Carnet de voyages en Normandie
Le Japon ? C’est en septembre, c’est loin, trop loin. Alors, Doudou et moi décidons de partir en Normandie. Nous nous rendons régulièrement dans ce pays qui a donné le jour à mon photographe de mari, nous connaissons déjà certains lieux.
J’aime les escapades de dernière minute, celles qui sont décidées dans l’urgence du désir d’ailleurs. L’adrénaline monte, l’effervescent règne. Je m’affaire dans toutes les directions, tente de dégoter les meilleurs plans dodo, les coins à ne pas manquer, les endroits inconnus. Et, enfin, le matin fatidique du départ arrive ! Allez, Doudou normaund (normand en patois), charge notre avion à 4 roues et 5 portes, nous décollons pour le pays du camembert.
La Normandie ça n’est pas le bout du monde. Mais à 3 heures de voiture de notre quotidien, nous pénétrons dans un autre univers. Avec une escale sur une aire d’autoroute, l’aire de la Baie de Somme, annonciatrice d’un dépaysement total.
Le ciel décline un camaïeu de gris, la lumière révèle une étendue verte mêlée au jaune paille. Doudou le normand saisit ces instants picards, sa Normandie natale aura sa part dans quelques kilomètres. D’ailleurs, il est temps de “redécoller” . Nous décidons de détourner notre voiture vers Dieppe, le berceau natal de Doudou, le temps pour lui de se laisser submerger par la vague de ses souvenirs enfantins au bord d’une mer vert émeraude.
Deuxième escale, Varengeville-sur-Mer. Nous y sommes passés il y a quelques années. Nous avons découvert une église et son cimetière marin. Georges Braque y est enterré aux côtés de son épouse et l’une de ses œuvres les plus remarquables, un vitrail nommé “Arbre de Jessé”, orne l’église.
Un peu d’histoire : l’Arbre de Jessé représente l’arbre généalogique présumé de Jésus de Nazareth. Il existe de nombreuses représentations de cet arbre à travers les époques et celle de Georges Braque date de 1954.
Un peu de poésie :
surplombant la mer, le vitrail laisse passer la lumière changeante de la Normandie, plonge l’église Saint Valéry dans un halo mystique, à la fois reposant et rempli d’un questionnement sur nos origines.
Une atmosphère de calme et de quiétude se dégage du cimetière marin contemplant la baie de Dieppe. Bleu-vert de la mer, blondeur de la pierre, vert tendre des prés, rose des fleurs se disputent la suprématie dans un combat sans gagnant ni perdant. L’intérieur de l’église baigne dans un doux mystère qu’illumine le vitrail de Georges Braque. Turner, Whistler, Corot, Renoir, Monet, tous ont admiré cet endroit paisible. Georges Braque et son épouse décideront d’y demeurer à jamais.
Des massifs d’hortensias aux mille couleurs fleurissent dans ce village de Varengeville-sur Mer, se multiplient à l’envi sur les 76 km qui nous séparent encore de notre première grande étape : Etretat !
Nous déposons nos bagages dans une chambre d’hôtes puis dînons. Le soleil rejoint l’horizon et nous rappelle qu’il est temps pour nous de jouer les chasseurs d’images.
A la tombée du jour, le soleil s’éclipse. Il quitte ses"Belles" et pour se faire pardonner, il leur offre des drapés d’or dont elles se parent prestement. Les coquines jouent alors un jeu de séduction pour le photographe qui veut bien s’y laisser entraîner.
Tantôt charmeuses et blondes, tantôt brunes et mystérieuses, les falaises dévoilent leurs charmes secrets que l’astre du jour peine à cacher malgré son départ flamboyant.
Le ciel, jaloux de l’homme à l’œil mécanique, prête main forte à l’astre lumineux déclinant. Il devient alors écrin de couleurs sublimes, tableau vivant de la palette d’un artiste qui s’abîme en mer. Le photographe saisit l’aubaine, il enlève “Les Belles d’Etretat” dans un tourbillon photographique qu’il gardera, peut être, jalousement, dans le secret de sa boîte à images.
Le photographe saisit l’aubaine, il enlève “Les Belles d’Etretat” dans un tourbillon photographique qu’il gardera, peut être, jalousement, dans le secret de sa boîte à images.
La nuit s’achemine, elle se charge de dissimuler les charmes des “Belles d’Etretat” dans un manteau de velours sombre. Peut leur importe ! Sûres de leur charme, elles ont fait de l’homme à l’œil mécanique un esclave qui les poursuit dans l’ombre envahissante. Enchaîné, il reviendra demain sous un soleil triomphant, les surprendre au bain du matin.
Que celui qui ne connaît pas les mythiques falaises de craie blanche se fasse tout petit. J’adore grimper au sommet, batifoler sur les chemins bordés d’une flore colorée en sentant le vent sur mon visage. Là-bas, je respire, je m’oxygène les poumons, je me sens libre. Doudou folâtre parmi les fleurs et les herbes folles, caracole d’un précipice à l’autre pour saisir l’ultime photo, l’unique lumière qui éclaboussera la blancheur de la craie, le gris du galet.Un bateau souligne fièrement de sa blancheur la ligne délicate des falaises d’Etretat,tandis que la mer penche pour un bleu-vert moiré.
Au sommet des “Belles”, des chemins invitent à une balade bucolique à la découverte d’une faune et d’une flore qui rivalisent de couleur. Le jaune, le mauve, le rose pâle auréolé de blanc…
Papillons, abeilles se disputent le privilège d’orner les parures fleuries des “Belles d’Etretat”. Le photographe, si discret de la nuit, se mue en une créature ailée et volète de fleurs en feuilles, de brins d’herbe en chou maritime.
L’œil mécanique surplombe les précipices, s’agenouille dans la végétation, ne perd pas une miette du spectacle des falaises coquettes d’Etretat. Les"Belles d’Etretat" multiplient les parures, changent de pose sous le regard admiratif du photographe. IL faut dire qu’il y a de quoi. J’en serais presque jalouse !
Le temps humain qui défile nous ramène à une brusque réalité. Doudou, nous devons quitter nos belles falaises ! Allez,une dernière photo et une promesse aux "Belles d’Etretat .
A suivre… Honfleur, Beuvrons-en-Auge, Deauville et Trouville