Auxerre et Chablis : l’Yonne, de vignobles en châteaux
À la sortie de l’autoroute, c’est le premier vignoble bourguignon que découvrent les visiteurs venant de la capitale. Un des plus anciens aussi. À la fin du XIXe, c’était même le territoire viticole le plus important de France avec 40 000 ha de vignes. Bienvenue dans l’Auxerrois, en plein cœur de l’Yonne. Un monde préservé, entre Auxerre, Chablis et Noyers, où l’on part sur les pas des moines et du chevalier d’Eon, entre Fosse d’Yonne et canal de Bourgogne, abbayes et châteaux…
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Préparez votre voyage avec nos partenairesAuxerre, capitale de l’Yonne
Auxerre se prononce « Ausserre ». C’est comme ça. Et vous avez de la chance, on ne roule plus les R comme avant. À Auxerre, on se balade le long des quais de l’Yonne en contemplant les flèches des églises médiévales depuis le pont Paul-Bert. C’est là qu’en mai se déroule la fête des vins de Chablis et du Grand Auxerrois, en alternance avec Fleurs de Vigne Villages, les années impaires. Une fête qui se déplace dans les villages viticoles.
Du quai part une navette gratuite qui dessert tous les mardis, en saison, six villages viticoles typiques : Escolives, Coulanges-la-Vineuse, Irancy, Chitry, Saint-Bris-le-Vineux, et le hameau de Bailly. Vous descendez dans le village qui vous fait envie et continuez votre exploration à pied, ou restez à bord et découvrez les paysages viticoles depuis le bus.
Avant de partir sur les routes, faites un tour en bateau, si vous avez le temps, ou une balade en ville : il y a de beaux musées, d’imposants édifices religieux comme l’abbaye Saint-Germain et une incontournable tour de l’Horloge.
Le vieux centre a conservé de jolies maisons à pans de bois. On suit les pavés en bronze à l’effigie de Cadet Roussel, un gars du pays qui faisait chanter les anciens.
Les villages vignerons de l’Auxerrois
Un antistress idéal, pour amateurs de rando, de balade en VTT et de gîtes dans les vignes. Un paysage vallonné, strict et géométrique en hiver, avec ses ceps alignés au cordeau, fleuri de bouquets d’arbres se détachant sur un ciel pommelé au printemps, couvert d’un manteau roux lorsque s’achèvent les vendanges.
Les noms sont évocateurs : Coulanges-la-Vineuse, Escolives-Sainte-Camille, Saint-Bris-le-Vineux. On s’y arrête au détour d’une route sinueuse, d’abord pour apprécier la vue, puis pour goûter le vin. Même si les prix ont monté, ils n’ont pas encore atteint ceux de la « côte », en ce qui concerne les rouges, surtout. On dort dans des maisons de vigneron où le parquet craque et où le coulanges ou l’irancy vieillit deux étages en dessous dans un bel alignement de tonneaux, sous de belles voûtes en pierre.
À Saint-Bris, dans les caves aux piliers massifs, on élève un sauvignon blanc pure souche. Mais les caves plus impressionnantes restent celles de Bailly, creusées sous la roche, où sont stockées plusieurs millions de bouteilles de crémant-de-bourgogne. C’est là qu’est née l’AOC Crémant de Bourgogne en 1975, devenue 40 ans plus tard un concurrent redoutable pour le champagne.
Chablis, à la vôtre !
Faites attention où vous mettez les pieds, si vous sous baladez dans les vignes, avant d’arriver à Chablis. Vous foulez un terroir qui ne date pas d’hier, en témoignent les fossiles qui font la fierté des collectionneurs locaux : le fameux terroir kimméridgien. Un sous-sol riche en sédiments marins, algues et coquillages formés il y a 155 millions d’années.
La mer fut le premier berceau de cette terre. En vidant les lieux, elle a laissé des milliards de coquillages. Ce sont ces débris ensevelis d’espèces disparues qui donnent aux vignes poussant au-dessus leur typicité. Les vins de Chablis sont des vins de racines, ils puisent dans un sol argilo-calcaire minéralité et fraîcheur.
Côté ville, malgré la destruction par un bombardement en 1940 de ses maisons à colombages, Chablis, avec ses promenades ombragées le long du Serein, possède encore bien du charme. Venu de Paris, de Londres ou d’outre-Atlantique, le voyageur regarde avec ravissement cette petite ville qui a des raisons de se montrer satisfaite d’elle-même. Le parfum délicat du chardonnay y est pour beaucoup, mais également les saveurs plus prononcées de l’andouillette.
