Nos 15 coins secrets des Canaries, à l’abri des foules
Les Canaries ne se résument pas aux grandes zones balnéaires, loin s’en faut.
Certaines des 7 îles principales vivent largement en marge du tourisme de masse et, même sur les plus fréquentées, il suffit souvent de quelques pas en dehors des sentiers battus pour tomber sur des perles à savourer en relative intimité. Suivez le guide…
Lanzarote, l’île blanche et noire marquée par l’empreinte de l’artiste César Manrique et les nombreux cônes volcaniques et coulées de lave qui jalonnent ses paysages assoiffés, ne manque assurément pas de caractère. Pour une plage sans partage, c’est déjà un peu moins évident… Et si on allait voir du côté de la Playa Quemada, sur la côte orientale ?
Deux brochettes de maisons toutes simples posées en retrait d’une « plage » de caillasse mi-noirâtre mi-rougeâtre. Pas bien doux aux pieds. Alors ? Une grimpette vers le point d’envol des parapentes, un raidillon et, 10 mn plus tard, les 300 m de sable anthracite de la Playa de la Arena se déroulent, en solitaire. Même au plus fort de la journée, on la partage rarement avec plus de quelques baigneurs — essentiellement nudistes.
Et si l’envie de vous dégourdir les jambes vous prend, d’étroites sentes aériennes filent vers le sud, offrant une succession de panoramas saisissants sur la côte bardée de falaises.
Sur GoogleMaps, au sud-ouest de Lanzarote, une inscription intrigue : piscinas naturales. Une route lancée sur la lave, aux portes de la station balnéaire de Playa Blanca, s’en approche avant de virer à la piste. Certains se garent et marchent (2 km), d’autres poursuivent à vitesse escargot, au risque de faire souffrir pneus et carrosserie.
Pas difficile de se repérer : il suffit de rejoindre le gros hôtel en ruines émergeant du néant, juste en retrait du littoral. Pas sexy, certes. Pourtant, à ses pieds, s’étendent d’exceptionnels bassins de marée creusés par le ressac dans le platier de basalte soulignant ici la côte. Quelques bains de pieds. Des vasques et des cuvettes rocheuses à l’eau limpide (mais fraîche). Et de vraies baignoires royales prenant à marée basse des airs turquoise de mers du Sud, à partager avec crabes et poissons. Les plus matinaux auront l’embarras du choix — et pourront même oublier le maillot de bain…
Où ? 5 km au sud de La Hoya
Lanzarote : les miradors Rincón de Haría et del Famara
Au nord de l’île, Haría joue les oasis avec ses « 10 000 » palmiers colonisant sa cuvette un peu plus fertile que le reste de l’île et sa longue place ombragée de grands lauriers d’Inde. Une belle escale d’où l’on s’élève doucement, à pied ou en voiture (courte piste), vers le mirador Rincón de Haría, amarré au revers des hautes falaises soulignant la côte nord-ouest de Lanzarote.
Sous les yeux, la baie de Famara, la favorite des amateurs de glisse, aux vents puissants, déroule plusieurs kilomètres de dunettes de sable doré très fin. Inaccessible d’ici, même si un vieux chemin à demi-effondré semble indiquer le contraire.
Du belvédère, une sente se hisse entre cailloux, poussière et euphorbes (ne pas toucher !), révélant rapidement, au large, l’étrave de l’île de La Graciosa. 20 à 25 mn d’ascension plus tard, le mirador del Famara est atteint. De là, 2 options : rebrousser chemin ou redescendre par le vallon griffé de quelques parcelles cultivées et de nombreux palmiers.
Où ? 3km à l’ouest de Haria et 28km au nord d’Arrecife
La Graciosa : la petite inconnue des Canaries
Sept îles habitées, les Canaries ? Non, huit. D’Orzola, on embarque (toutes les 30 mn à 1h) pour une courte croisière vers l’île voisine de La Graciosa, contournant les impressionnantes palissades de falaises de la pointe nord-ouest de Lanzarote.
Voilà un drôle de rafiot de lave et de cônes pétrifiés, plus sec encore que Lanzarote, balayé par le calima — le sirocco local, qui souffle devant les portes du petit port de Caleta de Sebo des monticules de sable fin. Pour y survivre, les rares arbustes se cachent ici entre les murs des ruelles. Pas de goudron nulle part, rien qu’un sol desséché, dont les habitants tentent malgré tout de tirer de maigres fruits (et légumes) à l’abri de palissades de planches ou de bâches. Un vrai défi.
