Thibault Bourdon : partir à la rencontre des Européens à vélo
Thibault Bourdon est un jeune homme de 24 ans natif de Cherbourg. Il nous a contactés sur notre page Facebook pour nous présenter son projet "Identités". Nous avons eu un coup de cœur pour son expérience et son périple à la rencontre de la population européenne à vélo. Nous lui avons posé quelques questions afin de mieux le connaître. Et pour vous, que représente l’Europe en 2018 ?
Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Thibault, j’ai grandi face à la mer et l’horizon. C’est certainement de là que me vient l’envie de toujours avancer pour voir un peu plus loin.
Pendant ma licence de biologie, j’ai réalisé des courts-métrages et appris des notions de cadrage et de montage grâce à une association. J’ai vite compris que ma personnalité était adaptée au milieu du documentaire, car ce format touche au vrai ! J’ai donc commencé à écrire des projets documentaires et à me familiariser avec les techniques de réalisation, de tournage et de montage.
Comment t’es venue l’idée de ce périple européen à vélo ?
Je pourrais raconter que la géopolitique me passionne depuis longtemps, mais ce n’est pas ce qui m’a poussé à monter sur une bicyclette et à traverser l’Europe de l’Ouest. J’étais avant tout en quête d’aventure et de liberté, de découverte des autres, tout en dépassant mes limites.
Que représente pour toi l’Europe ?
Pour moi, l'Europe c'est une multitude de dialectes et des origines variées. Un continent laïque et de religion chrétienne. Mais aussi des millénaires d'histoires, des palais, des châteaux, des cathédrales et des grandes places.
L'Europe, c'est une riche variété de paysages, des montagnes majestueuses, des fleuves limpides et des falaises à couper le souffle ! L'Europe, c'est le sentiment de nature et de liberté.
Mais c'est aussi 750 millions d'habitants, une cohésion politique et économique, et, surtout un terrain de jeu !
Peux-tu nous parler de la préparation de cette aventure ?
J’ai réalisé un tour de l’Europe de l’Ouest en 2015 à travers 14 pays, parcourant quelque 8 500 km en vélo, en bateau et en train… Le tout avec un ami, Odin Doucet.
En 2016, c’est la France que j’ai décidé de découvrir davantage en parcourant ses différentes régions pendant 3 mois, sur 5 500 km, cette fois-ci en solitaire.
Voyager en vélo est très économique ! L’investissement de départ peut paraître important (1 000 euros pour le vélo, et 1 500 euros pour le matériel de voyage : sacoches, duvet, tente, matelas, réchaud…) Mais une fois ce matériel acquis, on peut aisément voyager avec un budget de 10 € par jour, consacré aux visites, à la nourriture, aux trajets en bateaux, et à quelques bières !
Doit-on s’y connaître et pratiquer depuis longtemps ce sport ?
Absolument pas ! Au début de mon voyage en Europe, j’ai dû avoir une dizaine de crevaisons pour deux raisons… D’abord de mauvais pneus ! Mais, surtout, je ne savais pas bien changer une chambre à air. Plus on avance, plus on apprend… On commence par faire 50 km/jour, puis on atteint une moyenne de 100km/jour assez vite. J’ai atteint mon record en parcourant 200 km dans la journée !
Pourquoi ces pays, ces villes étapes ?
J’ai choisi les pays de l’Europe de l’Ouest (Irlande, Royaume-Uni, Benelux, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne, Portugal, France), car ils avaient un sens géopolitique ! Ils font partie des pays fondateurs de l’Union européenne, et ont une proximité politique et économique. Pourtant, ils arrivent à ne pas forcément bien s’entendre, comme on l’a vu à travers le Brexit par exemple ! Ces éléments en font un bon sujet de documentaire.
Et puis, personnellement, je n’ai jamais compris les personnes qui partent à l’autre bout du monde sans même connaître leur région, leur pays et leur continent, alors qu’il y a tant à découvrir… J’y ai recherché la connaissance de mon monde, en espérant que cela me permette par la suite une meilleure compréhension des autres mondes qui cohabitent sur notre planète.
Pour le couchage, tu as dormi principalement chez l’habitant. Était-ce une recherche quotidienne ou avais-tu déjà quelques contacts ?
Il y a deux façons de faire, une pour les villes et une pour les campagnes. Dans les villes, je recherchais en avance un point de chute en utilisant Couchsurfing ou WarmShower (des applications qui permettent de dormir chez l’habitant gratuitement). Pour les campagnes, je ne planifiais rien. Au contraire, c’est arrivé au crépuscule que je cherchais une maison. Après avoir sonné à une porte, j’avais une minute pour convaincre, donner le meilleur de moi-même, même si j'étais fatigué, afin que les habitants me laissent planter ma tente dans le jardin, dormir dans leur garage, voire m’invitent à dormir dans la chambre d’amis ! Et ça fonctionnait !
