La Lorraine par François Chauvin

François Chauvin, rédacteur au Routard, nous parle de la Lorraine où il s'est rendu pour réactualiser le guide.

Pour avoir, depuis tout môme, usé ses godasses au long des sentiers, de son massif du Jura natal à de lointains ailleurs, François se sent chez lui partout où la terre n’est pas plate. Mais se laisse également facilement emporter par les vibrations urbaines. D’ailleurs, ses études de journalisme, c’était d’abord pour écrire sur le rock.

Pourquoi aime tu particulièrement cette destination ?

Parce que même si les Images d’Épinal ont été inventées en Lorraine, il faut oublier les clichés encore trop nombreux sur cette région où, entre autres joyeusetés, il paraît qu’une pluie glaciale tombe sans discontinuer sur de tristes villes de garnison ou des cités ouvrières laminées par la crise. La Lorraine n’est même pas dans le top 5 des régions les plus pluvieuses de France ! Ses villes méritent franchement qu’on s’y balade : les maisons sur arcades de Pont-à-Mousson et Remiremont, le quartier Renaissance de Bar-le-Duc, Nancy et sa place Stanislas (une des plus belles du monde, sans discuter), Metz et sa gare (la plus belle de France, sans vouloir fâcher Limoges !). Et les cités ouvrières comme les vestiges du passé minier et sidérurgique - souvent joliment mis en scène - valent également une visite. Tout comme les anciennes fortifications militaires. Et, aujourd’hui, plus que le kaki, c’est le vert qui prédomine en Lorraine : vergers, vignes, pâturages des ballons des Vosges…  Une région très nature, en fait, qui ne compte pas moins de trois parcs naturels régionaux. Enfin bref, il faut passer par la Lorraine (sans, forcément, ses sabots !...).

Un livre à emporter avec soi ?

Le Goncourt 2018 (prix littéraire fondé par un Lorrain, d’ailleurs !), Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu. Quelques-unes des plus belles pages jamais écrites sur l’adolescence.  Mais aussi un regard sans fard sur la réalité de la Lorraine désindustrialisée d’aujourd’hui (même si l’histoire se déroule dans les années 1990).

Une expérience à partager ?

Une nuit au fond des bois dans une des maisons sylvestres imaginées par la designer Matali Crasset. Plus que des « cabanes dans les arbres », des expériences - justement ! - à vivre, des œuvres d’art à habiter. On observe les étoiles, on s’endort bercé par les bruits de la forêt, on se réveille au chant des oiseaux avant d’aller se balader au long d’un des quatre sentiers qui sillonnent le Vent des forêts, étonnant espace d’art contemporain rural, riche d’une bonne centaine d’œuvres exposées à ciel ouvert dans les prairies, sous-bois ou villages de ce petit coin de la Meuse.

La spécialité locale à goûter absolument ?

Tous les plats traditionnels des montagnards réunis dans ce qu’on appelle le « repas marcaire »,  à partager dans une ferme ou une auberge du massif des Vosges : épaisse soupe ou tourte à la viande, tofailles (fondantes pommes de terre, cuites lentement dans du beurre avec oignons et lard), géromé (la version lorraine du munster), fromage blanc ou tarte aux myrtilles pour terminer. Et un petit verre de Mirabelle de Lorraine pour faire passer tout ça ! Un repas largement moins frugal que celui des marcaires, ces bergers qui fabriquent depuis, au moins le Moyen Âge, le fromage à l’alpage. Mais de quoi prendre quelques forces pour partir randonner entre crêtes et vallées. Ou, le soir, pour guincher jusqu’à point d’heure si un accordéon sort de son étui (on l’a quelquefois vécu !).