L'aventure d'une famille nombreuse autour de l'Atlantique à bord du Beluga
Nous avons repéré cette aventure sur le site de crowdfunding Ulule. Ce Club des cinq a décidé de réaliser une transatlantique en septembre 2017. Une avarie immobilise le voilier actuellement, un crowdfunding est en cours pour les aider à terminer ce périple solidaire. On vous présente les capitaines et leurs moussaillons.
Pouvez-vous présenter votre projet de voyage et votre famille ?
Nous sommes une famille de cinq... Jean-Sam, couvreur, fan de calembours et habile de ses mains. Malo, qui a bientôt 13 ans, Marjane qui en aura bientôt 11, et Fanch qui vient juste d'en avoir 9. Tous amoureux de Lego® et de grand air. Et Sabine, instit', et dingue de frometons entre autres.
Notre projet était de partir pendant deux ans en famille sur un voilier. En collaboration avec des écoles du Finistère et l'association L'île aux enfants d'Haïti de Saint-Brieuc, nous montons un projet avec un orphelinat de l’Île-à-Vache à Haïti. Nos cales étaient pleines de matériel scolaire, de chaussures et de vivres.
Nous voulions aussi partir sans support de jeux vidéos pour les enfants.
Notre programme de navigation était globalement défini : un tour antihoraire de l'Amérique latine (Antilles, Panama, Patagonie, Brésil, Guyane) avant de rentrer en France. Mais les aléas du voyage – et peut-être plus encore du voyage en bateau – ont modifié notre route, nous menant jusqu'aux latitudes de Terre-Neuve.
Pourquoi se lancer dans une telle aventure : une transatlantique en famille ?
Nous, parents, nous sommes rencontrés sur les côtes bretonnes, dans une école de voile. Les chemins que nous avons pris nous ont peu à peu éloignés de l'Atlantique. Mais il était finalement toujours un peu là, en nous. Les enfants ont grandi, tandis que nous leur remplissions les oreilles de récits de mer.
Il nous semblait primordial que ces récits deviennent réalité et expérience commune, plutôt que de rester des légendes familiales ressassées ! Un voyage en voilier s'est imposé. Nous avions envie de faire découvrir l'univers de la mer à nos enfants... Rien de mieux qu'une transat pour entrer dans les rythmes qu'impose la vie sur l'eau, ses silences et ses temps forts ! On avait envie de voir le regard de nos enfants se perdre dans la houle et ses écumes.
Comment votre entourage personnel et professionnel a-t-il réagi ?
Les réactions étaient globalement positives, même si certains ajoutaient « Je ne sais pas comment vous faites ! Je ne pourrais jamais... ». Le départ était déjà quelque chose, mais notre départ impliquait la vente de notre maison. C'est surtout ça qui a surpris notre entourage. Les anxieux ont poliment rangé leurs angoisses au placard. De toute façon, ce genre de décision implique questionnements et incertitudes intérieures.
Une aventure de cette sorte se prépare combien de temps à l’avance ? Quels ont été les préparatifs pour mener à bien votre périple ?
L'idée de ce voyage a vraiment ressurgi en septembre 2016. Le jour de la rentrée, en septembre 2017, nous étions sur le bateau. Ça s'est fait très rapidement... Nous avions le sentiment qu'il ne fallait pas attendre, car les enfants avaient encore le « bon âge » pour mener ce projet avec eux, les faire adhérer sans que la perte de leur quotidien ne soit trop lourde à porter. Mais ce départ et surtout l'achat du bateau étaient conditionnés par la vente de notre maison. Heureusement, tout s'est bien goupillé. Durant cette année de préparation, nous avons réfléchi de manière à concilier nos exigences au niveau du bateau, les destinations qu'on ne voulait pas manquer, le parcours et notre budget. Ce qui est ressorti comme étant le plus important pour nous, c'était finalement notre envie de navigation, presque plus que d'escales.
Comment avez-vous budgété vos dépenses et par quel mode de financement ?
Nous ne pouvions acheter un bateau sans vendre notre maison. Quand nous avons commencé à construire cette maison, il y a quinze ans, c'était pour la louer afin d'avoir une rentrée d'argent pendant le voyage. Nous l'avons construite nous-mêmes, sans l'intervention d'artisans, afin de limiter les prêts bancaires et essayer de mettre des sous de côté pour l'achat d'un bateau... Mais il a fallu l'agrandir peu à peu, au fur et à mesure que la famille s'agrandissait. Puis, à force de vivre sur le plancher des vaches, l'horizon où déferlent vagues et planent oiseaux marins s'éloigne chaque jour un peu plus. Autant dire que pas un kopeck n'a pu être mis de côté !
Le jour où l'envie de partir est revenue, nous avons terminé toutes les petites bricoles que nous n'avions pas finies afin de mettre la maison en vente. Atypique, de construction écologique et idéalement située dans un petit hameau tranquille, elle est partie rapidement. C'est globalement avec l'argent de la maison que nous sommes partis, avec un emprunt qui nous faisait une sécurité en cas de pépin. Nous en avons placé une partie qui devait servir à son propre remboursement, une autre dans laquelle puiser en cas de problème. Nous avions budgété nos besoins et ceux du bateau sur deux années. Nous aurions été plutôt dans les clous si nous n'avions pas eu certains imprévus de taille qui ont impliqué des frais considérables, comme celui du remplacement de la dérive.