Taxi 4x4, VTT ou randonnée à pied, à chacun de choisir pour rejoindre Las Conchas, sur la côte nord-ouest (à 5,3 km). Voilà l’une des plus belles plages des Canaries, au sable doré balayé par de forts rouleaux. S’il n’est guère question d’y faire trempette, vers le sud, la marée dévoile des petits bassins naturels bien plus propices à la baignade, en solitaire.
Où ? Au large de la côte nord de Lanzarote, 30mn de ferry d’Orzola (à partir de 28€ A/R)
Fuerteventura : Playa de la Barca
Semi-désertique, réputée pour les nombreuses plages jonchant son littoral oriental et les vagues de sa côte ouest, la grande Fuerteventura (la 2nde des Canaries par la taille) déroule presque autant de sable que toutes les autres îles canariennes réunies… noir, doré, presque blanc, plus épais ou fin, il y en a pour tous les goûts ! Alors, où tremper un orteil ?
Entre les grandes dunes de Corralejo (au nord) et les kilomètres sauvages de Cofete (au sud), fascinants mais dangereux pour la baignade, pourquoi ne pas mettre le cap sur les tapis d’arène dorée de Sotavento ? L’urbanisation, réduite, n’a pas entamé le charme de ce petit Sahara balayé par des vents puissants moissonnant le sable en tourbillons (effet peeling) et attirant une foule de kitesurfeurs.
Leur lieu de prédilection : la vaste lagune formée à marée basse face à la Playa de la Barca, aux délicieuses effluves turquoise. Quand brises et alizés tombent, le lieu se transforme en baignoire XXL pour les familles.
Où ? Tout au sud de l’île, à 80km de Puerto del Rosario.
Juste derrière, la mer assaille le littoral de lave de ses rouleaux. Mais à l’abri du (petit) rempart de rochers, on flotte sereinement à la surface de bassins de marée aux eaux oscillant selon la luminosité entre vert, turquoise et menthe à l’eau…
Incroyables Aguas Verdes. Ici comme aux Charcones de Lanzarote, le ressac a longuement ciselé la côte rocheuse, creusant au fil du temps de délicieuses piscines naturelles, non aménagées. C’est au plus bas de la marée basse qu’il faut venir pour profiter sans risque des eaux fraîchement renouvelées (gros coefficient préférable) — et plier bagage dès que les premières vagues du jusant menacent.
Le plus long bassin, effilé comme un trait d’eau, s’étire sur une trentaine de mètres ! On y accède à travers la rocaille depuis la petite Playa del Valle (Santa Inès). Un must ? Masque et palmes pour observer poissons et crabes.
Où ? Sur la côte occidentale, à 37km à l’ouest de Puerto del Rosario
On l’appelle aussi « le ravin des amoureux ». Une étroite faille à hauteur d’homme, sinueuse, ciselée et sculptée par le vent dans les dépôts marins agglomérés des Montañas de las Blancas, au nord-ouest de Fuerteventura, près du village d’Esquinzo.
Parois comme fondues ou truffées d’alvéoles (petites et grandes), micro-arches, lit de sable et croûte de pierrailles, ce labyrinthe minéral émerge d’un néant écrasé de chaleur — à parcourir de préférence en fin de journée, au soleil déclinant, lorsque les teintes mordorées du couchant soulignent les formations.
Au sol, parfois, des escargots marins témoignent des mouvements géologiques. Quelques rares plantes s’agrippent, rêvant de gouttes d’eau, tandis que, sur les hauteurs, les blocs isolés, dressés tels des îlots-citadelles au-dessus de vagues de sable fin ridées par le sirocco, semblent des cathédrales aux ombres longues.
Où ? Au nord-est de Fuerteventura, à 232km de Puerto del Rosario
Gran Canaria : le Barranco de Barafonso (Barranco de Las Vacas)
Pas (encore) de panneau, mais déjà pas mal de photos circulant sur les réseaux sociaux… D’Agüimes, bourgade endormie au joli centre ancien, la petite route GC-550 tourbillonne au fil de la pente dans un paysage de contreforts désolés — direction Temisas.
À 3,5 km de la sortie du bourg, le ruban de goudron s’infiltre dans un profond ravin d’où n’émerge que rarement le bruit de l’eau : tel un oued nord-africain, le torrent de Las Vacas ne se forme que lors de pluies épisodiques. On se gare sur le bas-côté (2 places) ou, une fois remonté sur la berge opposée, sur un terre-plein caillouteux que seule la logique signale — plus, en saison, une file de voitures sauvagement garées sur le flanc pourtant étroit de la route.
