Travailler pour le Guide du Routard, c’est parfois se confronter à des assiettes bien surprenantes. Au fil des années, beaucoup d’enquêteurs ont eu l’occasion de savourer une bonne raquette de nopal (cactus) ou une fleur de bananier, de croquer quelques sauterelles ou fourmis, de grimacer en avalant une oreille de porc bouillie galicienne, voire du cuy (cochon d’Inde) andin bien gras. Il y a pourtant pire. Bien pire.
Quand il s’agit de remplir leur assiette, les humains font assurément preuve d’une imagination débridée. Larves, insectes, rongeurs, serpents, abats, nourritures préservées des mois ou des années durant, ou sentant très mauvais… de nombreux peuples ont développé des recettes qui font dresser les cheveux sur la tête de tous les autres autour de la planète.
Le Disgusting Food Museum, récemment ouvert à Malmö, en Suède, jette une lumière crue sur ces pratiques et propose de goûter une vingtaine de « spécialités » peu banales. Dégoûtant ? Tout dépend des points de vue. On a connu des Polonais qui, révulsés d’avoir vu des cousins Français cuire des grenouilles dans leur poêle, l’ont jetée…
Morceaux choisis et bon appétit !
Le balut : le caneton tué dans l’œuf – Philippines
Celui-là, il fallait vraiment l’inventer. Direction les Philippines pour découvrir le plaisir (dubitatif) de mâchonner le caneton dans l’œuf, avant sa naissance ! Oui, oui, vous avez bien lu.
Glissez la main sous le croupion d’une canne après 18 jours de couvée, faites bouillir ou cuire à la vapeur, décalottez la coquille (du côté le moins renflé) et voilà qu’apparaissent du jaune et du blanc (vascularisés), puis un fœtus tout recroquevillé sur lui-même. On commence par aspirer le bouillon, puis on croque d’un coup le jaune (en évitant l’albumen) et le micro-canard – qui explose en bouche, dans un goût d’entrailles et de sang.
Les connaisseurs apprécient le tuyo, le balut de 20 ou 21 jours : dans ce cas, pas de jus, mais encore plu de canard ! Aphrodisiaque, dit-on, et à déguster avec une bonne bière.
Œuf de 100 ans, couleur vert-de-gris – Chine
À le voir, on croirait que c’est vrai. Oublié depuis un siècle, cet œuf de canard tout noir ? Même pas. Tout juste quelques semaines de macération. Dans quoi ? Dans de l’urine de cheval, persiflent les mauvaises langues. Jadis, peut-être.
Aujourd’hui, l’œuf de 100 ans boucane dans une décoction de chaux, de cendres, de sel, voire de cosses de riz, additionnés de quelques aromates qui, à vrai dire, ne lui apportent pas grand-chose… Résultat : un jaune passé au vert-de-gris, crémeux et au goût renforcé, et un blanc étrangement translucide, couleur thé foncé, gélatineux mais sans goût.
Tout cela s’avale sans trop de peine, une fois franchie la barrière olfactive (relents d’ammoniaque). La recette s’applique aussi aux œufs de caille et, parfois, aux simples œufs de poule.
Le kiviak, fermenté dans la graisse de phoque – Groenland
À l’extrême nord du Groenland, les Inuits chassent le mergule nain, un petit oiseau marin migrateur, noir et blanc, qui niche dans les falaises les plus septentrionales du monde. Profitant du très court été, ils débarquent par millions. L’occasion d’une razzia rare en ces terres soumises à des conditions extrêmes.
Mais passé le plat du jour, comment conserver du mergule pour l’hiver à venir ? La réponse est simple. Pêchez un phoque, détachez sa peau en lui conservant sa couche de graisse, faites en un sac, bourrez-le de quelques centaines de mergules entiers (en chassant l’air) et mettez le tout bien à l’abri sous des rochers pour les mois à venir. Les oiseaux en ressortent marinés dans la graisse dégradée, encore tout habillés de leurs plumes. Pas faciles à déshabiller, mais comestibles, sur des notes de fromage fort et de réglisse mêlés. Évidemment, faut aimer.
