Kazakh-quoi ? Lorsque je disais que je partais en voyage au Kazakhstan, je me suis retrouvé face à deux genres de réactions :
- la première, “Pourquoi ?” (alors qu’on ne m’a jamais demandé pourquoi je partais en week-end à Rome) ;
- la seconde, “ah, c’est cool.” (rien à voir avec le “Ah ! C’est cool !”, quand j’annonçais que je partais à Rome).
Globalement, l’Asie Centrale, cette zone isolée d’anciennes républiques soviétiques, est assez méconnue. Pourtant, elle m’a toujours fasciné et encore plus depuis que j’apprends le russe. Cet été, à l’occasion de l’exposition internationale d’Astana, j’ai donc décidé de passer une dizaine de jours au Kazakhstan, le plus grand pays de la région.
Mon périple a commencé au sud du pays, à Almaty, l’ancienne capitale. Almaty est une de ces nombreuses villes dominées par les montagnes qui m’ont toujours attiré - au même titre que Seattle aux Etats-Unis, Vancouver au Canada, Erevan en Arménie, Santiago au Chili, Téhéran en Iran ou encore Anchorage en Alaska. J’y suis resté 3 jours pour découvrir la ville calmement et m’improviser professeur d’anglais dans une école locale. Une super expérience ! J’ai beaucoup aimé la ville, très aérée, très verte malgré la circulation assez surchargée. Le Kazakhstan est majoritairement musulman mais les traces de l’URSS sont encore bien présentes. Le russe reste la principale langue de communication.
S’il y a une chose qui me surprend à Almaty (et ce sera également le cas à Astana, la capitale), c’est la présence de nombreux centres commerciaux gigantesques avec tous les magasins que l’on peut trouver en occident, ouverts 7 jours sur 7 jusqu’à 22h, parfois minuit … mais totalement vides de clients, les employés luttant contre l’ennui derrière leurs caisses. Il faut dire que les prix sont comparables aux nôtres et je comprends donc difficilement comment les locaux peuvent se permettre un tel shopping. En revanche chaque centre commercial qui s’étend sur au moins 5 étages comprend toujours un petit parc d’attractions pour enfants, et, lui, est définitivement bien fréquenté.
Visiter Almaty s’imposait donc comme une évidence pour moi mais ce qui m’intéresse avant tout dans ce pays, c’est son exceptionnelle nature. Et c’est là que l’organisation du voyage s’est avérée plus complexe que ce que je croyais. Peu de circuits sont organisés et les prix grimpent très vite… Après de longues heures de recherches laborieuses sur internet, je finis non sans difficulté par réussir à réserver 5 jours d’excursions dans 3 parcs nationaux.
JOUR 1
Je vais commencer par la région des lacs et des forêts. Je pensais rejoindre un groupe de touristes mais en fait je suis seul avec mon guide anglophone (un jeune homme de 23 ans originaire du Kirghizistan voisin), mon chauffeur privé et une guide stagiaire. Y a-t-il vraiment d’autres touristes dans ce pays ? A Almaty, je n’en ai pas croisé un seul. Mon guide me donne énormément d’informations sur l’histoire passionnante du Kazakhstan qui a connu les invasions mongoles avant celle des Russes, mais aussi au sujet de pays voisins, notamment l’Ouzbékistan, dont le président est récemment décédé. Après 4 heures de route pour parcourir environ 250 km, nous faisons un arrêt au bord d’un canyon noir très impressionnant. Littéralement au bord.