Il faut franchir la rambarde de sécurité et glisser jusqu’au pont, puis passer dessous pour trouver le plus beau de la gorge, en amont (à moins de 5 mn de marche). Un canyon-fente, qui se dessine et s’étrécit rapidement, jusqu’à former un cul-de-sac.
Sa spécificité ? Des parois stratifiées hautes de 6-7 m, lissées par les crues épisodiques, façon Ouest américain.
Où ? 15 km à l’ouest de l’aéroport de Grande Canarie et à 37km au sud-est de Las Palmas
Tenerife : le parc rural de Teno
La plus grande et la plus visitée des Canaries, Tenerifen’est évidemment pas celle qui présente le plus de lieux secrets. Mais si sa côte sud est largement colonisée par le béton, le nord, enturbanné de falaises et de laurisylve, est bien plus authentique.
Au nord-ouest, le parc rural de Teno s’adosse aux plus hautes falaises de l’île, Los Gigantes, atteignant 600 m de haut — jadis surnommées « la muraille de l’enfer ». On ne s’en approche qu’en bateau, ou en bus de ligne (voitures interdites) par la route équilibriste dévalant de Buenavista del Norte à la Punta de Teno, une étroite péninsule survolant l’océan, coiffée d’un phare strié de rouge et blanc.
Le parc en lui-même, traversé par un autre ruban de goudron large comme un gros balcon, présente des paysages vertigineux tout aussi impressionnants, piquetés de quelques hameaux. Le plus connu, Masca, arrime son bouquet de maisons et ses ruelles empierrées autour d’une crête venteuse surplombant un profond ravin. Un sentier échevelé s’y enfonce (accès sur résa). Au bout : une petite plage de galets.
Où ? Au nord-ouest de Tenerife, à 76km de Santa Cruz et 40km au nord de Los Cristianos.
Tenerife : le massif d’Anaga et ses plages
Restons sur la côte nord de Tenerife. Tout au nord-est, précisément, là où les monts Anaga sont recouverts de pans entiers de laurisylve — cette splendide forêt native aux arbres enguirlandés de mousses, qui surplombe des vallées profondes comme taillées à la serpe dans la montagne. La zone, classée parc rural, a également été désignée Réserve de la Biosphère par l’Unesco.
On y randonne à souhait, notamment pour dévaler vers la gentille bourgade deTaganana, aux maisons blanches empilées au fil de ruelles parfois raides comme des toboggans !
Juste à l’est, se détachent deux plages au sable anthracite, veillées chacune par leur propre brochette de casas blancas : El Roque de las Bodegas, puis Almáciga. Plus avant, Benijo, joliment veillée par quelques îlots volcaniques, est quasi vierge (et nudiste).
La route, de plus en plus étroite, se perd au-delà dans des paysages intensément solitaires, où s’amarrent encore, de loin en loin, quelques maisons et un dernier hameau oublié, El Draguillo.
Où ? Au nord de l’île à 25km de Santa Cruz de Tenerife
La Gomera : l’ermitage de Lourdes
Parmi les plus petites îles des Canaries et les plus accidentées (ce qui n’est pas peu dire), La Gomerase distingue des autres par l’importance de sa forêt native perchée au-dessus des cultures en terrasse de ses vallées profondes.
Protégée par le parc national de Garajonay (classé au Patrimoine mondial), cette laurisylve, subtropicale et alimentée par les brumes portées par les alizés, est principalement composée de fougères et d’arbres endémiques de la famille des lauriers — atteignant ici jusqu’à 30, voire 40 m de hauteur !
Du caserío (hameau) d’El Cedro, caché dans le repli d’un vallon élevé, plusieurs sentiers s’infiltrent dans cette forêt de contes de fée, drapée de mousses aux longues barbes.
Remontant le barranco (ravin) en longeant l’unique torrent permanent de l’île, l’un d’eux rejoint la chapelle de Lourdes, discrètement noyée dans la forêt. Un bien joli but de promenade, où une source semble sourdre directement d’un arbre vivant…
Où ? Au centre de l’île, à une vingtaine de km à l’ouest de San Sebastian de La Gomera.
La Gomera : Ambrosio
Aucune route ne permet de faire le tour de l’île. Incroyablement accidentée, toute en virages et vertiges, La Gomera se découvre ainsi en montant et redescendant sans cesse, entre hauteurs centrales boisées du parc national de Garajonay et vallées discrètes plantées de palmiers (l’île en compterait 100 000 !), où se cachent hameaux et villages.
