L'idée
de base : un humanisme citoyen
Il
fallait bien que quelqu'un s'en rende compte ! L'organisation du commerce
mondial - telle qu'elle est aujourd'hui, et depuis des dizaines d'années
- va à l'encontre du respect (humain) et du développement (économique)
des petits producteurs et ouvriers défavorisés des pays dits " du Sud
". Quand l'idée du commerce équitable est née, il y a une trentaine d'années,
ce fut pour répondre à ces enjeux humains très préoccupants, pour garantir,
tout simplement, le respect des droits de l'Homme : " Quiconque travaille
a droit à une rémunération équitable lui assurant, ainsi qu'à sa famille,
une existence conforme à la dignité humaine " (Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, article 23).
Une définition officielle du commerce équitable a été donnée par FINE
(acronyme de la première lettre des quatre organismes cités un peu plus
loin) en 2001 : " Le commerce équitable est un partenariat commercial,
basé sur le dialogue, la transparence et le respect, qui vise à plus
d'équité dans le commerce international. Le commerce équitable contribue
au développement durable en proposant de meilleures conditions commerciales
aux producteurs marginalisés, dans les pays du Sud, et en sécurisant
leurs droits ".
On aide tout d'abord les petits producteurs et travailleurs à se regrouper
en coopératives, tout en les informant régulièrement du devenir de leur
production (dans les rayons de quels magasins se retrouve leur café,
dans quels pays, emballé sous quelle forme, vendu combien…). La production
est d'ailleurs en train de pas mal se diversifier ces derniers temps,
à mesure aussi que la demande augmente : on trouve aujourd'hui du café,
du cacao, du riz, du thé, du sucre, du coton et même des bananes équitables
! Le principe du commerce équitable est de garder un suivi très régulier
de chacune des exploitations, même une fois qu'elles deviennent plus
autonomes.
Les
acteurs du commerce équitable aujourd'hui
Les
acteurs internationaux du commerce équitable ont mis en place un système
de label, qui les différencie des " faux "… Eh oui, c'est à la mode, ces
derniers temps d'être ouvert, bon, ethnique, éthique. Mais il est important
de se rappeler que la démarche équitable va au-delà de ces phénomènes
de mode, qui, bien souvent, font que le consommateur se retrouve achetant
de l'encens indien (avec la région de fabrication précisée, ça fait plus
" roots ") très cher, alors qu'il a été acheté une misère au fabricant...
L'action sur la durée est très importante, ainsi que la protection de
l'environnement, et l'organisation sur place.
La
Charte du Commerce Équitable
La
Charte du Commerce Équitable est un texte qui a été élaboré par
des organisations qui importent ou commercialisent des produits venant
de pays du Sud. La voici dans sa quasi-intégralité. Vous pouvez aussi
la retrouver sur le site de la PFCE.
-
Un constat
" Le
commerce est l'activité d'échange de biens et de services entre des personnes.
Cette activité est indispensable à toute société. Mais l'organisation
actuelle du commerce se fait souvent à l'insu du producteur comme du consommateur
(le producteur ne connaît pas la destination de son produit, le consommateur
en ignore la provenance réelle) et au détriment du producteur et du consommateur
(les intermédiaires les plus puissants - grandes marques commanditaires,
groupes industriels, organismes financiers, grands distributeurs, centrales
d'achat - imposent leurs règles, leurs prix, voire même leurs produits
aux producteurs, comme aux consommateurs.
" D'un moyen de relation entre les hommes, le commerce est souvent devenu
un enjeu de pouvoir et de profit privé lié à la spéculation à court terme.
Inéquitable, cette forme du commerce banalise une relation de dominant
/ dominé. Ce n'est pas le commerce en tant que tel qui est un problème,
mais son utilisation comme arme économique. (…) Ce commerce est responsable
de la dégradation des termes de l'échange (pendant que le prix des matières
premières décroît systématiquement sur le marché mondial, le prix des
produits finis, que les pays producteurs de ces matières premières importent
des pays industrialisés, augmente).
