La Cité nationale de l’immigration à Paris
Comme New York avec Ellis Island, Paris a enfin son musée consacré à l’immigration. Cette institution, qui ouvre ses portes le 10 octobre au palais de la Porte Dorée, retrace deux siècles d’immigration en France à travers une grande exposition permanente baptisée « Repères ». Son objectif : faire connaître et reconnaître l’apport des étrangers à la France, tout en portant un regard historique et équilibré sur un sujet qui déchaîne les passions. Une mission des plus louables quand on sait que près d’un quart des Français sont d’origine étrangère.
Préparez votre voyage avec nos partenairesConnaître et reconnaître l’apport de l’immigration
Enfin ! Comme le Québec avec le Musée de la Civilisation et surtout les États-Unis avec Ellis Island à New York, la France se dote d’un musée consacré à l’immigration. C’est dans un Palais de la Porte Dorée (12e arrdt) totalement réaménagé que la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) ouvre aujourd’hui ses portes. Ironie de l’histoire, l’édifice de la Porte Dorée a été conçu à l’occasion de l’exposition coloniale de 1931. Aujourd’hui, il est le siège d’un musée national dont l’objectif est de « faire connaître et reconnaître l’apport de l’immigration en France ».
Car, pour Jacques Toubon, président du conseil d’orientation de la CNHI, « bien que la France soit, avec les Etats-Unis, l’un des grands pays d’immigration dans le monde, cet aspect de notre histoire est quasiment méconnu et n’est pas reconnu ». Et ceci, même si près de 25 % des Français ont des origines étrangères. Pour son président, « la Cité permet de regarder notre histoire en face et peut contribuer à changer le regard contemporain sur l’immigration ». Un beau pari sur un sujet qui alimente nombre de fantasmes et de polémiques.
Une longue histoire
La Cité de l’immigration revient pourtant de loin. Son projet est né dans la tête de plusieurs historiens, dont Gérard Noiriel et Pierre Milza, à la fin des années 80. Enterrée par François Mitterrand, un temps soutenue par Lionel Jospin, la Cité a été voulue par Jacques Chirac en 2002. Elle ouvre après cinq ans de travaux et de péripéties. La plus éclatante a eu lieu en juin dernier avec la démission de huit historiens des instances officielles de la Cité pour protester contre l’instauration du controversé ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale. Ces historiens, dont fait partie le chercheur au CNRS Patrick Weil, soutiennent toujours le projet de la Cité, qui, au-delà des polémiques, est parvenu à son terme. C’est bien là l’essentiel.
Repères, l'exposition permanente
Pièce maîtresse de la Cité, l’exposition permanente « Repères » retrace deux siècles d’immigration en France, en montrant la part importante prise par les immigrés dans le développement économique, social et culturel de la France. L’exposition s’ouvre sur une série de cartes replaçant les migrations dans leur contexte international et historique. L’immigration n’est ni un phénomène récent, ni une question franco-française. Bien loin d’être subie, elle résulte de besoins démographiques et économiques. Partout, elle a contribué à façonner l’identité des pays d'accueil.
Passé ce prologue, le visiteur suit un parcours thématique et chronologique portant sur les différentes questions liées à l’immigration : les raisons qui poussent à émigrer et à choisir la France, l’évolution des lois relatives à l'immigration, les réactions ambivalentes de l’opinion publique, le logement, l’école, le travail, l’intégration, le sport et les apports culturels que nous devons aux étrangers.
Chaque section contient des tables explicatives, précises et claires, offrant des repères historiques et démographiques. Elles sont mises en regard de documents d’archives, de photographies (Robert Capa, Sherman…), de témoignages d’immigrés accessibles par audio guide, de dessins de presse, d’œuvres d’artistes contemporains (Kader Attia, Eugene Atget…) et d’objets donnés par des particuliers. Elle s’achève sur des bornes interactives montrant l’influence des mots étrangers sur la langue française.
Au fil de l’exposition, on se rend compte de l’apport considérable des immigrés dans de nombreux domaines : de la science (Marie Curie) au spectacle (Jamel Debbouze), en passant par la cuisine, l’art, le sport ou les loisirs. Venus d'Italie, du Portugal, d'Espagne, d'Europe de l'Est, d'Afrique ou d'Asie, les étrangers, en dépit de l'hostilité d'une partie de nos concitoyens, ont su s’intégrer et faire preuve de patriotisme. À l’image des résistants espagnols et des tirailleurs sénégalais tombés pour cette France bien plus diverse et métissée qu’elle ne veut le croire.
Les manifestations à venir
Plus qu’un musée, la Cité se veut aussi un forum voué à la collecte de témoignages et d’archives sur l’immigration en France. À l’issue de l’exposition, les visiteurs pourront soit enregistrer un témoignage dans un vidéomaton, soit donner un objet ou une photo liés à leur histoire, qui contribueront à la création d’une mémoire « vivante » de l’immigration.
Enfin, parallèlement à l’expo « Repères », la Cité de l’immigration entend proposer plusieurs fois par an des expositions temporaires. Les deux premières sont consacrées aux « réfugiés arméniens au Moyen-Orient et en France de 1917 à 1945 » (du 16 octobre au 11 janvier) et aux portraits d’immigrants à Ellis Island réalisés par Augustus Frederick Sherman entre 1905 à 1920 (du 13 novembre au 7 janvier). Une manière de prouver que les migrations constituent un phénomène universel, sans doute aussi vieux que le monde.
Pour en savoir plus
Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration
293, avenue Daumesnil, Paris 12e (Métro Porte Dorée)
Tél : 01-53-59-58-60
Ouverture du mardi au vendredi de 10 h à 17 h 30, samedi et dimanche de 10 h à 19 h.
Entrée plein tarif : 3 € (réduit 2 €). Journées portes ouvertes du 10 au 14 octobre.
Site Internet : www.histoire-immigration.fr.
Le site, très riche, contient de nombreux dossiers thématiques sur l’immigration ainsi qu’une foule d’informations sur le sujet.
Lire également notre dossier sur les migrations dans le monde et la chronique de l’essai d’Amartya Sen Identité et violence.
Texte : Jean-Philippe Damiani
Mise en ligne :