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Tiagba est un village lacustre (c’est à dire sur pilotis au dessus de l’eau) de quelques milliers d’habitants, contrairement à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, il y a très peu de villages lacustres en Côte d’Ivoire, ce village est assez unique en son genre et pourtant le tourisme y est presque inexistant.
Comment j’ai trouvé Tiagba?
A vrai dire ce fût un total hasard, au départ j’étais à Abidjan pour faire mon visa pour le Ghana, mais c’était un jour férié pour les Ghanéens, l’ambassade était donc fermé jusqu’au lundi prochain, il fallait que je patiente 3 jours alors que j’avais déjà découvert une grande partie du pays.
J’ai commencé par chercher un endroit potentiellement intéressant sur Maps, les lagunes m’avaient vraiment impressionnés, et en zoomant bien sur une lagune en particulier je suis tombé sur une petite île, un bout de terre qui paraissait inhabité, je me disais juste que je pourrais la prendre en photo depuis le bout de la route. Je ne m’attendais à rien d’extraordinaire mais j’avais 3 jours à perdre.
C’est donc avec cette idée que je quitte la route nationale et que je prend le chemin en direction de la lagune. Le chemin passe parmi les champs de palmiers, ces champs sans fins sont très fréquents ici.
J’arrive très vite à Petit Badien qui est au bord de la lagune, un petit village aux couleurs orangés dominé par une petite église. Mais ma route ne s’arrête pas là, je dois encore longer la lagune jusqu’au bout si je veux trouver Tiagba.
J’arrive enfin au bout de la route et je découvre une île peuplée de petites maisons sur pilotis, des locaux se baladent autour de l’île dans leurs pirogues. Je met un peu de temps à réaliser ce que je voyais, moi qui espérais au mieux 3 pêcheurs avec qui discuter.
Je me balade un peu sur ce bord de lagune, tentant de trouver un moyen d’aller sur cette île. Ma présence ici étonne beaucoup, au départ ça me gêne un peu mais je sais que si je veux aller sur l’île il faudra que j’aille au contact de la population pour avoir une barque.
Finalement c’est un jeune qui m’aborde et me demande ce que je cherche, je lui demande si il sait où je pourrais trouver une barque sans m’attendre à une réponse positive, mais il sait tout à fait où m’amener ! Il me dirige vers une petite maison bien typique du coin.
Un homme vient m’accueillir, il dit qu’il fait partie de ceux qui dirigent le village et il s’occupe du peu de tourisme qu’il y a pour aider à développer l’île.
Ensemble nous partons en direction de cette île qui me paraît toujours si mystérieuse, je ne sais pas à quoi m’attendre mais mon instinct me dit que je me dirige vers une expérience qui me marquera !
Je m’approche de plus en plus du village et ses détails me subjuguent, le village est très coloré, bien que les maisons soient majoritairement sur l’eau, la vie se déroule sur le seul petit bout de terre qu’offre l’île.
Avant même que je commence à imaginer la vie telle qu’elle est vécu ici, je commence à découvrir des locaux dans leurs vies quotidiennes. Certains sont en pleine construction d’une barque, d’autres pêchent, certains enfants jouent… Mais tous vivent dans une maison sur l’eau, elle même sur une île, c’est vraiment atypique.
En haut de la colline j’aperçois une école, mon guide du jour m’explique qu’elle fût construit à l’époque coloniale par les Français et elle sert toujours aux enfants de l’île.
Il m’explique aussi que l’île possède l’électricité depuis quelques années grâce à des fils électriques tendus au dessus de l’eau. En revanche il n’y a pas d’eau courante, il n’y a que quelques puits pour trouver de l’eau potable. Et pour les toilettes, je vous laisse imaginer tout seul.
Les gens ici vivent majoritairement de la pêche, en naviguant autour de l’île je croise un jeune homme tressant son fil de pêche dans une vieille maison lacustre.
Je vois au loin beaucoup de locaux à bord de barques, pagayant au loin, à la recherche de poissons, certains utilisent même une voile pour aller plus loin dans cette lagune si grande.
Ça fait partie des choses qui m’ont le plus marqués à Tiagba, voir des silhouettes si belles au loin sur ce lac aux allures d’océan.
J’y ai d’ailleurs pris une de mes plus belles photos :
Ici on sait utiliser une barque dès le plus jeune âge, à vrai dire on a pas le choix, tout se fait en barque.
Les femmes partent récolter des fruits en barque, les hommes vont pêcher en barque et les enfants vont à l’école en barque.
Puis de l’autre côté de l’île je tombe sur un petit bar local au dessus de l’eau, pas loin de celui-ci une église bleu et blanche domine toute l’île. Son style est assez unique et contraste beaucoup avec ces teintes orangés que dégage l’île.
L’homme qui me guidait m’expliquait que pour vivre il faisait pousser des Hévéas, des arbres dont la sève sert à fabriquer du caoutchouc. Il m’a invité à découvrir sa plantation immense où il doit travailler tous les jours pour “saigner” l’arbre et récolter sa sève.
Nous avons beaucoup discuté à propos de ça, il m’expliquait que par le passé lorsque son père vendait le caoutchouc, il était vendu à un bien meilleur prix qu’aujourd’hui. Les prix des matières premières ont beaucoup baissé ces dernières années, une volonté de baisser le prix d’exportation pour l’Europe, mais ce sont toujours les agriculteurs qui en souffrent.
Et ça ne s’est pas arrangé avec la venu d’Alassane Ouattara, le nouveau président du pays, qui d’après les Ivoiriens, aurait trafiqué les élections pour arriver au pouvoir. Ces résultats ont entrainé un soulèvement du peuple, persuadé qu’il n’avait pas pu gagner aux élections, c’est Nicolas Sarkozy en personne qui se déplaça là bas pour affirmer qu’Alassane était le grand vainqueur. Ce déplacement de Sarkozy est encore vu aujourd’hui comme l’un des pires moments de relations entre la France et la Côte d’Ivoire, les locaux n’ont pas apprécié qu’un dirigeant Français vienne leurs dires qu’ils se trompés.
Depuis l’arrivée d’Alassane les prix ont encore baissé. Pour beaucoup de locaux ces prix qui baissent témoignent de conflits d’intérêt entre les dirigeants Africains, Français et les multinationales. Ce président est si mal aimé que mon guide me racontait que personne ne donnerait jamais son prénom à ses enfants car il est la cause de la souffrance d’une grande partie du peuple qui vit uniquement des matières premières exportés.
Sur la route retour j’ai sympathisé avec des motards qui buvaient et mangeaient à l’ombre en attendant qu’on leurs demandes une course, quand je suis arrivé ils m’ont tout de suite abordé, cherchant à savoir ce que je faisais ici.
De fil en aiguille j’ai passé un petit moment avec eux, j’ai partagé un Alloco délicieux avec du poisson qu’une femme faisait sous cette cabane pour ces motards. Encore un moment de partage et de bienveillance digne de cette culture du “On est ensemble”.
Malgré l’impact passé et présent de la France sur le pays, les Ivoiriens ont toujours les bras ouverts pour ses habitants, ils savent différencier l’état de l’humain, et je trouve ça magnifique.