Roulottes, tipis ou yourtes, tonneaux, igloos, bulles et « nids » suspendus, cabanes dans les arbres ou sur l’eau, péniches… les hébergements insolites n’ont jamais été autant à la mode. Et s’il y avait plus fou, encore ? Petite sélection d’adresses vraiment exceptionnelles pour passer une nuit « pas comme les autres », d’un bout à l’autre de la planète.
Les Américains adorent les hôtels à thème. À San Luis Obispo, tout près du Pacifique, le Madonna Inn, grand-père du genre, a été lancé dès 1958, avant de s’agrandir graduellement face à l’engouement (passant de 12 à 110 chambres).
La recette de son succès ? Des décors au kitsch ravageur, mêlant or et pourpre, miroirs et mobilier dorés à la française, effets boudoir et ambiances grotte. La steakhouse maison (très lambda côté assiette) n’est pas en reste : rose bonbon de la tête aux pieds, relevé d’or, là encore !
Dans la chaîne des Catskill (État de New York), le Roxbury Motel est au moins aussi imaginatif (et plus confortable) : chambres citrouille d’Halloween, temple maya ou décor meringue…
Bientôt centenaire, le parc à caravanes Shady Dell fondé en 1927 sur le bord de la Highway 80, à Bisbee, une ville minière quasi-fantôme du sud de l’Arizona, invite à un joli petit voyage dans le temps.
On y passe la nuit dans l’une des 15 caravanes vintage aux angles doucement arrondis de la fin des années 1940 et 1950, retapées dans leur style d’origine – avec douche à bord ou partagée, à terre. L’Airstream étincelante, le look Art déco tout en bois de bouleau de la Hollywood, et la moquette léopard de la Royal Mansion font fureur. Pas de coffee machine comme dans un motel lambda, mais un authentique percolateur pour chacun – et, quand la faim vient, le Dot’s Diner tout aussi rétro.
Plus proche de nous, à Berlin, le Hüttenpalast joue sur le même thème avec ses petites caravanes est-allemandes, installées dans une ancienne usine d’aspirateurs d’un quartier populaire !
Pour y accéder, vous devrez d’abord passer votre brevet de plongée ! À 6,40 m sous la surface, le Jule’s Undersea Lodge (allusion à Jules Verne) est l’un des plus anciens hôtels « originaux » de la planète, inauguré dès 1986. Du sérieux : à l’origine, il s’agissait d’un labo de recherche immergé sur le plateau continental au large de Porto Rico !
Situé à Key Largo, la plus septentrionale des îles des Keys, à une bonne heure au sud de Miami, il comporte uniquement deux « chambres » capsules très rétro, avec fenêtre hublot donnant sur les eaux un peu troubles de la mangrove – où passent parfois quelques poissons. L’accès se fait par une trappe et les bagages sont transférés dans des « valises » étanches – tout comme pizzas et gâteaux d’anniversaires, vendus au prix de l’or !
Claustrophobes, n’y pensez même pas. En cale sèche au site historique maritime de la Pointe-au-Père, à Rimouski (au tout début de la Gaspésie), le navire canadien de Sa Majesté Onondaga se visite dans la journée comme un musée.
L’occasion, déjà, de ressentir l’étroitesse de l’espace (8 m de large !) malgré ses 90 m de long. Mis en service en 1967 en pleine guerre froide, retraité en l’an 2000, il a parcouru presque 1 million de kilomètres sous les mers du globe, avec 70 membres d’équipage à son bord.
Pour un avant-goût de leur quotidien, il est possible, l’été, d’y passer la nuit sur une des (très) étroites couchettes – dans le carré des matelots, des maîtres, des officiers ou… du capitaine. Duvet et oreiller obligatoires pour chacun des 15 participants (9 ans minimum).
Ambiance Out of Africa. Aux portes de Nairobi, la capitale kenyane, le Giraffe Manor est une superbe demeure édifiée en 1932 par un planteur britannique sur le modèle d’un manoir écossais.
Au début des années 1970, un couple de conservationnistes américains le rachètent et se lancent dans un projet peu banal : en faire un sanctuaire pour la protection de la rare girafe de Rothschild. Un succès. L’histoire devient film et la propriété se met à accueillir du public – écoles locales, mais aussi hôtes payants.