Pour comprendre le vin de Chablis, faites un tour à La Chablisienne, la coopérative créée en 1923 pour faire face aux épidémies et qui représente aujourd’hui environ 300 adhérents-producteurs et les 4 AOC de Chablis. Muséographie originale, qui vous fera planer.
La route des Abbayes
À deux pas de la collégiale Saint-Martin, célèbre pour sa porte latérale aux vantaux recouverts de fers à cheval (au Moyen Âge, les pèlerins les clouaient pour implorer la guérison de leur monture), l’Obédiencerie, ancien monastère des moines de Saint-Martin, n’abrite plus les reliques du saint mais cache d’autres trésors dans ses vieux murs du IXe siècle.
Appartenant aujourd’hui au Domaine Laroche, le site permet de découvrir, dans la salle du vieux pressoir, l’histoire des vins de Chablis jusqu’à nos jours. Un film 3D remarquable conduit à l’approche agro-écologique d’un domaine qui a choisi de travailler le sol le plus naturellement possible.
Depuis Chagny, on peut rejoindre à pied le village de Préhy, avec ses deux curiosités : son église Sainte-Claire du XVe s, au sommet d’un vallon, et le domaine Brocard, dont la cave a été aménagée pour permettre de comprendre, à travers une découpe, l’origine et le caractère des vins d’ici.
La route touristique des vignobles de l’Yonne traverse les villages du vignoble jusqu’à l’abbaye de Pontigny. Dès 1114, les moines cisterciens y firent prospérer des vins qu’on retrouva sur la table du roi Philippe Auguste au XIIIe s.
Cultivant les mêmes parcelles jusqu’à la Révolution Française, les moines acquirent une excellente connaissance des cépages, des sols et des terroirs, au point de donner des noms aux parcelles. Celles-ci sont à l’origine des 47 Climats qui façonnent aujourd‘hui les appellations Chablis 1er Cru et Chablis Grand Cru.
Une balade à pied de 4 km permet de rejoindre la grange de Beauvais. Cette dépendance de l’abbaye de Pontigny fut exploitée jusqu’au XIVe s par des frères convers, puis par des fermiers jusqu’à la Révolution. Le domaine a trouvé une nouvelle vocation, proposant des animations ponctuelles.
Tonnerre : D’Éon à la rescousse
À la fois terre viticole (on y plantait déjà des vignes au XIe s) et pays de fromages (soumaintrain, saint-florentin), le Tonnerrois reste la partie Renaissance du département, avec des châteaux ponctuant cette campagne qui sent bon la Bourgogne éternelle.
Le vin de Tonnerre a joué un rôle politique ou diplomatique grâce au Chevalier d'Eon, célèbre autant qu’ambivalent ambassadeur de Louis XV, né ici en 1728. La cité, qui dégringole d’un amphithéâtre de collines jusqu’à la rive gauche de l’Armançon, mérite une halte pour son exceptionnel hôtel-Dieu et son intrigante fosse Dionne. Alimenté par une source mystérieuse, ce bassin circulaire du XVIIIe s, rempli d’une eau turquoise, avec son auvent, allie charme et pittoresque garantis.
La colline d’Épineuil fait face à Tonnerre. Les abbayes de Saint-Michel et de Quincy produisent ici des vins rendus célèbres par le Chevalier d’Eon, Boileau et Alfred Grévin, natif du village, qui donnera son nom au célèbre musée de cire à Paris.
Dans la grange du domaine de l’abbaye du Petit Quincy, goûter au rouge d’Épineuil produit par Dominique Gruhier. Une appellation qui monte, et permet de s’offrir du vin de Bourgogne à prix accessible.
Le Tonnerrois, de Tanlay à Maulnes et Ancy
La route des vins et des abbayes mène inévitablement au château de Tanlay et à ses douves en eau dans lesquelles se reflètent ses murs très blancs et ses tours coiffées d’hémisphères à l’impériale. Un bijou Renaissance.
À 3 km de là, l’abbaye Notre-Dame de Quincy, la 6e « fille » de Pontigny, invite à la contemplation. Ne vous étonnez pas d’apercevoir à la fraîche des sangliers ou des chevreuils, en repartant en direction du château de Maulnes, insolence architecturale et véritable énigme de la Renaissance, au cœur de la forêt. Un étrange relais de chasse, unique en France : sa forme pentagonale, organisée autour d’un escalier-puits, ne cesse de susciter la curiosité et l’imagination.
Le long du canal de Bourgogne, le château d’Ancy-le-Franc représente certainement l’exemple de construction le plus parfait de la Renaissance italienne sur le territoire français. Un voyage à Rome ou à Florence en plein pays tonnerrois, mais surtout un lieu riche en surprises (dans l’appartement de Diane, notamment).