L’ahuautle, le « caviar des Aztèques » – Mexique
C’est ainsi que l’on appelle au Mexique les œufs de l’axayácatl, les punaises d’eau qui infestaient jadis les multiples plans d’eau entourant Tenochtitlán – et surtout le grand lac Texcoco. Les empereurs en faisaient une cure saisonnière (au petit déj.) pour accroître leurs forces et l’un d’eux prit même le nom de l’insecte ! En hommage, peut-être, à son importance pour la communauté : une étude a estimé la consommation annuelle d’axayácatl (séchés) et d’ahuautle de l’Empire à 3 900 tonnes…
Récoltés sous forme de grappes séchées au soleil, les œufs sont aujourd’hui préparés en fricassées, omelettes, tamales, ou avec du nopal (cactus). On en trouve dans certains restos de Mexico en été, même s’ils sont devenus rares en raison de l’assèchement et de la pollution des lacs. Souvent épicés, ils conservent néanmoins un fort goût de crevette.
Les gastronomes et la fourmi – Mexique, Colombie
Il existe de nombreuses espèces de fourmis… et de nombreux pays où on les mange. Le Mexique a un goût marqué pour ces insectes, souvent simplement grillés, comme la tzitzim noire du Chiapas, saupoudrée sur les salades ou dans les ceviches ! Plus rares, les escamoles, plat de carême, sont des œufs de fourmis de l’agave, généralement préparés avec force piment – difficile donc d’en discerner vraiment le goût, rappelant supposément le beurre et la noisette. La texture, elle, évoque le fromage blanc caillé (cottage cheese). Cher, très cher !
Plus au sud, les Colombiens de la province de Santander raffolent de la culona, la « fourmi gros cul », récoltée entre mars et mai depuis l’époque précolombienne. Elle aussi est grillée ou frite (moins bonne). Consistance de pop-corn, goût de fumée et de bacon. Snack, aphrodisiaque, ingrédient de sauces plus élaborées dans les restos chics ou même bonbon, la culona est désormais bonne à tout (on en a vu recouvertes de chocolat !).
Le surströmming : hareng fermenté à vous boucher le nez – Suède
Si vous voulez y goûter, il va falloir vous dépêcher. La dernière fabrique de hareng fermenté du nord de la Suède est sur le point de fermer ses portes. S’il tient de la légende locale, le surströmming a largement perdu de son statut festif. Pas facile, il faut dire, d’en ouvrir une boîte quand on vit en appartement. L’odeur est si épouvantable qu’elle vous ferait tourner de l’œil !
La recette est simple : laisser fermenter à l’air libre (pourrir ?) le poisson pêché au printemps, sans le vider, puis le mettre en boîte à la fin de l’été. Les aficionados préfèrent les conserves de l’année précédente ; le poisson continue de fermenter et devient de plus en plus mou, tendance visqueux. Seul vrai risque à la clef : que la boîte, bombée de gaz, vous explose au nez en l’ouvrant ! Étalé sur un bon pain nordique, accompagné d’oignons ou de pommes de terre, ça passe – avec une pince sur le nez.
Le hákarl, un requin fermenté en eaux troubles – Islande
Aucun risque d’en trouver au supermarché. Le hákarl n’est produit que dans une unique fabrique de la côte ouest islandaise, près de Stykkishólmur, sur la péninsule de Snæfellsnes (à vos souhaits !).
De quoi s’agit-il ? De requin du Groenland. Fermenté. Pourquoi fermenté ? Parce que la bestiole ne peut pas uriner et que, tout au long de sa vie, sa chair se sature en acide urique et en oxyde de triméthylamine (un neurotoxique). Elle doit donc d’abord en être débarrassée en marinant pendant 6 à 12 semaines dans un trou creusé dans le sable. Suivent 4 à 5 mois de séchage. On peut alors planter les dents dans un cube de viande, duraille, qui malgré tous les traitements dont elle a fait l’objet, a assurément conservé son odeur initiale…
Un classique de l’apéro, qui se retrouve aussi sur la table du þorramatur* (voir ci-dessous). On ne se lèverait pas la nuit pour en manger.
