Saint-Tropez secret
Et si on (re)découvrait Saint-Tropez derrière Saint-Trop’ ? Le village propulsé sur la planète people dans les années 60 se révèle différent hors saison au fil de ses charmantes ruelles marquées par l’histoire. C’est le bon moment pour savourer un Saint-Tropez plus secret, qui célèbre à sa manière mai 68, vénère les artistes et se souvient de ses marins qui ont fait le tour du monde. Avec, au bout de la rue, la plage, encore et toujours…
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- Ne dites plus « Saint-Trop’ » !
- Chaque année, les Tropéziens fêtent mai 68 !
- Quand Saint-Tropez faisait son cinéma…
- L’Annonciade, ou l’art d’amuser la galerie
- La Ponche, témoin d’un temps passé trop vite
- Le Saint-Tropez des marins
- Redécouvrir Saint-Tropez
- Saint-Tropez, côté plages
- Fiche pratique
Ne dites plus « Saint-Trop’ » !
Pour vous faire adopter par les Tropéziens, évitez de parler de « Saint-Trop’ ». Ici les modes passent vite. Saint-Tropez aujourd’hui se veut plus provençal que jamais. Son objectif : devenir bientôt le premier village « vegan » de France. Ce qui n’aurait pas déplu à Colette... La femme de lettres avait acheté dans les années 20 un terrain à l’abandon qui allait lui fournir dix ans durant des fruits et des légumes. Elle abandonna « La Treille Muscate » quand elle trouva que le village avait perdu son charme et sa tranquillité. On était en 1936, année des premiers congés payés !
Après la Seconde Guerre mondiale, la vague existentialiste arriva jusqu’au petit port de pêche qui accueillit plutôt bien la bande formée par Juliette Gréco, Daniel Gélin, Annabel Buffet, Boris Vian, etc. Dans la France ordonnée de l’époque, un vent de liberté souffla à Saint-Tropez. Une des deux filles de la famille Bardot, qui y venait en vacances, allait faire parler d’elle dès son premier défilé. Et surtout son premier film : « Et Dieu créa la femme ».
Le décollage médiatique des années 1950-1960 vit l’apparition des nouvelles locomotives : Françoise Sagan, Brigitte Bardot, Roger Vadim, Eddie Barclay... On voulait vivre pieds nus, seins nus, quitte à s’attirer les foudres des gendarmes de Saint-Tropez, qui allaient connaître une gloire internationale, au milieu des années 60.
Chaque année, les Tropéziens fêtent mai 68 !
Mai 68 est une date importante pour Saint-Tropez qu’elle commémore chaque année… à ceci près que ce 68-là est vieux de 20 siècles ! Cette année-là (en 68 apr. J.-C., donc !), on retrouva un corps décapité dans une barque échouée au port du Pilon. Celui d’un légionnaire romain qui s’était converti au christianisme, ce qui n’avait pas plu à Néron, dont il était l’intendant. Torpes fut martyrisé et décapité à Pise sur ordre de l’empereur. Son corps, livré aux flots, fut porté par les courants, avec pour seule compagnie un coq et un chien, qui allaient participer à la légende des siècles à venir.
Depuis 1558, Torpes est le saint protecteur de la ville. Celui que les Tropéziens continuent d’honorer du 16 au 18 mai. La ville se pare alors de rouge et de blanc, couleurs de l’ancienne république de Gênes d’où sont originaires les plus anciennes familles du village.
Louis XIV leur ayant interdit de porter les armes en dehors de cette fête, les Tropéziens ont conservé ces dates pour faire parler la poudre. Le culte du saint se doubla d’une ode à la défense de la cité portuaire. Et c’est au Cepoun, le capitaine de ville élu à vie, qu’il appartient de jouer le gardien des traditions en musique à la tête de la Bravade. Après l’office, gens en armes, Tropéziennes en costumes et enfants au sérieux inébranlable suivent le saint protecteur de la ville dans les rues.
En levant le nez, on peut découvrir des dizaines d’autres petites statues du saint au-dessus des portes des maisons des Pêcheurs, mais nombre de Tropéziens conservent le leur à l’abri des regards, dans leurs armoires.
Quand Saint-Tropez faisait son cinéma…
L’image de liberté, le sentiment d’insouciance véhiculés par le cinéma des années 60, on les retrouve place Blanqui. C’est le lieu idéal pour partir à la découverte de Saint-Tropez, surtout si vous avez réussi à vous garer à l’entrée du village.
La statue en bronze de Brigitte Bardot, dessinée par Manara, vous accueille devant l’ancienne gendarmerie devenue le musée de la Gendarmerie et du Cinéma. Pas de file d’attente pour parcourir les 400 m2 d’expo riches d’affiches, de photos, d’objets rappelant le souvenir du tournage du Gendarme de Saint-Tropez, et des films qui ont suivi. Une série qui aura beaucoup fait pour populariser l’image du village, mais aussi des gendarmes.
Sur cette place plantée de platanes, la façade renvoie aux images burlesques des premiers films de la saga des « Gendarmes ». On replonge dans l’univers des années 1960-1970 et on retrouve les images d’un Saint-Tropez disparu.
