Norouz/Nevruz : le Nouvel An de l’Asie Centrale
Hier 20 mars c'était le printemps. En Asie centrale, de la Turquie au Kazakhstan, les peuples anciennement rattachés à l’Empire perse célèbreront la fête de Nevruz. Les coutumes peuvent varier d’un pays à l’autre, mais Nevruz a une signification commune : c’est le « jour nouveau », symbole d’espoir et de renaissance après les rigueurs hivernales.
Les origines du Nevruz
Appelée Nevruz en turc, Newroz en kurde ou encore Norouz en persan, cette fête d’origine païenne signifie « jour nouveau ». Composé des mots persans « No » et « Rouz » (« nouveau » et « jour »), ce terme serait apparu pour la première fois sous l’Empire perse, vers l’an 3 000 avant Jésus-Christ. Bien que chaque peuple de la région s’approprie l’origine de la fête, elle symbolise dans toute l’Asie centrale la renaissance de la nature et marque le début du printemps. Elle est aussi importante que le Nouvel An chez nous.
Pendant longtemps, ce jour a été considéré comme le plus important de l’année. Les premiers détails connus sur cette fête apparaissent sous la dynastie des Sassanides : les audiences royales, les cadeaux et le pardon des prisonniers constituaient les principales traditions.
L’introduction de l’Islam au sein de ces communautés (vers 650 ap. J.-C.) n’a pas mis fin à la tradition du Nevruz, alors que beaucoup d’autres célébrations furent délaissées. Au contraire, les califes eux-mêmes y participaient et déclarèrent ce jour férié. Le retour des dynasties perses n’a fait que lui redonner encore plus d’ampleur.
Nevruz reste encore aujourd’hui la fête la plus populaire de la région, de la Turquie au Kazakhstan en passant par l’Iran, l’Ouzbékistan et l’Azerbaïdjan.
Les célébrations de l’Iran à l’Azerbaïdjan
En Iran, la fête s’appelle Norouz. Elle se traduit par un « grand nettoyage » qui marque l’arrivée du printemps. Toutes les maisons doivent être propres pour la nouvelle année. La tradition veut également qu’on achète de nouveaux vêtements qu’il faudra porter le jour même, sans oublier de se procurer quelques jacinthes ou tulipes pour mettre en avant le retour de la saison printanière. Enfin, les familles rendent visite à leurs proches, afin de partager un bon repas et de s’échanger des cadeaux. Norouz en Iran, c’est aussi le jour des visites ! Il faut faire vite pour réussir à saluer tout le monde, et prévoir beaucoup de pâtisseries pour les invités. Le plus simple reste tout de même d’organiser une grande fête réunissant tout le monde.
Au Kazakhstan, les coutumes ne sont pas si différentes. Le nettoyage de printemps, les beaux vêtements et les échanges de nourriture avec les voisins sont également de rigueur ! En revanche, les Kazakhs ont la particularité de sauter sur le feu afin de se libérer des maladies et de toutes les choses négatives de l’année qui vient de s’écouler. C’est, là aussi, un nouveau départ pour une nouvelle année.
En Ouzbékistan, carrousels, marchands ambulants et musiciens remplissent joyeusement les rues du pays pendant toute une semaine. Des activités sportives et culturelles sont organisées : combats de coqs, lutte, courses de chevaux... Sans oublier des pièces de théâtre qui mettent en scène la célébration de Nevruz. On souhaite une bonne fête à tout le monde et on offre le repas (riz pilaf, thé, fruits) à tous les visiteurs.
En Azerbaïdjan, Nevruz se déroule du 21 au 23 mars. Tout d’abord, la population se rend au cimetière afin de prier pour les morts. Les femmes cuisinent de bons plats traditionnels et les offrent aux plus pauvres. Par ailleurs, la coutume du grand nettoyage se retrouve également. C’est aussi une fête pour les enfants, qui s’amusent à faire du porte-à-porte en chantant des chansons pour recevoir des œufs peints de toutes les couleurs.
En Turquie, une fête très politique…
En Turquie, la célébration du Nevruz est plus complexe en raison du conflit avec les Kurdes. Selon le gouvernement turc, cette fête est originaire de la légende du loup gris, dont le peuple turc serait le descendant. Officiellement, Nevruz commémore le jour de délivrance où les Turcs quittèrent la plaine d’Ergenekon, dans laquelle ils avaient trouvé refuge lors d’invasions étrangères. Les 22 et 23 mars, les Turcs fêtent donc, à leur manière, le renouveau. Mais cela n’a pas toujours été le cas...
Pendant longtemps, cette fête était célébrée uniquement par la population kurde, très attachée à ses coutumes. Elle a été rebaptisée Nevruz par les Turcs, tandis que les Kurdes l’appellent Newroz.
Pour ces derniers, cet événement représente la libération du joug d’un roi tyrannique, qui nourrissait chaque matin un serpent avec deux êtres humains. Un jour, l’un d’entre eux, remplacé par un mouton, partit se cacher dans les montagnes et fut à l’origine du peuple kurde. Newroz commémore cette date qui vit la victoire de la lumière et du bien sur les ténèbres et le mal.
Les autorités turques ont longtemps interdit, voire sévèrement réprimé, la célébration de Newroz. Cependant, les Kurdes ont toujours continué à affirmer leur identité à travers cette fête. Ce n’est que depuis 2000 et en certains endroits uniquement, que le gouvernement autorise des festivités kurdes, où toute revendication politique est interdite.
Pour les Turcs, les coutumes sont très proches de ce qui se fait dans les autres pays : grand ménage et préparation de plats qui seront partagés au cours des nombreuses visites entre proches... Le deuxième jour est consacré aux morts : les gens se rendent au cimetière afin de se recueillir sur les tombes. Chants et musique accompagnent ce rendez-vous. Le soir, de grandes fêtes sont organisées entre familles et voisins.
Il existe des variantes selon les endroits. Dans la région de Kars par exemple, un enfant doit aller chercher de l’eau sans jamais se retourner, ni parler. Une fois le seau rempli, chaque personne jette dans l’eau un fil de couleur et une aiguille le représentant. La croyance veut que les deux personnes dont les fils se mêlent se marieront dans l’année.
À Tunceli, les hommes se maquillent le front en noir et se rendent au bord de l’eau pour prier et faire des vœux.
Quant aux Kurdes, en dépit de la récupération de leur fête par l’État, ils continuent chaque année de célébrer ce grand événement populaire, devenu au fil du temps un symbole de résistance.
Pour en savoir plus
Nevruz en Turquie (site du ministère turc de la Culture)
www.kultur.gov.tr
Nowruz chez les Kurdes (en anglais)
http://en.wikipedia.org/wiki/Kurdish_celebration_of_Newroz
Norouz en Iran
www.liranpourlesnuls.net
Site de l’Institut kurde de Paris
www.institutkurde.org
Texte : Léonore Jaury
Mise en ligne :