Dans le mouton, tout est bon – Islande
Ceux qui ont des amis du côté de Reykjavik réfléchiront avant d’accepter leur invitation à dîner pour le þorramatur – des ripailles hivernales façon réveillon, en version mouton… En vedette : le svið, la tête bouillie, servie froide et coupée en deux dans la longueur. Les joues se mangent sans peine, les lèvres et la langue s’avalent, mais les yeux font de la résistance (certains les enlèvent). La meilleure viande est cachée derrière, paraît-il.
Il y a aussi le boudin de mouton(blóðmör), les testicules de mouton saumurées dans du lait aigre (súrsaðir hrútspungar), le fromage de tête de mouton(sviðasulta), les fines tranches de gigot d’agneau fumé au bois de bouleau ou aux crottes de mouton(hangikjöt) et, bien sûr, les grosses saucisses d’abats de mouton(lifrarpylsa) avec farine et oignons, qui rappellent la panse de brebis farcie écossaise… Et les carottes, alors ?
Orgie d’insectes – Asie, Afrique, Amérique latine
Inutile de signaler une mouche dans votre assiette. En Asie, en Afrique, en Amérique Latine, on fait souvent exprès de manger des insectes (entomophages !). Les plus faciles à avaler ? Sauterelles et criquets grillés. Pas trop gros, croustillants, sans amertume, avec un petit goût de crevette pour les premières (arrachez les pattes), de noix et d’ail pour les seconds…
Devant les étals des marchés de nuit thaïs, le choix se complique. Essayer le ver à soie ? Si vous aimez le tofu crémeux… Les vers de bambou ? Beaucoup d’air, façon Curly. Les divers scarabées apportent une même sensation de poussière en bouche. Pas assez frais ? La punaise d’eau géante, c’est une autre histoire : 8 cm, une tête, des ailes et des pinces à éplucher… Mieux vaut en faire des condiments.
Reste le scorpion, plutôt cher, vendu à l’unité sur un bâtonnet, à croquer entier, au goût de crevette crue et de vinaigre, avec une touche d’amertume….
Et la tarentule. Pattes croustillantes, viande blanche et cœur moelleux d’entrailles et excréments… Serait-ce un arrière-goût de bacon ? Ou de crabe ? Il y a de l’ail aussi. Et du poivre. Et peut-être bien du bouillon cube…
En Afrique, on croque plutôt les termites, crues ou frites. Tiens, le voilà, le goût de la carotte !
Miam, un gâteau de mouches ! – Kenya, Tanzanie, Malawi
Parmi les innombrables insectes qui passent à table, il en est un peu banal : un moucheron bien maigrichon, qui ne risque pas de faire un solide repas, mais surgit des eaux du lac Victoria par milliards d’individus, à la saison des pluies. Qu’à cela ne tienne. Les Luos, qui vivent tout près, à l’ouest du Kenya et au nord de la Tanzanie, en récoltent des quantités considérables.
Comment ? En agitant des assiettes humides, des casseroles ou des entonnoirs enduits d’huile dans les airs, pour que les insectes s’y collent. À force de gesticulations, ils en réunissent assez pour confectionner des galettes, fumées ou grillées au barbecue… Parfait pour un burger goût 100 % local.
Au Malawi (en Afrique Australe), le kungu, similaire, est fabriqué à partir d’éphémères.
Les fromages qui puent – Angleterre, Sardaigne
Avec plus de 1 200 variétés de fromages répertoriées, la France ne manque ni de saveurs dans ce rayon, ni d’odeurs puissantes… Chez nos voisins européens, c’est souvent un peu pareil.
Même les Anglais, pas particulièrement réputés en la matière, ont leur stinking bishop, cet « évêque qui pue » aux émanations cadavériques – confirment les légistes. Carrément bizarre : le su callu sarde, un « fromage » constitué d’un estomac de chevreau plein de lait maternel non digéré, prélevé intégralement, salé et séché… En bouche, c’est poudreux, gras, un peu piquant, avec des relents de lait et d’ammoniaque.
