L’Invention du bronzage
Auteur : Pascal Ory
Editeur : Éditions Complexe
135 Pages
Les canons de beauté en disent long sur les sociétés. À ce titre, le bronzage, dont la vogue remonte aux années 30, apparaît comme l’un des signes de l’évolution de l’Occident au XXe siècle. L’historien Pascal Ory, auteur notamment d’une remarquable Nouvelle Histoire des idées politiques et de L’Aventure culturelle française, décrypte dans L’Invention du bronzage notre engouement pour la bonne mine et le teint halé. Une mode pas si futile que ça, si l’on en croit l’auteur. Pascal Ory adhère à cette fameuse phrase de Paul Valéry : « Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau ».
Alors que nous apprend le paraître sur notre être (social) ? Tout d’abord que, depuis près d’un siècle, l’individu prend de plus en plus en main son destin social dans un processus d’émancipation. L’invention du bronzage serait le fruit de plusieurs facteurs concomitants : le discours médical sur les bienfaits de l’héliothérapie et du sport, les attraits de la peau mate vantés par l’industrie des cosmétiques et les progrès de l’hédonisme liés au temps libre. Ainsi, dans les années 30, on adopte le bronzage essentiellement pour se distinguer – je bronze donc je fais partie de l’élite en bonne santé et à la mode – mais aussi pour profiter du plein air – je bronze car je pars en vacances à la mer. Bref, le bronzage, c’est à la fois Coco Chanel et les congés payés de 1936.
Évidemment, au fil des décennies, l’émancipation prend des allures de diktat, auxquels certains choisissent de résister. Des top models, comme Kate Moss, ou des mouvements alternatifs, comme le grunge ou le gothique, remettent la pâleur au goût du jour, en une réaction (salutaire ?) à la dictature du sain et du bronzé. La médecine prévient des dangers du soleil, qui n’est pas forcément l’allié de la santé. Le bronzage est-il encore synonyme d’émancipation, de liberté et de distinction sociale ? Vous aurez sans doute le temps de vous poser la question sur les plages bondées d’aoûtiens en lisant cet essai, à la fois court et stimulant. Bref, voilà une occasion de ne pas bronzer idiot !
Texte : Jean-Philippe Damiani
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