Et tout ça n’est qu’un prétexte, au fond, pour retrouver Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme, Romy Schneider dans La Piscine et tant d’autres qui ont fait connaître un décor qu’on a du mal à imaginer toujours intact, un demi-siècle après.
L’Annonciade, ou l’art d’amuser la galerie
On savoure la balade le long des quais, on jette un œil aux galeries, on s’efforce d’oublier la présence des yachts, qui ont l’art d’amuser la galerie en été. Signe des temps, c’est Orlinski et son bestiaire coloré qui attirent les regards, plus que les peintres des galeries avoisinantes.
Pour revivre le Saint-Tropez de la grande époque, détour par le plus beau des petits musées de France, installé face aux quais dans une ancienne chapelle du 16e s. On retrouve à l’Annonciade les artistes qui ont trouvé sur la Côte d’Azur inspiration et couleurs : Braque, Bonnard, Dufy, Vuillard, Derain, Vlaminck… On passe de Picabia (Saint-Tropez vu de la citadelle) à Dunoyer de Segonzac.
On rêve du Saint-Tropez que Paul Signac aperçut lorsqu’il accosta en 1892 avec son Olympia. Il avait choisi d’y faire une simple escale, qu’il transforma en un séjour d’une vingtaine d’années. C’est ici qu’il créa ses plus belles toiles (L’Orage, Chambre dans le port, La bouée rouge, etc.). Sa villa-atelier allait drainer tous les peintres de l’époque, connus ou encore méconnus. Matisse y peignit les esquisses de son célèbre tableau Luxe, Calme et Volupté. En 1914, les prémisses d’un changement de société, plus que l’annonce de la guerre à venir, l’incitèrent à lever les voiles.
De quoi laisser songeur le visiteur actuel contemplant le spectacle du port à la terrasse d’un café-pâtisserie qui existait déjà à l’époque (c’était un fabricant de nougat à la base) mais allait devenir, des années plus tard, un lieu emblématique : Sénéquier.
La Ponche, témoin d’un temps passé trop vite
Il faut ensuite monter à travers les rues étroites pour rejoindre le quartier pavé de La Ponche, autrefois le plus pauvre de Saint-Tropez, avec son port de pêche qui a su résister à tout, même aux bombardements.
Inutile de chercher encore des pêcheurs triant leurs sardines sur le quai ou des femmes réparant les filets entre deux chaises. Ou même l’ancien bar de la Ponche qui s’était mis, après-guerre, à proposer des sardines grillées et de la soupe de poisson pour nourrir les Parisiens en goguette. C’est devenu le plus petit des grands hôtels, pour reprendre un qualificatif qui colle bien au Saint-Tropez actuel.
L’hôtel 1 étoile en a pris 4 de plus, seul le nom des chambres évoque le souvenir de celles et ceux qui en firent les beaux jours et les beaux soirs, de Vadim à Buffet ou Sagan.
Quant aux pêcheurs, qui ne sont plus qu’une poignée, on peut les retrouver le matin porte de la Poissonnerie, lieu décoré de mosaïques de style néogrec, où un petit marché aux poissons continue de perpétuer la tradition.
Le Saint-Tropez des marins
Continuer la montée jusqu’à la citadelle et son musée décoiffant, lui aussi, et pas seulement par grand vent. Niché dans le donjon d’une citadelle édifiée au 17e s, ce musée fascinant raconte le temps où ce n’était pas le monde entier qui débarquait à Saint-Tropez, mais les Tropéziens qui partaient à sa conquête.
Bien loin de l’image du charmant port de pêche attirant les peintres et les artistes, Saint-Tropez était un vrai port avec ses marins au long court, ses chantiers navals. C’est d’ici que partait le liège de la forêt des Maures, l’huile d’olive, ici qu’arrivaient les épices… Du cabotage local jusqu’aux plus lointains horizons, du cap Horn aux côtes africaines ou indiennes, chaque (petite) pièce du donjon évoque un thème spécifique. Plus qu’un musée, un voyage riche en surprises.
Vues extraordinaires au passage, et surtout depuis la terrasse, la forêt de toits aux tuiles patinées, le clocher et le campanile si caractéristiques de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, se détachant sur le bleu du ciel et de la mer.
Juste en dessous, le cimetière marin (comme à Sète et Saint-Malo), où de grands noms du show-biz, grands séducteurs comme Eddie Barclay et Roger Vadim, côtoient les descendants directs des 21 familles génoises qui relevèrent la ville au 15e s.
La dernière demeure de Vadim, toute sobre, se trouve tout de suite à gauche de l’entrée, dans l’un des caveaux enchâssés dans le mur. Plus « show off », la sépulture d’Édouard Ruault, alias Eddy Barclay, qui repose sous des microsillons et pochettes de disques.