Il y a pire : le casu marzu (« fromage pourri »), sarde lui aussi, interdit de vente en raison de sa dangerosité… Un pecorino sciemment évidé pour que les mouches puissent y pondre et leurs larves s’y développer… et participer ainsi à l’affinage ! Mieux vaut les écarter avant de tartiner la pâte ainsi transformée (molle pour ne pas dire visqueuse) : les bestioles peuvent survivre dans l’estomac et percer les intestins ! Sans aller jusqu’à appeler Einstein en renfort, voilà de quoi renforcer la théorie de la relativité (des habitudes et des opinions).
Le durian, le fruit qui pue – Chine et Asie du Sud-Est
Ceux qui ont voyagé en Asie du Sud-Est ont eu l’occasion de voir ces drôles de panneaux représentant un fruit barré d’un trait rouge : durian interdit dans l’ascenseur, le métro, le taxi, à l’hôtel et dans tout espace clos…
S’ils aiment son goût, les Singapouriens, Malais, Indonésiens, Thaïs et Chinois sont bien conscients de l’odeur exécrable que dégage le « roi des fruits » lorsqu’il est mûr – entre oignon concentré, fromage trop fait et relents de poubelle.
Ovoïde, pesant jusqu’à 5 kilos, dardé de gros piquants, il renferme une chair blanche crémeuse, assez gluante, presque grasse et légèrement acidulée. On la mange rarement à la petite cuillère, mais elle accompagne le riz gluant et entre dans la composition de nombreux gâteaux, confitures, mousses et même glaces.
Malgré ses supposés bienfaits, le durian est riche en matières grasses et incompatible avec l’alcool… Un fruit à consommer avec modération.
Le gomutra : l’urine de vache qui fait du bien – Inde
En Inde, McDo a dû s’adapter : pas de hamburgers dans les filiales locales, rien que des sandwichs au poulet. Ici, la vache est bien trop sacrée. Dans la plupart des États, des lois interdisent qu’on y touche, ou même qu’on les vende (les buffles faisant exception). En Inde, seuls les non-Hindous et certains intouchables en mangent – un signe, veulent croire les plus hautes castes, de leur caractère sacrilège…
Un produit met toutefois la plupart des Indiens d’accord : le gomutra. Une panacée de la médecine ayurvédique réputée guérir obésité, maladies de peau, problèmes de foie… et même lèpre et cancers. Rien d’autre que de l’urine de vache, en fait. La croyance en son action bénéfique est telle que le gouvernement a proposé de l’utiliser pour nettoyer les sols des administrations.
Pénis à toutes les sauces – Chine
Lequel est le plus puissant ? Pénis de phoque ? Pénis de daim ?De chien ? Pas trop sûrs, les Cantonais ont pris les trois, les ont glissés dans une bouteille et noyés d’alcool de riz. Rien de mieux pour la virilité… à condition de réussir à ingurgiter le breuvage, à l’arrière-goût de vinaigre et de porto décrépit.
Partout à travers le monde, ou presque, l’attribut mâle est associé à la force et à l’énergie. Taureau, buffle, yak… en Asie, tous les bovidés y passent.
À Pékin, un resto ne servait même que ça : des pénis à toutes les sauces, de cheval, d’âne, de chien, de chevreuil, de chèvre, de serpent… Filandreux, cartilagineux, pas facile à mâcher et pas franchement bon. Quant à l’effet supposé, il tient surtout de la psychologie… Alternative (in)acceptable, le pénis de mer est un ver de sable long de 10 à 30 cm, consommé dans l’est de la Chine (en fricassée ou ravioli) et en Corée (cru).
Rats pour tous les goûts – Asie et Afrique
Il dégoûte beaucoup de monde, mais pas tout le monde. En Asie, on mange du rat. Toutes sortes de rats, aux goûts variant selon les espèces – notes de lapin ou de poulet, en plus fort. Les Vietnamiens en sont friands, surtout dans le delta du Mékong, où prospèrent des rats de rizières bien juteux. Idem au Cambodge.
En Inde, les Adis de l’Arunachal Pradesh ne jurent que par lui. Leur rat est un mets de choix, offert aux invités et aux parents de la mariée. On en donne même aux enfants, qui adorent croquer les pattes et la queue !
