La vallée de la Vésubie, merveille des Alpes-Maritimes

Utelle, un saut dans les étoiles

Les anciens de ces contrées étaient plus à l’aise sur les sommets et les crêtes qu’en fond de vallées. En témoignent ces villages haut perchés, dont Utelle, qui méritent des tours et des tours de volant pour les atteindre. La récompense est là : moins de 10 rues au compteur, mais déjà tout un univers de chats alanguis, de plantes vertes et de mamies qui ficanassent sur le pas de la porte…

Elles la connaissent par cœur, leur église Saint-Véran, à ne plus faire cas des vantaux sculptés de la porte du 16^e s, les chapiteaux préromans des colonnes ou le superbe retable du 17^e s en noyer. Elles vous diront volontiers la légende de la chapelle, là-haut, qu’on atteint au gré d’une route sportive. Notre-Dame des Miracles, que la Vierge aurait commandée à des marins espagnols pour prix de leur salut lors d’une tempête. Les ex-voto s’y pressent comme autant de miracles accomplis.

Miraculeuses aussi, les étoiles de roche à 5 branches tout autour de la chapelle : « Envoyées du ciel par Notre-Dame en signe d’amour », elles sont en réalité des fossiles de crinoïdes, des sortes d’oursins, datant de 140 millions d’années. Miraculeuse enfin, la vue à 360° sur le Mercantour, la Vésubie, la Tinée, le littoral. On tourne sur soi-même jusqu’à tomber de plaisir !

Vallée de la Vésubie, des villages perchés jusqu'aux Merveilles

En remontant la vallée, on égrène quelques perles. Lantosque, accroché à son long éperon. Sur les hauteurs, Bollène Vésubie garde la route du col de Turini. Puis vient Roquebilière, le long du lit de la Vésubie, autrefois détruit par un glissement de terrain en 1926 et reconstruit sur l’autre rive à côté de son église templière (fermée pour travaux). À 6 km, Berthemont-les-Bains, seule station thermale des Alpes Maritimes, soigne les rhumatismes et problèmes respiratoires depuis les Romains. Belle aubaine, ce centre ouvre ses espaces de détente à tous l’après-midi !

Sur son perchoir, Belvédère veille sur la Vésubie. Spécialités du village, une collection de panoramas imprenables, le miel et les vacheries. Ces dernières ne sont rien d’autre que des laiteries, qui ont d’ailleurs inspiré au bourg son petit musée du lait. Par-delà Belvédère, une route étroite et discrète se hisse à la conquête d’un trésor. En quelques tours de roue au milieu de la forêt et des blocs rocheux, on atteint la jolie cascade du Ray, qui marquait la frontière avec l’Italie jusqu’en 1947, puis la verte vallée de la Gordolasque, affluent de la Vésubie.

 Au bout, la route en cul-de-sac cède la place à une sente qui grimpe en 3 heures au mont Bégo et à la vallée des Merveilles, célèbre pour ses pétroglyphes qui ne nous rajeunissent pas. On pénètre le cœur du parc national du Mercantour et l’on se fait copieusement siffler par les marmottes sous l’œil farouche des chamois et des bouquetins.

Saint-Martin-Vésubie, la Suisse niçoise

Saint-Martin-Vésubie s’est implanté là où les torrents de Fenestre et du Boréon confluent pour engendrer la Vésubie. Ce gros bourg aux allures helvète et montagnarde affirmées se caractérise par sa longue rue du Docteur Cagnoli. Au centre, une rigole permanente d’eau courante, le béal, servait autrefois à abreuver le bétail, ou à éteindre les incendies dit-on aussi…

À voir également les deux charmantes chapelles des pénitents Noirs et Blancs (bâties aux 17^e et 18^e s, avant la télé couleur !). Pour une leçon de caté en version 15^e s haute en couleur, il faudra rejoindre la typique chapelle Saint-Sébastien de Vénanson. Un adorable village-vigie, perché 5 km en contre-haut d’où l’on jouit d’un extraordinaire panorama sur la haute vallée.

Depuis quelques années, Saint-Martin se veut la base arrière et la vitrine des activités de montagne de la métropole Nice Côte d’Azur. Le Vesubia Mountain Park permet l’initiation et la pratique indoor de l’escalade, du canyoning, agrémenté d’une piscine et d’un espace bien-être. La toute proche micro-station de La Colmiane-Valdeblore aligne également une tyrolienne géante, la piste de luge d’été la plus longue de France et une via ferrata sportive.

Comme on vous sent en forme, direction ensuite les 13 circuits de trail aménagés sur 270 km dans les montagnes autour. Pas de panique, on n’est pas obligé de tout faire dans la journée…

Au Boréon, y’a un loup… et plus

Un méplat situé 9 km au-dessus de Saint-Martin-Vésubie recèle la minuscule station d’altitude du Boréon. Sur place, une poignée de chalets et un petit lac de retenue accueillent des activités de pêche, de randonnée équestre et une tour d’escalade qui se fait cascade de glace en hiver…

On découvre aussi l’un des lieux les plus originaux de toute la région : Alpha – Le Temps du Loup (réouverture printemps 2022), un parc dédié aux compères d’Ysengrin que la tempête Alex n’aura pas épargné, emportant avec fureur une partie de ses pensionnaires en semi-liberté. Le petit chaperon rouge en pleurait. Malgré tout, les médiateurs continuent leur travail de présentation au grand public de cet animal craint, honni parfois. Attention, on n’est pas dans un zoo et les apparitions sont souvent timides et furtives.

Que ces oreilles pointues ne dissuadent toutefois personne de partir sur l’un des magnifiques chemins de randonnée que comptent les montagnes alentour. Vers le refuge de la Cougourde et le lac de Trécolpas, en 4 h. Ou encore au lac Nègre, une boucle de 5 h durant laquelle on a des chances de débusquer un tétras-lyre, petit coq de bruyère qui s’envole dans un grand fracas de brindilles et d’ailes battues. Inspirez, la nature sauvage vous attend !

La Madone de Fenestre… avec vue sur les Alpes

Ce cirque sauvage possède la magie des lieux hors du temps. Un sanctuaire, un refuge de montagne, quelques solides bâtisses et, tout autour, nature rime avec air pur. Le mont Gélas (3 143 m) domine l’ensemble de ses neiges éternelles. En temps normal déjà, La Madone de Fenestre se méritait, accessible par une route endiablée et étroite que la tempête de 2020 a emportée.

Il faudra donc suivre l’exemple de Notre-Dame de Fenestre, une inestimable statue en bois polychrome du 12^e s qui, chaque année, gagne à pied son sanctuaire d’été. Enfin, elle se fait porter, quand même : la procession a lieu en mai (pour la montée) et en septembre (pour le retour à Saint-Martin-Vésubie). Le curé qui officie ici porte le titre unique en France de Commandeur : un honneur hérité des templiers qui gardaient là-haut une barrière de péage (déjà !) sur l’une des branches de la route du sel.

Avis aux amateurs, les 12 km pour grimper là-haut gravissent un dénivelé de 950 m (compter 3 h 30). Et là, personne ne vous portera. Mais ce n’est pas trop cher payé pour atteindre une annexe du nirvana !