Le lieu, baignant dans une douce atmosphère rétro (notamment dans la suite Karen Blixen), est désormais géré par un groupe hôtelier, mais la tradition n’a pas changé : au petit déjeuner, les girafes s’invitent invariablement à la table pour une gâterie, passant la tête par la fenêtre…
Aux quatre coins du globe, pas mal d’hostels et même d’hôtels se sont installés dans d’anciennes prisons, plus ou moins remodelées. Mais aucun n’arrive à la cheville de la centrale de Karosta, dans le port de Liepaja, sur la Baltique. Un lugubre bâtiment de briques rouges cerné de barbelés (hanté, dit-on !) utilisé par le régime soviétique pour mettre à l’ombre les ennemis du peuple – finalement fermé en 1997.
Formulaire de décharge signé, on se retrouve nez au mur, mains derrière le dos, cornaqué par un garde-chiourme bedonnant en kaki. L’expérience est « authentique », vous dira-t-on. L’interrogatoire. Les brimades. La fine paillasse. La porte métallique du cachot qui se referme lourdement. Et le garde qui vocifère, en pleine nuit, et vous propulse au pas de course dans le couloir.
Maigre réconfort : au matin, on choisit entre le petit déj pour bagnard de base (porridge) ou celui pour officier, avec œufs et saucisse… Un sacré jeu de rôles, pas toujours drôle.
On n’y pense pas tous les jours, mais plusieurs lieux à travers la planète permettent de dormir à bord d’un avion. Le plus gros de tous est stationné devant l’aéroport Arlanda de Stockholm : un vieux Boeing 747 de réforme, qui vola jadis sous les couleurs de la PanAm et de Singapore Airlines, devenu le Jumbo Stay !
Les 450 sièges ont cédé la place à 33 chambres aux prix très abordables (compter 40 € le lit en dortoir de 4 personnes). La plupart ont droit à un espace de rangement : les coffres à bagages réemployés ! Certaines ont même été aménagées dans les réacteurs !
Le must ? La double du cockpit, avec douche privée à l’italienne, boutons et manettes à gogo. Authorized personnel only, dit l’inscription sur la porte…
L’originalité coûte souvent cher, mais pas toujours… Aux portes de la ville autrichienne de Linz, à seulement quelques enjambées du Danube, Das Park Hotel se résume à trois chambres aménagées… dans des sections de conduites d’égouts en béton !
Rassurez-vous, elles ne sont pas enfouies sous terre, mais juste posées sur un champ, avec un petit puits de lumière. Longueur : 2,6 m. Diamètre : 2 m.
L’espace, fort réduit, permet à peine d’y faire tenir une estrade surmontée d’un matelas, avec lampe de chevet et petits rangements. Toilettes et douches sont communes. Minimaliste mais très économique… on paie ce qu’on veut ! Il existe deux autres Park Hotels similaires en Allemagne.
Aux portes de la citadelle de Port-Louis, gardant la rade de Lorient depuis l’époque de la Compagnie des Indes, le phare de Kerbel s’en distingue. Ici, on dort (aussi) en lieu et place de l’ancienne lentille déposée, 25 m au-dessus du sol ! Le studio ainsi constitué dispose même d’une salle de bains complète, d’une kitchenette, du chauffage et de la clim. Pour accéder à sa couche, néanmoins, un petit effort est nécessaire : il faut d’abord s’enquiller 126 marches…
Mieux vaut arriver avant la nuit pour profiter de la spectaculaire vue à 360° se révélant à travers la rotonde vitrée. S’il fait beau, on peut même prendre le thé à l’extérieur, regard tourné vers Belle-Île.
Celui-là, il fallait l’inventer… Le Faralda est un micro-hôtel de trois chambres aménagées tout en haut d’une ancienne grue de chargement, sur le port d’Amsterdam !
Pour réussir à la meubler, il a fallu la démonter, puis la remonter. On ne parle pas ici de piaules lambda, mais de suites grand confort très lookées sur des tonalités baroques, pour un week-end romantique un peu décalé – entre paon empaillé et luminaires hippies, alcôve secrète aux murs de béton brut et baignoire argentée.
En prime : un jacuzzi en « terrasse » pour un bain de minuit face à la skyline illuminée de la ville et, à quelques pas, le très cool Pilek, tout en containers de récup’, pour prolonger la soirée ou profiter de sa plagette by day.
