Dictionnaire amoureux de l’Amérique latine
Auteur : Mario Vargas Llosa
Editeur : Éditions Plon
748 Pages
Avec son Dictionnaire amoureux de l’Amérique latine, l’auteur de La Ville et les chiens, qui a été également candidat malheureux à la présidentielle au Pérou en 1990, livre un recueil d’articles partial – et forcément passionnant – sur ce continent éminemment contrasté.
Plus amoureux que dictionnaire (le livre, bien qu’épais, n’a par exemple pas un mot pour l’Uruguay…), le bouquin aborde l’Amérique latine par la littérature, et en particulier le roman. Terre de fictions et de légendes depuis la Conquête, le continent sud-américain, un pied dans les cultures ancestrales, l’autre dans les utopies du Nouveau Monde, semble ainsi livrer sa vérité à travers sa littérature. Le livre abonde en rencontres magiques avec des grands artistes, comme Jorge Luis Borges, Julio Cortázar, Luis Buñuel, Octavio Paz, Gabriel García Márquez ou Guillermo Cabrera Infante.
La politique n’est évidemment pas absente. Au fil des articles, écrits à différentes époques, le lecteur peut reconstituer l’itinéraire de l’intellectuel engagé Mario Vargas Llosa. Sympathisant communiste dans sa jeunesse, Llosa, déçu par l’expérience cubaine, a épousé ensuite les idées démocratiques et libérales, dans un continent plombé par les dictatures.
Mais c’est surtout dans sa description de l’introuvable identité latino-américaine (« prétention aussi vaine qu’impossible ») que Vargas Llosa fait mouche et nous touche. À ses yeux, l’Amérique latine, à la fois hispanique, indigène, européenne et africaine, constitue un miroir du monde : un « prototype » fort moderne de la diversité culturelle. Un continent baroque et métissé, qu’on ne peut saisir que par fragments et en toute partialité.
Curieusement, Vargas Llosa s’est senti pour la première fois latino-américain à Paris, où, dans les années 1960, il découvrit la littérature de son continent. En s’éloignant du kaléidoscope sud-américain, il a pu enfin commencer à l’observer et le comprendre. Son dictionnaire amoureux, où l’on sent battre le cœur d’un intellectuel passionné, nous fait l’effet contraire. Loin de vouloir prendre du recul, le lecteur n’aura qu’une envie : plonger au cœur des fulgurances de cette vibrante Amérique latine.
Texte : Jean-Philippe Damiani
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