" Placés dans ce contexte, les producteurs fabriquent des biens dans des
conditions de travail souvent inhumaines, voire d'esclavage. Les conséquences
sont alors déplorables tant pour eux que pour l'environnement (social,
économique, écologique, culturel). Cette réalité se vérifie dans l'ensemble
du commerce, tant au niveau local qu'international. "
-
Le commerce équitable
" Face
à ce constat, l'objectif est de permettre aux producteurs et aux consommateurs
de vivre leur dignité et leur autonomie, en retrouvant la maîtrise et
le sens de leurs actes. Le commerce équitable crée les conditions requises
pour atteindre cet objectif. En effet, le commerce équitable organise
les échanges autour de critères impératifs, qui peuvent être vérifiables
à tout moment, et d'autres critères qui s'inscrivent davantage dans une
démarche de long terme, que chaque acteur du commerce équitable cherche
à atteindre. Nos engagements impératifs ont trait aux droits élémentaires
de l'homme et à la transparence des relations permettant à chacun de faire
valoir ses droits. Les autres engagements ont trait à une amélioration
indispensable de l'organisation de la filière, mais doivent tenir compte
des contextes de départ. "
-
Engagements impératifs
" -
Dans une approche solidaire du commerce équitable, travailler d'abord
avec les producteurs parmi les plus défavorisés, dans le cadre d'un développement
durable.
- Refuser systématiquement une quelconque forme d'esclavage ou de travail
forcé, y compris l'exploitation des enfants.
- Contractualiser entre les différents partenaires des garanties portant
sur : le prix du produit qui permet une juste rémunération des acteurs
économiques (…), la qualité des produits, le versement d'un acompte, lorsque
les organisations de producteurs n'ont pas le fonds de roulement nécessaire
pour acheter la matière première, ou pour vivre tout simplement entre
la commande et le règlement final, et enfin le délai de livraison.
- Privilégier des relations commerciales durables avec les producteurs.
Pour eux, c'est la durée qui assure l'avenir.
- Assurer la transparence dans le fonctionnement des différents partenaires,
qui passe par une information réciproque à chaque étape sur les conditions
de travail, les salaires, la durée des relations, les processus de production
et de distribution, les prix, les marges…
- Accepter le contrôle sur le respect de ces principes, à chaque étape
du processus. "
-
Critères de progrès
" -
Une organisation participative respectueuse de la liberté d'expression
et de l'avis de chacun. Cela peut se traduire dans un groupe par une prise
de décision démocratique, ou dans une entreprise, par la négociation entre
patronat et syndicats…
- Le respect de chacun, sans discrimination aucune.
- L'élimination du travail des enfants en utilisant les moyens les plus
adaptés dans l'intérêt de l'enfant. Le travail des enfants ne peut être
toléré que dans une période transitoire, en vue d'une scolarisation ou
d'une formation. Souvent, l'arrêt immédiat du travail des enfants générerait
des conséquences plus préjudiciables encore aux enfants et à leur famille.
- La valorisation des potentiels locaux des producteurs : utilisation
d'une matière première ou d'un savoir-faire locaux.
- Une production et une distribution favorisant une utilisation raisonnée
des matières premières et des sources d'énergie, ainsi que leur renouvellement.
- Le circuit le plus court et le plus simple possible entre producteurs
et consommateurs.
- L'encouragement des producteurs à l'autonomie, en privilégiant la diversification
des débouchés, notamment sur le marché local. L'activité économique doit
être rentable en elle-même, et donc parfaitement distincte d'autres formes
de financements.
- Un engagement des acteurs envers leur environnement socio-économique.
(…) "
Les
fédérations internationales et nationales
À
l'échelon international, le commerce équitable est représenté par quatre
fédérations, qui forment le réseau FINE :
- FLO (Fair trade Labelling Organisations International), un organisme
international qui s'occupe de la labellisation du commerce équitable,
en regroupant une vingtaine d'associations nationales de promotion d'un
label commun dans une grande part des pays " occidentaux " (+ le Japon).
- IFAT (International Federation for Alternative Trade), association
fédérant, dans cinquante pays du Nord et du Sud, des organisations liées
au commerce équitable (coopératives de producteurs, entreprises d'importation
et de distribution…).
- NEWS ! (Network of European World Shops). 3 000 boutiques spécialisées
dans le commerce équitable dans une quinzaine de pays sont regroupées
dans cette association.
- EFTA (European Fair Trade Association), association qui regroupe les
centrales d'achat et de distribution du commerce équitable dans neuf
pays.