Voilà rien de moins que l’hôtel le plus haut perché d’Europe : 3 212 m d’altitude. Un refuge de luxe survolant le cœur des Alpes, au-dessus de la station italienne de Maso Corto, dans le Südtirol germanophone, à quelques mètres de la frontière autrichienne.
Arrimé juste en contrebas du sommet de l’Iceman Ötzi Peak, au-dessus du glacier de Schnalstaler, le Grawand est directement accessible par un téléphérique – même si certains, l’été, préfèrent grimper par un sentier fort aérien sur la fin, aidés de quelques mains courantes. Le décor est sobre : bois clair et lignes épurées. L’essentiel se découvre par les vastes fenêtres : le panorama.
Pas besoin d’aller loin pour chausser les lattes ; tracées à même la surface du glacier, les pistes (bleus et rouges) débutent à quelques mètres.
Voilà bien longtemps que la vénérable gare de Białowieża (1903), perdue au fin fond de la forêt profonde du plus ancien parc national polonais – tout contre la frontière biélorusse –, n’a pas vu de train.
Chênes et pins gigantesques, derniers bisons sauvages d’Europe, champignons à foison, petites maisons et églises en bois, le coin exsude un charme sévère. Les rois de Pologne et les tsars aimaient à y chasser. Au restaurant de Carska, débordant jusque sur les voies l’été, on cultive la nostalgie de ces jours autour de blinis aux œufs de saumon, de pirojki et d’esturgeon.
Le château d’eau voisin a été réaménagé en appartements « impériaux », avec bania (le sauna à bois russe), mais c’est avant tout pour dormir dans les vieux wagons oubliés sur les rails que l’on vient. Nicolas II a ronflé, jadis, dans ce décor fastueux de tentures cramoisies et de lourd mobilier.
Inari, tout au nord de la Laponie. Par 68° 54’ de latitude nord, le plan d’eau baigne l’été dans l’intense lumière dorée du soleil de minuit. Et lorsque le kaamos (nuit polaire) s’abat, à l’automne, ce sont les danses des aurores boréales qui prennent le relais dans le ciel d’encre.
Pour bien les observer, il faut trouver une clairière ou, mieux, s’avancer sur les lacs englacés… au risque de geler sur pied. Esko a eu une idée : il a créé le Inari Lake Mobile Cabin en aménageant 8 cabanes en bois chauffées sur skis, qu’il tracte chaque soir sur le lac gelé avec sa motoneige, clients à bord.
Un nid douillet au lit moelleux, dans son alcôve de baies vitrées panoramiques. Aucun risque : sous les pieds s’accumulent jusqu’à 70 cm de glace en fin d’hiver.
Ne négligez pas le mot « aventure »… Le plus vertigineux des 15 hébergements de cette sélection, le Skylodge s’amarre à flanc de falaise, au-dessus de la Vallée sacrée d’Urubamba, aux portes de Cusco, l’ex-capitale inca.
Il comprend trois capsules vitrées oblongues arrimées à la paroi par des câbles, 400 m au-dessus du vide, façon nid de condor. À chacune un grand lit double (confortable), des couchettes additionnelles, de drôles de toilettes sèches et… une trappe dans le toit pour y accéder !
Parfait, mais comment monte-t-on ? Par une via ferrata multipliant échelles et mains courantes (1 h 30 d’effort). Le dîner est servi dans une bulle voisine elle aussi vitrée. On s’encorde pour y aller (by night !) comme pour prendre le petit déj, puis on redescend sur le plancher des vaches (des lamas, plutôt) par une succession de six tyroliennes ! Bon, pas donné quand même (du tout !)…
Les germanophones ont déjà compris. Il s’agit ici, ni plus ni moins, que de passer la nuit sur la paille… sans trop se ruiner (40 francs suisses pour les adultes, petit déj inclus) !
L’été, lorsque la trentaine de vaches de la ferme bio de Schiltenhof partent à l’alpage, la grange se transforme en dortoir, accueillant le même nombre de visiteurs, pour des nuitées parfumées par l’odeur du foin. On vient avec son sac de couchage, mais oreiller et couverture sont fournis, en cas de nuit fraîche.
Dans le viseur, au matin : les eaux d’un magnifique bleu turquoise laiteux du lac de Brienz, dans lequel se mirent les sommets des Alpes.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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