Quels conseils pouvez-vous donner ?
C'est difficile de donner des conseils... Chacun vit le voyage à sa manière, avec ses attentes, c'est le voyageur qui fait le voyage ! Donc chacun a besoin de trouver ce qui lui correspond le mieux !
Peut-être juste rester ouvert à ce que le voyage fait naître ou disparaître. Nous avons eu des soucis et des galères en cours de route. Ça nous a bloqués, notre chemin en a été modifié, notre moral est parfois tombé bien bas... Mais ça finit par passer, et finalement chaque mésaventure a sa part de jolies choses.
Que pensez-vous retirer de cette expérience ?
Notre famille a évolué depuis le départ. Ce projet implique une vie familiale qui ne finit jamais. On est en permanence les uns avec les autres. On apprend donc à se connaître plus que jamais. En navigation, on partage des moments inoubliables, comme voir le saut d'une baleine à bosse à l'horizon ou le doux retour à la surface d'une tortue Luth, mais aussi parfois des moments difficiles, lorsque le vent souffle trop ou que la mer devient forte. Tout ça nous rapproche. Même si cette proximité permanente n'est pas toujours facile à vivre, chacun ayant tour à tour besoin d'oxygène, il en reste quelque chose de fort entre nous.
Quels sont vos coups de cœur ?
Chaque pays accosté nous a laissé des souvenirs impérissables. Dans le top trois, je mettrais le Cap Vert et son bijou de verdure San Antão, qui contraste avec toutes les autres îles bien plus arides. Terre-Neuve, pour l'histoire poignante de ses outports, ces villages de pêcheurs qu'on ne peut rejoindre que par la mer et que les villageois quittent pour partir à la ville – par nécessité économique mais aussi incitation politique –, et l'accueil des gens de là-bas... Impossible de marcher le long d'une route dans ce coin-là, les gens s'arrêtent et te demandent où tu veux aller.
Il y a eu le Maroc aussi, dont nous n'avons savouré qu'une infime partie, mais qui invite au retour, tant pour les sourires croisés que pour les saveurs de la cuisine marocaine ! Un gros coup de cœur pour la vie du port d'Essaouira. Tellement incroyable d'assister, assis dans le cockpit, un café à la main, à son réveil rapidement effervescent !
Et évidemment l’Île-à-Vache sur Haïti, où chaque regard est une claque. Si vous passez par là, cherchez Ashley et sa paillote pour son poulet boucané, Wendy qui vous apprendra le wom haïtien et Marchenry qui partagera avec vous une précieuse connexion wifi hors pair !
Avez-vous une anecdote de voyage ou une rencontre exceptionnelle à partager ?
Nous étions au village de Rose Blanche, à Terre-Neuve après une navigation un peu difficile depuis le Bras d'Or en Nouvelle-Écosse. On avait envie de se faire un petit plaisir, une viande ou un bon cheddar – si, si, ça existe ! – à l'épicerie du coin. Mais notre carte ne passait pas. On rentre bredouille. Le lendemain, une dame frappe à la coque et nous tend, avec un grand sourire, une enveloppe. Dedans, il y avait 100 dollars canadiens pour que nous puissions nous faire plaisir, qu'on pourrait lui renvoyer par la suite. Impossible de refuser... Mais nous avons vécu des anecdotes comme ça un peu partout…
Et la suite de votre voyage, ça va se dérouler comment ?
Nous sommes coincés à Trinidad à cause d'une avarie de dérive qui nécessite réparation et gros budget. Les fifrelins mis de côté pour le retour passent dedans et nous montons un projet Ulule pour alléger la douloureuse. La réparation est technique et nécessite du temps. Nous sommes bloqués depuis plus d’un mois, c'est très long et la vie sur un bateau à sec est loin d'avoir les charmes du mouillage. On en profite pour faire beaucoup d'école et améliorer des détails ou réviser ce qui doit l'être. On espère remettre le bateau à l'eau cette semaine et faire route vers le nord.
Notre passage aux Antilles se résumera donc essentiellement à cette escale trinidadienne. Mais sur place, nous avons collecté de bonnes adresses et nous allons tout faire pour profiter un maximum avant notre retour vers l'Europe prévu à la mi-mai au plus tard, avant la saison cyclonique et avant que l'anticyclone des Açores ne soit trop haut, amenant un vent trop calme sur la route à suivre. Avant de partir, la Martinique, la Dominique et la Guadeloupe sont au programme.
Nous avons planifié un retour en France fin juin, début juillet. Tout en sachant que ce sont des grandes lignes qui risquent d'être modifiées au moment où notre périple s'écrira vraiment !
On termine par une question portrait chinois : si vous étiez un pays/État… et pourquoi ?
Si j'étais un pays, je serais peut-être le Cap-Vert, car il y a là-bas une douceur ambiante indéfinissable malgré des conditions de vie bien délicates, un mélange entre confiance et acceptation de ce qui peut arriver... Le même, peut-être, qui donne naissance aux voyages.
Suivez toute la famille sur son voilier Beluga
Aidez-les à repartir pour terminer leur périple !
https://fr.ulule.com/bugale-beluga-atlantique
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Texte : Cédric Duchamp de Routard.com
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