En
France, il existe un seul organisme national de représentation des acteurs
du commerce équitable, c'est la PFCE, la Plate-Forme française pour
le Commerce Équitable, créée en 1997. Elle regroupe différents types
de structures :
-
des importateurs, Solidar'Monde et Artisal
- des importateurs détaillants, dont commercequitable.com, Sira Kura,
Artisans du Soleil et Alter Eco
- des boutiques, dont Ti ar Bed, Artisans du Monde - des associations
de promotions, Aspal, Yamana.Echoppe
- une association de labellisation, Max Havelaar
- des structures de solidarité, Echoppe, Comité Catholique contre la
Faim et pour le Développement, Ingénieurs Sans Frontières.
La
liste complète des différentes structures participantes sur le site de
la PFCE.
Une
vingtaine d'autres structures sont actuellement candidates à la PFCE.
Quatre acteurs français du tourisme équitable sont d'ailleurs en voie
d'intégrer la PFCE en tant que membres officiels, tant leur démarche est
fidèle aux valeurs que la PFCE défend : Croq'Nature,
Djembé,
Tourisme
et Développement Solidaires et la Route
des Sens.
Depuis 2000, la PFCE a mis en place une enquête annuelle pour mesurer
l'impact du commerce équitable sur les Français : en octobre 2000, 9
% des Français avaient entendu parler du commerce équitable, en 2001,
24 %. On le voit, c'est toujours trop peu, mais c'est de mieux en mieux
!
Comment
participer ?
Le
commerce équitable est encore peu connu du grand public, et si certains
croient " y perdre " en achetant des produits équitables parce qu'ils
sont un peu plus chers, on a constaté ces derniers temps une demande croissante
chez les consommateurs, avides finalement d'une plus grande justice dans
les pratiques commerciales mondiales, même s'il faut débourser quelques
centimes d'euros de plus…
-
Acheter des produits du commerce équitable
Tous les points de vente en France sur : www.commercequitable.org
et en Europe sur : www.worldshops.org.
Notons
que les organisations du commerce équitable encouragent le consommateur
à aller vers des boutiques, des catalogues, des sites web bien identifiés
par la profession. Ces " enseignes " passent par un dispositif de contrôle
qui garantit que leurs produits sont effectivement issus du commerce
équitable.
-
Ouvrir sa propre boutique
Eh
oui, il est bien sûr possible d'ouvrir sa propre boutique de produits
issus du commerce équitable ! On peut choisir d'ouvrir une boutique indépendante,
ou bien dans le cadre de réseau, comme Artisans du Monde ou Aspal.
Les candidats devront donc contacter ces organismes (voir plus bas les
liens utiles) ou directement la PFCE pour tout renseignement…
-
Le but intrinsèque : le développement durable
À la
veille du Sommet de la Terre de Johannesburg en août dernier, nombre d'organisations
de commerce équitable, dont le label Max Havelaar, se sont réunies pour
informer les acteurs internationaux ainsi que le grand public des enjeux
internationaux du commerce équitable en termes de développement durable.
Le développement durable est le fait de viser à l'autonomie progressive
(jusqu'à ce qu'elle soit totale) du producteur. Un projet à longue échéance,
en somme, où chacun est responsabilisé : tant ceux qui agissent pour promouvoir
et faire fonctionner les principes du commerce équitable, que ceux qui
en bénéficient. Plutôt que de donner de l'argent aux petits producteurs
pour les aider à survivre, on leur apprend à prendre leur place dans l'économie
mondiale, si petite soit-elle : ils deviennent importants, et c'est bon
pour leur niveau de vie, bon pour leur moral et la manière qu'ils ont
de considérer leur existence et même leur propre travail. Selon les défenseurs
du commerce équitable, c'est " en s'adressant aux petits producteurs ou
travailleurs marginalisés, en permettant un accès direct aux marchés internationaux
à des conditions commerciales satisfaisantes, en réduisant la pression
des intermédiaires locaux, qu'il vise le renforcement des organisations
de producteurs et travailleurs du Sud. Progressivement, ces structures
améliorent leur capacité commerciale, technique ou de gestion ; peuvent
investir dans la santé et l'éducation ; assurent une meilleure préservation
de leur environnement, et voient s'accroître leur autonomie. Les rapports
socio-économiques se modifient au profit des producteurs, ce qui constitue
un facteur essentiel pour assumer leur propre développement, dans une
perspective de " développement durable ".
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