As-tu une anecdote ou plusieurs à partager sur ce périple ?
On me demande souvent comment a été l’accueil chez les gens. Dans tous les pays que nous avons traversés, nous avons eu un accueil globalement positif, avec une mention spéciale pour l'Irlande du Nord. Là-bas, on a dû frapper à cinq portes, les cinq portes se sont ouvertes instantanément. Le pays de Galles et l’Écosse ont été aussi très chaleureux. En revanche, en Angleterre, il y a ce qu’ils appellent la politesse, et ce que moi j’appelle une grande hypocrisie !
Après avoir ouvert sa porte, l’Anglais répond généralement qu’il aimerait vraiment bien, mais que sa femme ne veut pas ou que son jardin est vraiment trop petit… Il est tellement désolé qu’il cherche par tous les moyens à nous aider, par exemple en nous indiquant pendant 5 minutes le trajet pour se rendre dans le village qui se trouve à 10 miles de chez lui… Une terre promise, si proche, de grandes maisons, de grands jardins, là-bas c’est sûr, on trouvera quelqu’un qui nous accueillera ! Mais je dirais plutôt que 10 miles plus loin… c’est simplement 10 miles plus loin !
On pourrait penser que je généralise, mais j’ai dû frapper à une dizaine de portes chaque soir, et ce pendant une dizaine de jours ! Heureusement, j’ai quand même eu une belle surprise le dernier jour en Angleterre, pour ne pas partir trop amer !
Depuis quelques années, l’Europe semble se craqueler petit à petit si on regarde cela par le prisme des médias. Tu es allé à la rencontre de ces Européens, est-ce que l’Europe reste tout de même soudée ?
Les personnes que j’ai rencontrées pendant ces voyages étaient généralement ouvertes d’esprit, ou du moins suffisamment pour laisser entrer chez elles un parfait inconnu ! Cela peut donner un côté consensuel à mes documentaires, ce que certains voient comme un défaut, mais ce que je considère moi comme un parti pris. L’homme en tant que tel est capable de serrer la main de son prochain, le problème viendrait plus de l’humanité en général, qui tend à mettre des distances entre ses pensées et ses actes.
Que penses-tu du Brexit et de la demande de la Catalogne de devenir indépendante ?
Je comprends la question de l’indépendance de la Catalogne, même si cela prend une dimension un peu disproportionnée. Cette indépendance me fait penser au référendum de l’Écosse pour obtenir son indépendance envers le Royaume-Uni… Maintenant que le Brexit est acté, ils auront eux aussi l’opportunité de refaire un nouveau référendum.
Quant au Brexit, je ne serais pas forcément objectif, car j’ai vécu de nombreuses mésaventures en Angleterre. Je vous propose donc de regarder le documentaire « Européens » afin d’avoir l’avis des habitants du Royaume-Uni sur la question. Pour moi, le problème majeur est que les Anglais ont le monopole sur ce vote en raison de leur forte démographie, et que l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord en subissent les conséquences...
A-t-on un avenir européen commun ?
Le projet de l'Union européenne est un beau projet, plein d'avenir, mais celui-ci devrait être aux mains des Européens. On devrait leur en faire comprendre les enjeux au lieu de les berner dans un brassage médiatique des plus déconstruits. Les habitants peuvent comprendre et surtout savent réfléchir. Il est grand temps qu'ils décident par eux-mêmes à mon avis !
Quels sont tes coups de cœur en Europe ?
Les coups de cœur ont été nombreux, à commencer par l’immensité des paysages irlandais qui arrive à nous faire croire aux légendes des Leprechauns. Le je-m’en-foutisme italien qui permet de planter sa tente n’importe où sans avoir à demander à qui que ce soit une autorisation. Ou bien l’eau de source et la démocratie directe en Suisse qui laisse rêveur...
Et pour l’avenir, qu’envisages-tu ? Nouveaux projets, nouvelles thématiques de documentaire ?
Je prépare une odyssée à moto de plus de 20 000 km pour l’année 2018 ! Je reste sur une thématique de documentaire de voyage-géopolitique. Je vais interviewer les Russes et les Américains cette fois-ci !
Retrouvez Thibault sur internet
Site Internet
http://www.identites-webdoc.com
Facebook
https://www.facebook.com/thibaultbourdondirector
Visionner ses documentaires
Texte : Cédric Duchamp de Routard.com
Mise en ligne :