Redécouvrir Saint-Tropez
Petite halte en redescendant devant l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, aussi colorée que les maisons qui l’entourent. Selon l’heure, on repasse par la Ponche ou le port, avant de rejoindre la place des Lices. Une des anciennes tours de fortification de la ville cache, outre les retours de pêche, un petit marché aux Herbes (nom donné par les Provençaux aux fruits et légumes).
Sur la place de la mairie, on ne résiste pas à l’envie de toucher la porte dite de Zanzibar, au décor végétal, tout en bois de giroflier. Ruelles médiévales avec leurs arcades, passages étroits mangés par la végétation, placettes avec une vieille fontaine, souvenir d’une ancienne ferme ou d’un ancien bordel transformé en maison bourgeoise, on se laisse porter non pas par la foule, hors saison, mais par la curiosité.
Au 52 de la rue Gambetta, poussez la porte d’un hôtel tout à fait particulier : ce fut la demeure du général Allard, autre héros tropézien (après le bailli de Suffren), revenu au bout de 16 années passées aux Indes vivre ici en compagnie de la princesse Pan Deï, nièce du roi du Lahore enterrée au cimetière marin (visite à partir de 19 h si vous ne résidez pas à l’hôtel très chic qui porte son nom).
Les noms des rues du quartier de la Miséricorde (rue des Bouchonniers, rue Bergère) rappellent l’activité paysanne d’autrefois. Les animaux des fermes allaient paître dans les anciens fossés et sur les pâtures voisines, là où on piétine aujourd’hui, place des Lices, les jours de marché (tous les mardis et samedis matins).
Saint-Tropez, côté plages
En été, pour éviter les embouteillages, les jours de marché notamment, laissez votre voiture sur un parking à La Croix-Valmer ou à Sainte-Maxime. Une navette vous conduira à bon port et vous permettra d’arriver place des Lices sourire aux lèvres.
D’âpres parties de boules s’y déroulent en soirée, vous les découvrirez au retour de la balade. Goûtez au passage à la Tropézienne inventée dans les années 1950 par un boulanger polonais, qui joue toujours la star des pâtisseries locales.
Pour passer une envie de sable, de mer et de soleil, direction la plage des Graniers, accessible à pied ou, un peu après, la baie des Canebiers chère à Colette et à Bardot, qui abrite quelques mini-criques.
Suivez la portion du sentier du littoral balisée depuis la plage des Graniers. Tour de la pointe nord-est de la presqu’île jusqu’à la plage de Tahiti. À moins que vous ne préfériez, après la baie des Canebiers, prendre le chemin des Salins, vers la plage des Salins. Des itinéraires balisés par le Conservatoire du littoral circulent entre les pins parasols.
Du côté de Ramatuelle se trouvent, non seulement les plages de sable fin les plus célèbres, mais aussi les plus « privées », les plus show off avec des restos stars et des stars des plages sur 5 km : bienvenue à Pampelonne, pas du tout secrète pour le coup, mais toujours mythique !
Fiche pratique
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Comment y aller ?
TGV jusqu’à Saint-Raphaël et bus Varlib 7601 pour Saint-Tropez.
Les Bateaux Verts : 7, quai Jean-Jaurès. Tél. : 04 94 49 29 39. Navettes entre Saint-Tropez et Sainte-Maxime, Marines de Cogolin ou Port-Grimaud. La meilleure façon de débarquer en s’épargnant les problèmes d’embouteillages et de stationnement.
Bonnes adresses
- Lou Cagnard : 18, av. Paul-Roussel. Tél. : 04 94 97 04 24. Grosse maison de style provençal qui s’est fait, en un quart de siècle, sa place au soleil. Doubles à partir de 100 €.
- La Bastide du Port : port du Pilon, 73, av. du Général-Leclerc. Tél. : 04 94 97 87 95. Les fenêtres qui s’ouvrent face à la mer offrent une belle vue sur le golfe. Doubles à partir de 140 €.
- La Ponche : 5, rue des Remparts. Tél. : 04 94 97 02 53. Une institution qui conserve 70 ans de mémoire tropézienne dans ses murs. Ancien bar de pêcheurs, c’est aujourd’hui un 5-étoiles chic. Doubles dès 250 €.
- La Ferme d’Augustin : 979, route de Tahiti. Tél. : 04 94 55 97 00. À 2 km du centre-ville par la route de la plage de Tahiti, fléché à droite. Du confort de haut niveau pour un charme bien méditerranéen. Cuisine sincère, légumes du potager, vins de la propriété.
- La Ramade : 3, rue du Temple. Tél. : 04 94 81 58 67. Derrière la place des Lices, restaurant familial où l’on vient se cacher sous les mûriers-platanes. Plats 13-24 €.
- Bistro Pastis : 18, rue Henri-Seillon. Tél. : 04 94 49 36 96. Une carte et un cadre qui mettent en appétit, une terrasse ombragée, des plats de bistrot bien tournés. Plats 19-28 €.
- Pomme de Pin : route de Tahiti. Tél. : 04 94 97 73 70. Un jardin au cœur d’une pinède. Patron sarde, ici on dîne à l’huile, forcément. Menus 15-23 €.
Texte : Gérard Bouchu
Mise en ligne :