À la découverte des Inuit d’Ammassalik

À la découverte des Inuit d’Ammassalik
© Musée de l'Homme

Jusqu’au 2 janvier 2006, le Groenland nous livre une partie du mystère qui l’entoure. Ses autochtones, les Inuit, c’est-à-dire les « êtres humains », de la région d’Ammassalik, sont à l’honneur, pour ce deuxième volet de la « saison inuit » au Musée de l’Homme. Après l’exposition, Inuit, Quand la parole prend forme, qui présentait des sculptures d’artistes contemporains du Grand Nord québécois et canadien, nous voici plongés dans l’histoire du peuplement de la côte est du Groenland.

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Pourquoi Ammassalik ?

Les membres de la communauté inuk (singulier du mot inuit) habitent sur un territoire de plus de 5 000 km dans les régions arctiques du globe, qui s’étend des zones côtières de l’Arctique au détroit de Béring, jusqu’à la côte est du Groenland. Les Inuit sont répartis sur ce territoire en communautés d’individus de cultures et de langues différentes, mais appartenant toutes au groupe linguistique esquimau-aléoute, et n’ayant que très peu de contacts entre elles. Le peuple inuk représente aujourd’hui environ 100 000 personnes.
Entre 4 000 av. J.-C. et le Xe siècle de notre ère, le Groenland s’est peuplé par vagues successives de migrations venues d’Alaska, avec trois grandes périodes culturelles : la culture saqqaq, la culture dorset et la culture thulé. Cette dernière est, d’ailleurs, à l’origine de la culture inuk contemporaine, mais n’est arrivée à Ammassalik que vers le XVe siècle. C’est aussi à cette époque que se multiplient les expéditions venues d’Europe et d’Amérique, cherchant à contourner par le Nord le continent récemment découvert pour trouver une nouvelle route vers la Chine. Les contacts deviennent donc de plus en plus fréquents avec les peuples autochtones de la côte ouest, que les Européens croient être des créatures fantastiques, mi-hommes mi-bêtes. L’ethnie ammassalimuit est, elle, restée coupée de tout contact avec d’autres groupes humains, jusqu’en 1884, date à laquelle l’explorateur Gustav Holm la découvre. Elle est formée, à l’époque, de 413 personnes. Cet isolement a permis le développement d’une langue et d’une culture différente de celle des Inuit de la côte ouest du Groenland, vraie richesse du peuple d’Ammassalik.

Du mythe à la rencontre

C’est à un Viking, Erik le Rouge, que l’on doit la découverte du Groenland au Xe siècle. Longuement délaissée, la plus grande île du monde, avec ses 2 670 km du Nord au Sud, ne fut que tardivement colonisée par les Danois, au XVIIIe siècle, qui installèrent des comptoirs baleiniers sur la côte ouest. Voici l’histoire telle que nous, Occidentaux, la voyions jusqu’au XIXe siècle. C’est à cette époque que les sciences humaines, telle l’anthropologie, voient le jour et changent radicalement notre perception. L’exposition Groenland Ammassalik : contact. De la lampe à huile au GPS, un peuple défie le temps a adopté cet angle pour plonger le visiteur dans l’histoire de ce peuple : mettre en perspective l’évolution historique depuis la préhistoire et la représentation des Inuit dans l’imaginaire européen, jusqu’à ce que la science éclaire les esprits occidentaux. Car, jusqu’à cette époque, ce que nous savions des gens des contrées septentrionales était plus proche du mythe que de la réalité. Ainsi, alors qu’ils supposaient seulement l’existence du Groenland, les Grecs, durant l’Antiquité, nommaient les habitants du Grand Nord les Hyperboréens, peuple pur qui vivait un « âge d’or » avec les dieux. Ces êtres étaient transparents et accueillaient Apollon lors de sa migration, l’hiver venu, depuis Delphes, vers les régions boréales. Les anciens racontaient qu’il arrivait sur une grande île de glace, équilibrée sur le globe par un autre continent au sud.
Toute cette première partie de l’exposition montre, à travers de nombreux objets rapportés par des explorateurs pour être exposés, par exemple, dans les cabinets de curiosité européens, la vision que le « monde civilisé » pouvait avoir de ces « sauvages », car tels étaient les termes employés pour parler des peuples différents des Occidentaux jusqu’à la colonisation de ces terres. Vous pourrez ainsi admirer diverses représentations des habitants du Groenland : gravures, bustes, tableaux... Et parallèlement, illustrée par de nombreux objets préhistoriques et des cartes explicatives, découvrir l’histoire du peuplement de la grande île.

