Nous sommes arrivés dans la capitale hongroise un vendredi soir, après un voyage en avion détestable (et je pèse le mot). Un taxi jaune plus tard et nous voila, tous les 3 dans notre grand appartement du quartier juif, loué pour 3 nuits. Petites rues pavées, façades baroques un peu décrépites, plus grande synagogue d’Europe à deux pas, et bars pleins à craquer dès que 19 heures ont sonné. Nous prenons l’apéritif sur une terrasse, on apprend grâce au routard quelques mots de langue magyare, impossibles à prononcer pour nous, pauvres petits français. Il ne faut pas trinquer à la bière, les filles sont géantes et peroxydées, tous les hommes s’appellent Ferenc, le “z” se prononce “s” et il y en a, en moyenne, deux par mot.
Nous allons ensuite manger le traditionnel goulasch dans un restaurant que l’on m’avait conseillé et qui nous déçoit cependant. Un peu attrape touriste et trop peuplé de français. La soirée se termine par le tour du quartier, que la jeunesse hongroise a pris d’assaut. Ici, Victor Orban ne semble avoir aucune prise. La bière coule à flot et la musique est forte. On l’entendra, au loin, assez tard dans la nuit, malgré le double vitrage des fenêtres de notre chambre.
Le lendemain, tout le monde se lève assez tôt. Nous goûtons aux pâtisseries locales achetées à la boulangerie du bout de la rue et nous nous dirigeons vers Buda, sur la colline. Le pont des chaînes traverse l’immense Danube et nous mène sur l’autre rive, celle de l’ancienne ville rivale, aujourd’hui amie. Refusant de payer le prix prohibitif du funiculaire, nous grimpons à pied, la marche est vive. L’air est doux, malgré quelques averses. Les hauteurs nous offrent un magnifique point de vue sur Pest, son parlement, ses façades austro-hongroises. Ici, contrairement à Bucarest, le communisme ne semble pas avoir fait trop de dégâts. La galerie nationale est notre première visite. Un peintre hongrois retient notre attention, Munkascy. À part lui, les peintures sont assez faibles, pas grand chose à se mettre sous la dent. Sauf deux salles pleines de chefs-d’œuvre, un Raphaël, un Bassano un Van Gogh, deux Cranach, et même une plage normande de Boudin.
Après cette visite, nous nous apercevons que la pluie a laissé place à un grand soleil. Nous mangeons une salade sur une terrasse ensoleillée loin des touristes de la colline, du genre Montmartre. C’est bon. Puis nous visitons un ancien hôpital, transformé en musée, sous la pierre de la montagne. Un abri antiatomique jouxte les lits des malades, construit à l’époque d’Hiroshima. Les hongrois flippaient des représailles des alliés. La visite guidée se fait en anglais, mais on comprend quasiment tout. Les autochtones sont sympathiques, souriants et ravis quand on leur prononce “kosonem”, du bout des lèvres, ce qui veut dire merci, à priori.
Toute proche, la cathédrale Saint-Mathias est belle, colorée, son dôme vernis scintille sous le soleil. Le ciel est bleu foncé et donne à mes photos des contrastes assez jolis. Nous redescendons, mon application m’informe que j’ai battu mon record du nombre de pas. Nous allons nous réfugier, après une redoutable averse faisant tournoyer le pollen, dans la galerie des arts de la ville pour quelques expositions temporaires (calligraphie chinoise, très belle) au calme dans un magnifique palais dont la vue depuis le 6eme étage sur le Danube vaut à elle seule le prix du billet d’entrée. Le fauteuil molletonné sur lequel je m’assoupis, aussi. On rentre se reposer en longeant le Danube et je dois lutter ensuite pour sortir écouter un concert dans une petite cave, un bar en ruine comme on dit ici, manger et boire, et boire encore.
Dimanche s’annonce chaud et aquatique. Nous nous dirigeons vers la grande halle du marché central, malheureusement fermé le dimanche matin, un comble ! Nous traversons un autre pont, plein de ferraille verte, à nouveau en direction de Buda mais cette fois vers la colline Gellert et la statue qui la regarde. Les budapestois l’appellent la statue de la liberté mais je ne comprends pas vraiment pourquoi. La montée est raide mais rapide. Il fait chaud. Je ne suis vraiment pas sportive, surtout en comparaison de ma compine qui, malgré ses 10 pintes de la veille et ses 40 ans bien sonnés, présente une mine éclatante et une forme olympique.
Nous atteignons la citadelle, Hercule et son hydre terrassée y trônent. Nous achetons du paprika, l’épice locale et tombons en redescendant sur un parc plein de hongrois, tandis que les touristes pullulent en hauteur. Nous mangeons dans l’herbe des hot dog moutardés et pas chers. Des enceintes jouent de la musique agréable, tubesque, qui se marie parfaitement au décor champêtre. Nous filons vers les thermes Gellert, bâtiment de style art nouveau. Les bassins sont chauffés naturellement. En plein air, nous profitons du soleil, mon nez rouge en témoigne. La vie coule doucement, l’eau nous régénère, j’adore. Une piscine à vague ravie même mon mec, c’est dire.
Après une limonade aux tranches de fruits frais, nous reprenons notre route vers Pest. Nous trouvons un bar en plein air, des bancs en bois, des lampions accrochés aux arbres. On parle cinéma, politique, immigration. Nous regrettons un peu concert de Bela Bartock qui affichait complet, mais les mojitos très frais compensent.
La journée se termine par un bon repas dans un restaurant local, sans chichis, arrosé de deux bouteilles de vin hongrois. Une bonne adresse culinaire à retenir, sans doute la meilleure du voyage.
Lundi est le dernier jour de notre périple hongrois. Nous partons à pieds visiter Pest que nous avons peu vue jusqu’ici. La synagogue voisine a l’air belle mais la longue file d’attente nous décourage. Nous filons voir l’église saint-Étienne (ou saint Stéphane) néo-gothique, immense, pleine de marbre et de dorures, elle trône fièrement au centre de la ville. Nous allons ensuite voir le parlement - superbe bâtiment - la relève de ses 4 gardes et son miroir d’eau et finissons dans le musée d’art nouveau. La devanture est rigolote, il paraît que c’est le style viennois. On y trouve de beaux buffets arrondis, des pianos à queue, des méridiennes dissymétriques. Sympa.
Nous parcourons ensuite les longues avenues jusqu’à l’opéra et nous voila dans la désuète ligne 1 du métro qui nous amène dans le bois de la ville, dans lesquels se trouvent les bains de Szechenyi, le même que celui qui a construit le pont des chaînes. Après un picnic dans le parc, nous allons faire trempette dans une eau à 36 degrés. Je profite, je sais qu’on ne reviendra pas de sitôt. On bulle, on s’ennuie un peu. Les joueurs d’échecs qu’on rêvait d’affronter s’avèrent assez mauvais. Ma copine est ravie, son bronzage aussi. Moi, comme l’habitude, je suis rouge écrevisse, et je sens mon dos brûlant, encore ce soir dans l’avion qui nous ramène à Orly et qui a décollé avec deux heures de retard.