En Chine, sous la dynastie Tang, on mangeait les bébés rats trempés dans le miel. Aujourd’hui encore, on les plonge dans l’alcool de riz (vivants !) pour fabriquer du « vin de souris ». Un tonique au goût d’essence et de cadavre mêlés ! Revigorant.
Les rats des champs de canne à sucre camerounais et nigérians ont, eux, un goût plus proche du porc. Là encore, il s’agit plutôt d’un plat de fête, plus cher que le poulet ou que le bœuf.
Le chien, meilleur ami même cuit – Asie, Pacifique, Afrique, Suisse
Les canidés finissent assez rarement à la casserole. Sauf en Chine, où la viande de chien a son festival – à Yulin, dans le Guangxi. Sauf au Vietnam, le plus grand consommateur de canidés au monde (5 millions par an, sans doute). Là-bas aussi, le chien est mis à toutes les sauces : barbecue, braisé, en ragoût, en cassolette, en soupe et même à la croque, épicé, sur des bâtonnets vendus dans la rue.
Quel goût ? Puissant. Entre le bœuf et le mouton. Proche du kangourou, disent les Australiens, sauf quand l’animal, abattu dans de mauvaises conditions, a des relents d’amertume (dus à l’adrénaline). En plus gras, tout de même. On le sait moins, mais on mange aussi du chien en Corée du Sud (la pratique se perd), dans le Pacifique, au Nigéria (où sa viande est réputée améliorer la libido…) et, confidentiellement, dans les fermes des cantons suisses d’Appenzell et de St-Gall !
Le pani câ mèusa, tout en abats – Sicile
Dans la plupart des pays européens, les abats sont passés de mode. Pas en Sicile, où, chaque matin, dans les ruelles entourant le truculent marché palermitain de la Vucciria, les habitués commandent leur pani câ mèusa. Un bon petit sandwich de rate de veau frite au saindoux et de poumon haché (voire de trachée) dans un pain rond au sésame, d’origine médiévale. Certains le préfèrent agrémenté de fromage (ricotta ou caciocavallo) : dans ce cas, on dira que le pani câ mèusa est maritatu (marié) !
Cette spécialité est principalement proposée par des vendeurs de rue (les meusaru) qui se déplacent avec leur marmite pleine de saindoux bouillant et préparent les sandwichs à la commande.
La chauve-souris, ça se mange aussi ! – Asie-Pacifique
Où ça ? En Asie, pardi –mais aussi dans de nombreuses îles du Pacifique et jusque dans le Top End australien (où elles sont appréciées des Aborigènes). Le plus dur, c’est presque de les attraper.
Pour passer à la casserole, la roussette est la meilleure candidate. Sachant qu’elle mange exclusivement des fruits, on s’étonne presque de lui trouver un goût de poulet. Et tant pis si, à la cuisson, elle empeste l’urine. De l’ail, du piment, un peu de bière peut-être et le problème est réglé.
La chauve-souris est polyvalente : soupe, ragoût, barbecue, currys, fricassée, tout marche avec elle. À certains endroits, on les frit même entières et on mange le tout, ailes incluses. Reste juste à se souvenir que les chiroptères sont l’un des principaux vecteurs des maladies comme le SRAS et les coronavirus…
Les vers mopane, à conserver – Afrique australe
Ce sont de grooosses chenilles. Mesurant presque la taille d’un doigt pour une épaisseur de petit cigare, elles se métamorphosent en empereur, un grand papillon nocturne qui atteint 12 cm d’envergure. Friandes de feuilles du mopane (d’où leur nom), elles sont récoltées à travers toute l’Afrique australe, où elles fournissent un apport non négligeable en protéines.
Pas difficile à préparer : une fois vidés d’un doigt expert, les mopani sont séchés pour être consommés en snack, frits ou bouillis avec tomates et ail pour un vrai repas. Assurément salés, ils rappellent la pomme de terre en plus végétal. Et comme tout le monde aime les chenilles, on les trouve même en boîtes de conserve !