Nous reprenons la route vers le parc national des lacs. Au loin, il me semble apercevoir une immense forêt. Je demande à la guide s’il s’agit du parc où nous nous rendons. Elle me répond que non. En fait, ce que je crois voir n’est même pas une forêt. Il n’y a rien du tout. C’est un mirage. Un peu plus loin, je me demande comment notre conducteur va réussir à poursuivre le trajet. La route est complétement inondée. Mais encore une fois, ce n’est rien d’autre qu’un mirage. Il fait terriblement chaud. Plus de 35°. 5 heures de route, 300 km parcourus et toujours pas arrivés. Il reste une trentaine de kilomètres. Soudain, la voiture s’arrête : un pneu est dégonflé. J’espère que l’excursion ne va pas être compromise. Mais après quelques minutes, nous repartons sans autre encombre. Enfin presque. Sans prévenir et sans raison apparente, un taureau se met à charger notre voiture. Il fonce droit vers moi. La guide crie et le conducteur tente de donner un coup d’accélérateur. Nous réussissons in extremis à esquiver la bête.
Finalement, nous atteignons le lac Kaindy pour notre première randonnée. Situé dans une forêt de pins à 2.000 mètres d’altitude, le lac a été formé en 1911 suite à un puissant tremblement de terre qui a provoqué un glissement de terrain et un barrage artificiel dans la vallée. La forêt a été en grande partie inondée et plus de 100 ans plus tard, on peut toujours voir les troncs des arbres morts s’élevaient du lac. La guide cueille une quantité incalculable de fleurs et plantes diverses me disant “si tu te blesses, utilise cette feuille cicatrisante”, “si tu as mal au ventre, on peut faire un thé avec ces fleurs”… Puis vient le moment de retourner au village le plus proche, à environ 1 heure de voiture pour y passer la nuit. Le chemin pour y accéder est totalement défoncé et le voyage est vraiment mouvementé. La guide me regarde en souriant et me dit “Американские горки”, montagnes américaines. C’est marrant, nous, on dit “montagnes russes”. Après le dîner dans la maison d’hôtes, on me propose de prendre un bain russe, sorte de cabane sauna qui fait office de salle de bains au fond de la cour. Après cette longue journée, cela fait un bien fou.
JOUR 2
Le deuxième jour, nous prenons la direction du parc national des lacs Kolsay, trois lacs situés à la frontière avec le Kirghizistan. Nous accédons au premier en voiture, à 1.800 mètres d’altitude. Il faut faire le reste à pied à travers la forêt et compter environ 7 heures de marche aller-retour pour parvenir au deuxième, le plus grand et le plus beau d’entre eux, de couleur turquoise, et situé à 2.552 mètres d’altitude. Le plus petit lac est situé tout en haut mais nous n’aurons pas le temps d’y aller (et pour ma part, pas les forces). Les lacs sont entourés d’un côté par un bois de sapin et de l’autre par des prairies alpines. Des petites maisons d’hôtes sont aménagées sur les rives des lacs. Le parc a été créé en 2007 et est encore très peu visité : il ne reçoit la visite que d’environ 60 personnes par jour. J’entreprends la randonnée seul avec mon guide. En chemin, il me parle de l’importance de la famille au Kazakhstan et en Asie Centrale de manière générale. Lorsqu’un enfant fait ses premiers pas, il est de coutume d’inviter toute sa famille à venir célébrer l’événement. Il évoque également le passé de sa propre famille sous la république socialiste soviétique kirghize. Sa mère, dans les années 1980, alors âgée d’une vingtaine d’années, a eu l’occasion de partir à Budapest. Il lui a demandé pourquoi elle n’a pas cherché à s’enfuir à l’Ouest. Elle lui a répondu qu’elle n’en ressentait pas le besoin. Elle avait tout ce dont elle avait besoin à Bichkek. Bien sûr, il y avait des pénuries parfois mais sa vie lui plaisait.
