauté de ses stèles et calendriers sculptés.
Lorsque, en l’an 738, le roi de Quiriguá parvint à s’emparer du souverain de la proche Copán, la cité put enfin affirmer son indépendance. Elle fut alors saisie d’une frénésie de construction.
Mais ce sont ses stèles et rochers aux motifs zoomorphes patiemment ciselés dans le grès qui retiennent le plus l’attention. Consignant en détail près de quatre siècles d’histoire, entre 426 et 810, les premières rendent hommage aux rois de Quiriguá, mais ont aussi ouvert aux archéologues de multiples portes sur l’histoire, la culture et le commerce mayas. La plus grande stèle atteint 11 m de haut pour une trentaine de tonnes !
En grimpant vers les terres froides des Altos, les cités semblent s’évanouir. Ici vivaient pourtant des branches mayas puissantes : les Cakchiquels et les Quiches. Les vestiges sont modestes, sauf peut-être à Zaculeu (Huehuetenango), capitale mam à l’époque postclassique – un peu trop restaurée –, où l’on peut voir une petite pyramide à degrés assez élégante et un grand jeu de balle. Les conquistadors s’emparèrent des lieux en 1525. Cette même année, ils prenaient aussi Iximché, la dernière ville maya à avoir été fondée (1470).
Les Mayas : Belize et Honduras
Continuons notre exploration du monde maya, avec les sites du Belize et du Honduras…
Les sites du Belize
Si on pense rarement à lui, le Belize, coincé entre le Guatemala et la mer des Caraïbes, appartenait de plein droit à l’aire maya. Certaines de ses cités étaient proches de l’épicentre des basses terres du Sud à l’époque classique, mais toutes ne se visitent pas aisément : certaines sont à peine dégagées et plusieurs se trouvent dans des zones peu sûres.
Parmi les plus grands sites de Méso-Amérique, Caracol siège sur le plateau de Vaca, pas très loin de Naranjo (Guatemala). Alliée de Calakmul et ennemie de Tikal – qu’elle parvint à soumettre un temps –, la ville, étendue sur près de 200 km2, compta probablement 150 000 habitants vers l’an 650. Sa pyramide de Canaa (43 m), coiffée par trois temples dominant les collines nimbées par la forêt tropicale, est la plus grande du pays.
À 40 km au nord, Xunantunich, atteint par un petit bac sur la rivière Mopan, conserve quatre esplanades encadrées de 26 temples et palais. La pyramide massive du Castillo, haute de 40 m, a retrouvé une (petite) partie de ses frises en stuc près du sommet.
Au nord du Belize, Lamanai, rejoint en bateau par la New River, fut un important centre d’échanges dès le 4e s av. J.-C. et parvint à survivre à l’effondrement maya du 9e s. Seules 3 structures y ont été exhumées : le Jaguar Temple, orné de « têtes » de félin assez angulaires ; le High Temple (33 m), dont le sommet, atteint par un escalier très raide, offre un vaste panorama sur la lagune ; et le petit Mask Temple, gardé par deux superbes têtes géantes coiffées d’un crocodile – allusion au nom de la cité, signifiant « crocodile submergé ».
Copán et les sites du Honduras
C’est à l’extrémité ouest du Honduras, à proximité de la cité de Quiriguá, que s’implante l’un des plus importants centres culturels mayas : Copán.
Ce n’est pas sa taille passée qui la distingue (env. 25 000 hab.), mais la qualité de ses stèles et décorations sculptées, parmi les plus fines de Méso-Amérique. C’est au 7e s que Copán atteint son apogée, sous le règne de Jaguar de Fumée et de son fils « 18-Lapin ».
C’est en l’honneur de ce dernier que furent réalisées bon nombre des très belles stèles en haut-relief qui ornent la gran plaza. Orientées est-ouest, pour épouser le lever et le coucher du soleil, elles montrent les souverains de face, tête surdimensionnée, conduisant des rituels.
Dominant l’esplanade, le templo 16, le plus haut (30 m), a livré un secret bien gardé : il englobait un sanctuaire du 6e s, le templo de Rosalila, haut de 14 m. Parfaitement intact, celui-ci a conservé sa crête faitière et l’ensemble de ses stucs polychromes à dominante rouge (on peut voir une reproduction du monument au musée de Copán). Des structures encore plus anciennes ont même été trouvées en dessous, dont une à la façade stuquée ornée de têtes d’aras et de quetzals. Plusieurs tombes ont aussi été mises au jour.
Le jeu de balle, lui aussi bien préservé, est le second plus grand de l’aire maya après Chichén Itzá. Plus loin, on découvre l’autel Q, sculpté des 16 rois de Copán ; une crypte attenante contenait les ossements de 15 jaguars sacrifiés… L’escalier hiéroglyphique, le plus long texte maya connu (2 200 glyphes), reprend la chronique de la dynastie.