Les espèces menacées : à éviter
« Les Cantonais mangent tout ce qui a quatre pattes sauf les tables, tout ce qui vole sauf les avions et tout ce qui nage sauf les bateaux », dit peu ou prou le proverbe… Une balade sur le marché de Canton en dit long à cet effet – où, au milieu des poules et des canards, serpents, pangolins et chats sauvages en cage attendent de passer à la casserole.
Pour tout enquêteur du Routard et tout humain normalement constitué, une seule règle : refuser de croquer les espèces menacées et abattues cruellement. Pas de steak de baleine à bord des navires de croisière explorant le Spitzberg (du phoque, oui). Pas d’œufs de tortue au Costa Rica. Pas de viandes de brousse en Afrique centrale et, en Chine, pas de salamandre géante ni de cervelle de singe (jadis mangée sur l’animal encore vivant…). Plus de thon rouge non plus. Le plaisir et la curiosité doivent avoir leurs limites.
Évidemment, il existait de nombreux autres candidats pour cet article. N’hésitez pas à nous faire part de vos trouvailles culinaires extravagantes. Et si vous êtes au régime, relisez donc ce texte une deuxième fois. Vous ne devriez pas avoir trop faim d’ici demain !
À voir : le Disgusting Food Museum de Malmö
Inauguré en 2018 au centre de Malmö (Suède), le Disgusting Food Museums’est donné pour mission de présenter certaines des préparations culinaires les plus improbables du monde. Après avoir parcouru l’exposition (incluant un exemplaire de chaque spécialité décrite), on peut s’accouder au bar pour essayer, en toute connaissance de cause, une vingtaine de « mets » plus ou moins (in)appétissants – et même affronter les sauces épicées les plus puissantes au monde, qui font tourner la tête en un clin d’œil. Les plus téméraires pourront cocher toutes les cases du Disgusting Bingo et les autres ajouteront leur vomi au décompte des milliers d’autres qui les ont précédés depuis l’ouverture du musée…
5 questions à Andreas Ahrens, son directeur :
• Andreas, pourquoi avoir choisi d’ouvrir ce musée ?
Après avoir goûté au balut aux Philippines. Je n’ai pas pu m’empêcher de le recracher et de dégobiller. Pas le pire de tout ce que j’ai essayé par la suite, mais dans le Top 5.
• Comment avez-vous sélectionné les 80 produits que vous présentez ?
Nous avons commencé par dresser une liste de près de 400 différentes nourritures vraiment bizarres à travers le monde. Nous en avons essayé le plus possible, puis réduit la sélection à celles qui nous ont le plus surpris en termes d’apparence, d’odeur, de goût, de texture – et de méthode de fabrication, aussi. Cela nous a obligés à remettre en perspective nos propres goûts en tant que Suédois et nos biais culturels, pour éviter de sélectionner les produits uniquement en fonction d’un point de vue eurocentrique. Plein de visiteurs lointains sont par exemple totalement dégoûtés par le steak tartare et le roquefort ! Pour eux, les traces verdâtres de Penicillium roqueforti sont un vrai repoussoir.
• Des étrangetés dont vous êtes devenu friand ?
Beaucoup, oui. Le durian par exemple. Je l’avais goûté une ou deux fois avant lors de voyages en Asie, sans y prêter trop d’attention mais, maintenant, je l’adore ! J’aime bien certains insectes aussi, comme le ver de Thaïlande ou d’Afrique de l’Ouest. Crémeux et au léger goût de noisette. Et puis bien sûr, il y a les produits scandinaves qui peuvent surprendre mais qui sont une évidence ici, comme le salmiak, la réglisse salée, ou le caviar d’œufs de cabillaud en tube (une sorte de tarama extrêmement salé).
• Des dégoûts absolus ?
Dans l’exposition, au début, nous présentions un vin encore parfois fabriqué plus ou moins clandestinement en Corée à partir d’excréments d’enfants (de moins de 6 ans !), d’herbes médicinales, voire d’os de chat – le ttongsul. J’ai essayé d’en fabriquer moi-même avec les selles de ma plus jeune fille mais, vraiment, je n’ai jamais pu me résoudre à y goûter…