Soudain, on entend un buisson s’agiter. Un homme surgit. Un nomade kazakh avec son chien et sa jument. Curieux de rencontrer un touriste ici, dans cet endroit pourtant paradisiaque, il me propose de goûter le fromage de sa jument. Refuser serait malpoli : j’accepte. Le goût est très fort. Mais ce n’est pas tout. Il sort une bouteille contenant le lait fermenté de l’animal. Le liquide est gazeux et légèrement alcoolisé (environ 7%) et porte le nom de koumis. Le goût ne me déplaît pas. Finalement, nous atteignons le second lac et un autre homme fait son apparition. Mon premier touriste ? Enfin ? Encore une fois, non. C’est un militaire kazakh. Nous nous trouvons à 10 km de la frontière avec le Kirghizistan. Nous regagnons le village en fin d’après-midi. Pour le dîner dans la maison d’hôtes, je goûte le plat national kazakh, le beshbarmak, “cinq doigts” en kazakh, car c’est comme cela qu’il se mangeait autrefois. De la viande de mouton hachée et bouillie mélangée avec des nouilles. C’est super bon ! Après ces deux journées dans la région des lacs et un dernier bain russe, nous partirons le lendemain pour un paysage totalement différent : le canyon de Charyn.
JOUR 3
Le Grand Canyon aux Etats-Unis est bien connu. Le Kazakhstan possède aussi le sien ! Le canyon de Charyn, endroit magnifique et très impressionnant. Le site est surnommé “la vallée des châteaux” à cause des formes que prennent les rochers.
En fin d’après-midi, nous rentrons à Almaty. Rejoindre une ville si agitée, malgré le très grand nombre d’arbres et de parcs qui s’y trouvent me fait bizarre. Je suis pourtant content de retrouver cette ville si agréable le temps d’une soirée.
JOUR 4
Les deux derniers jours d’excursion sont consacrés au parc national Altyn-Emel, ses steppes, ses déserts et ses montagnes. Ce parc se situe à 260 kilomètres au nord d’Almaty, à la frontière chinoise. La route est encore une fois longue : environ 5 heures. Je me rends compte qu’il reste très difficile de se déplacer au Kazakhstan.
Une fois dans le parc, nous prenons la direction des Dunes Chantantes, un ensemble de trois dunes, dont la hauteur atteint 150 mètres avec une longueur de trois kilomètres. Nous nous contenterons de grimper la première colline, longue d’environ 1,5 km, ce qui nous demandera une bonne heure d’ascension. Elle est constituée de sable pur très fin qui commence à «chanter» par temps venteux et dont le son rappelle la musique d’orgue. C’est assez envoûtant. Du haut de la dune, nous pouvons observer le panorama magnifique des environs. Sur le chemin du retour, nous tombons sur une piscine au beau milieu des steppes. La baignade arrive comme une bénédiction. L’endroit est paisible et tout simplement extraordinaire.
JOUR 5
Le lendemain, pour le dernier jour d’excursion, nous nous rendons assez tôt aux montagnes d’Aktau, toujours dans le parc national Altyn-Emel. Nous y arrivons à 9h30 du matin, après une heure de voiture. Il fait déjà 41°. Les montagnes sont sublimes, constituées de craie de différentes couleurs: bleu, rouge, blanc, rose, vert, finement découpées par l’érosion. Autrefois situé sous la mer, ce paysage à couper le souffle a été formé il y a plus de 400 millions d’années et s’étend sur une superficie de 30 kilomètres. Je n’ai jamais rien vu de tel auparavant. A part moi, il n’y a pas de touristes.
Je retourne à Almaty pour ma dernière soirée dans cette ville. La quitter sera difficile. Je pourrai en profiter encore quelques heures le lendemain avant de prendre la direction d’Astana, dernière étape de mon voyage. Avant d’arriver à Astana, il faudra être patient : 14 heures de train pour parcourir les 1200 km qui la sépare d’Almaty. Le coucher de soleil sur les steppes au beau milieu du Kkazakhstan est magnifique !
Astana est une ville excentrique, capitale du pays depuis 1997. Je m’y rends surtout pour l’EXPO 2017 sur le thème des énergies du futur. Une exposition internationale monumentale et hyper intéressante.
Le moment est venu de retourner en Allemagne après un voyage extraordinaire au Kazakhstan. Une chose est sûre je reviendrai en Asie Centrale, car je n’ai pas fini de découvrir les merveilles de cette région.