D’une fenêtre apparaît tout à coup, côté jardins à la française, un parterre reconstitué, dont le décor a été inspiré par la chambre des Fleurs du château. Petite flânerie dans le parc à l’anglaise avec étang, îlot et petite folie du XVIIIe s.
Noyers-sur-Serein, l’un des plus beaux villages de France
Retour tranquille au fil du Serein. Noyers-sur-Serein (on prononce Noyère) ressemble à une apparition médiévale avec ses tours rondes, ses portes fortifiées, ses rues pavées, ses placettes et ses maisons à pans de bois des XVe et XVIe s. On en recense une bonne cinquantaine dans le village. Notamment autour de la place de l’Hôtel-de-Ville.
La Maison de l’Écrit est une sorte de tour de Pise du village. Certaines possèdent encore les arcades qui permettaient au Moyen Âge de se protéger des intempéries, mais aussi de marcher au sec, et en sûreté, sans craindre pour ses chausses. D’autres maisons anciennes sont à admirer, sur des places aux noms éloquents : « du Marché-au-Blé », « du Grenier-à-Sel » ou « de la Petite-Étape-aux-Vins ».
Les vignes continuent de faire la fierté de ce village marchand hors du temps. Laissez les Bardet vous conter leur histoire de famille, tout en goûtant à un irancy ou un fourchaume maison. Une histoire qui donne une idée de la transformation du paysage (adieu vaches, cochons, lapins) comme des hommes qui y travaillent. 90% ici de vente en directe, profitez-en.
Ces traditions font le charme d’une balade entre Auxerrois, Chablisien et Tonnerrois. On est surpris ensuite de retrouver l’autoroute, si proche et pourtant si lointaine, dans l’esprit.
Fiche pratique
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Office de tourisme d’Auxerre et de l’Auxerrois
Office de tourisme du Tonnerrois
Comment y aller ?
Auxerre est accessible via l’autoroute A6 Paris-Lyon, à 1h40 de la capitale, 1h30 de Dijon et 2h45 de Lyon
Plusieurs liaisons quotidiennes en TER au départ de Paris Bercy, Lyon et Dijon. Location de voiture conseillée sur place
Bonnes adresses
- The Originals-Auxerre-Normandie : 41, bd Vauban, à Auxerre.On retrouve l’ambiance des grandes croisières transatlantiques dans ce lieu. 47 chambres
- Le Rendez-vous : 37, rue du Pont, à Auxerre. Œufs meurette, rognons à l’aligoté... on ne vient pas là pour chipoter, mais pour bien manger et boire bien, aussi.
- Hostellerie des Clos : 18, rue Jules-Rathier, Chablis..Dans la grande tradition d’accueil du pays, avec un bistrot à deux pas du resto gastro, pour se faire plaisir. SPA sur place.
- Hôtel-restaurant de l’Écluse 79 : 2, chemin de Ronde, 89160 Chassignelles. Une adresse sympa, le long du canal de Bourgogne. L’été, en terrasse, l’endroit prend des allures de guinguette.
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Visites de caves
- Les caves Bailly-Lapierre : à Bailly (500 m du canal).
- La Chablisienne : 8, bd Pasteur, Chablis. En sortie de ville, route de Vézelay. Cette coopérative créée en 1923 n’a cessé de s’adapter à l’époque. Une muséographie originale et une boutique.
- L’Obédiencerie – Domaine Laroche : 22, rue Bro, à Chablis. Tte l’année sur rdv (fermé dim Toussaint-Pâques). Visite guidée et dégustation.
- Domaine Jean-Marc Brocard : à Préhy.
- L’abbaye de Pontigny : à 15 km au nord de Chablis. Programme de visites guidées sur www.abbayedepontigny.com
- Domaine Gruhier-Abbaye du Petit Quincy : à Épineuil. Dans les dépendances cisterciennes de l’abbaye du Petit Quincy, on vient goûter l’épineuil rouge. Essayez également les rosés d’Épineuil, qui n’ont plus rien à voir avec ceux qui ont autrefois fait connaître le pays.
- Le château de Maulnes : hameau de Maulnes, à Cruzy-le-Châtel.
- Le château d’Ancy-le-Franc : De Pâques à mi-nov. Animations nombreuses : Venise & Vins au Palais, concerts dans l’Orangerie.
- Domaine Bardet : 3, route d’Avallon, à Noyers. À la sortie du village.
Texte : Gérard Bouchu