Au nord-ouest, la bourgade agricole de Vallehermoso a ainsi grandi au confluent de plusieurs vallées étroites adossées aux contreforts montagneux nappés de laurisylve, aux maisons agrippées au fil de la pente, entre potagers et terrasses plantées de dattiers, d’agrumes et de néfliers du Japon.
Passé le lac de barrage de la Encantadora, tout au bout d’une route à voie unique contorsionniste et un peu équilibriste, Ambrosio défie le temps, avec ses quelques maisons de pierre de lave comme on n’en fait plus.
Dans les années 1990, retapant les ruines, des Robinsons suisses et quelques familles allemandes en ont fait une communauté ne jurant que par le bio et la permaculture, avec eau à volonté et école de fortune. Ils sont toujours là, dans leur petit coin de paradis heureusement oublié du monde.
Où ? Au nord de l’île, à 1h de route de San Sebastian
Si les falaises sont partout chez elles à La Palma, les plus hautes se dressent au nord-ouest de l’île, du côté de Tijarafe. Comment faire pour rejoindre la mer quand on crèche au sommet ? Les habitants du coin, sans doute insensibles au vertige, ont aménagé un chemin qui plonge dru vers l’océan avant de zigzaguer follement à flanc de parois.
La modernité y a amené le goudron et, aujourd’hui, les curieux affrontent cette diabolique descente en se demandant s’ils réussiront à croiser les véhicules venant en face, à faire demi-tour au bout et même simplement à remonter (pas garanti s’il a plu, avec une petite voiture !).
Mais pourquoi dévaler ces 600 m de vide ? Pour découvrir, à 10 mn du petit parking final (ouf !), Poris de Candelaria : une douzaine de cabanons de pêcheurs nichés sous l’auvent d’une grotte marine, face à une anse limpide où la mer n’est pas toujours turquoise.
Le week-end, les locaux viennent y faire relâche autour d’un barbecue de poisson dans une ambiance 100 % familiale. Une belle tranche de vie… mais qui voit se multiplier les véhicules sur la route !
Où ? Sur la côte occidentale de l’île, à 51km à l’ouest de Santa Cruz de La Palma
Au nord-ouest de La Palma, la vaste commune de Garafía, fort peu peuplée, se partage entre hauteurs couvertes d’amandiers (en fleurs début février) et pentes raides dégringolant vers la mer, couvertes d’euphorbes géantes. Santo Domingo y cale sa vénérable église blanche face à une longue place plantée de neuf palmiers corpulents.
De là, une route étroite plonge vers le cimetière, puis tortillonne jusqu’à un parking en cul-de-sac survolant des falaises et le formidable Roque de las Tabaidas, percé d’une arche.
Mieux vaut être bien chaussé pour emprunter, ensuite, la sente aérienne dévalant jusqu’au Puertito de Santo Domingo. Pas vraiment de port, même petit, non, mais une collection de cahutes et de maisonnettes agrippées au rocher, au-dessus des rouleaux souvent furieux de l’Atlantique.
Les habitués viennent y buller en fin de semaine, devant un barbecue de poissons grillés — face au panorama d’un second îlot volcanique, autour duquel la marée s’enroule puissamment. Secret dans le secret : à marée très basse, une baignoire naturelle se dévoile dans les rochers (à fuir dès que le vent forcit).
Où ? Au nord-ouest de l’île, à 71km de Santa Cruz de La Palma
El Hierro : El Sabinar
Faut-il vraiment chercher un lieu secret sur cette île déjà elle-même située hors des sentiers battus ? À l’extrémité sud-ouest de l’archipel canarien, loin de tout, El Hierro est la plus lointaine, la plus sauvage, la plus rustique des Canaries. Un monument naturel composé d’un demi-volcan assoupi, dont la partie nord semble s’être effondrée d’un coup dans l’océan, laissant un amphithéâtre béant aux falaises stratosphériques.
Plein ouest, à La Dehesa, une route tortueuse à souhait s’infiltre entre coulées de lave pétrifiées et falaises ocre rouge grumeleuses, pour se hisser à grand renfort d’épingles à cheveux jusqu’à l’ermitage blanc de Nuestra Señora de los Reyes, planté en solitaire aux portes des étendues sauvages d’El Sabinar.
Pas âme qui vive ici en dehors de rares bergers, mais de fantastiques sabinas se contorsionnant au plus près du sol, aux troncs tordus par le souffle des alizés — colorés au couchant de teintes mordorées superbes.
Où ? A l’ouest d’El Hierro, à 37km de Villa de Valverde