La défense de la culture d’Ammassalimuit

En comparaison avec la colonisation de la côte ouest du territoire, la côte est a bénéficié de 163 ans de répit. Malgré cela, la culture des Ammassalimuit a dû affronter la volonté de christianisation des missionnaires, entre 1895 et les années 1920. De nombreuses et surprenantes photos de cette époque ouvrent la deuxième partie de l’exposition. Vous pourrez aussi admirer des sculptures, des objets usuels, tels que des sacs, des kayaks grandeur nature ou des ornements en perle, présentant les particularités artistiques de cette population. L’art est, en effet, l’une des nombreuses preuves de l’appartenance des Inuit d’Ammassalik à un culture spécifique au sein du Groenland. Mais ces spécificités sont aussi en danger. En effet, face à la culture dominante de l’île, qui est devenue officielle avec l’accession à l’autonomie en 1979, les Inuit de la côte est doivent se battre pour conserver leur patrimoine. L’exposition permet, par exemple, de comprendre la lutte de ce peuple pour la sauvegarde de sa langue, grâce à un film-témoignage traitant des particularités de cet idiome, de ce qu’il véhicule et de l’importance de sa survie. Dans ce but, les Inuit d’Ammassalik ont fait sortir leur langue de la tradition orale dans laquelle elle se cantonnait afin qu’une trace écrite en assure la survie pour les générations à venir. Avec l’émancipation politique, sous tutelle danoise, ce peuple peut désormais autogérer la préservation de sa culture. Depuis 1987, une université du Groenland donne un cadre scientifique à cette protection, tandis que le musée de Nuuk, créé en 1960, est devenu en 1981, le Musée national du Groenland, et d’autres musées régionaux ont vu le jour depuis, dans quatorze des dix-huit villes du territoire. Et, depuis plus de vingt ans, avec l’aide de l’Unesco, une politique de retour des objets au Groenland a été instaurée. De sujets d’étude, les Inuit sont devenus acteurs et ont repris leur destin en main !

Crédit photo : © Cliché Daniel Ponsard / Musée de l'Homme

Informations pratiques

Musée de l’Homme
Palais de Chaillot
17, place du Trocadéro, 75116 Paris
M. : Trocadéro
Internet : www.mnhn.fr
Ouvert en semaine, sauf le mardi, de 9 h 45 à 17 h 15, et le week-end de 10 h à 18 h 30.
Prix : 7 €. Tarif réduit : 5 €.

Pour les enfants
Divers ateliers et animations sont mis en place pour les plus jeunes.
- Tous les samedi, à 15 h, une visite spéciale famille est organisée. Durée : 1 h 30.
- Les mercredi à 15 h, les enfants à partir de 7 ans, peuvent participer à des visites commentées. Durée : 1 h.
- À partir de 4 ans, les plus jeunes pourront découvrir l’univers des Inuit à travers leurs contes et leurs jeux. Durée : 1 h 30.
- Des ateliers d’initiation à l’écriture inuk sont ouverts pour tout public à partir de 7 ans, animés par l’association Inuksuk, chargée de promouvoir la culture inuk en France. Durée : 1 h.
Réservation au : 01-42-01-01-72 ou sur place, un quart d’heure à l’avance.

À lire
- Les Inuit d’Ammassalik, chasseurs de l’Arctique, Pierre Robbe, Éditions de Muséum, 1994.
- Groenland, Kallaalli  Nunaat, Éditions Grand Nord Grand Large, 2004.

Pour les plus jeunes
- Apoutsiak, le petit flocon de neige, Paul-Émile Victor, Éditions du Père Castor, Flammarion, 1997.

Où se documenter sur le Groenland ?
- La Maison du Groenland propose toutes sortes d’ouvrages et de cartes sur l’île, ainsi que de l’artisanat traditionnel. En plus d’être un centre culturel, elle propose des voyages et des randonnées dans ce paradis blanc.
Maison du Groenland, 15, rue Cardinal Lemoine, 75005 Paris. Tél. : 01-40-46-05-14. Fax : 01-43-26-73-20. E-mail : infos@gngl.com. Internet : www.maisondugroenland.com.

Texte : Marie Berkrouber

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