DU SUD AU SUD
On n’en parle pas beaucoup dans les médias occidentaux, mais c’est dans les pays du Sud que les mouvements de populations sont les plus importants.
En Afrique
Faut-il rappeler l’ampleur de la déportation d’innombrables Africains de la côte atlantique vers les colonies européennes des Antilles, d’Amérique du Nord et du Sud ? Une même migration forcée a été mise en œuvre à l’est du continent, cette fois en direction de l’Orient. Cela a duré durant plusieurs centaines d’années.
Au XXe siècle, surtout après la décolonisation, des déplacements se produisent vers les grands centres industriels, à l’intérieur des frontières des nouvelles nations, ainsi que vers les pays voisins. Les campagnards émigrent vers les métropoles où l’on peut survivre ou trouver un emploi rémunérateur. La Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Gabon, par exemple, sont des points de chute très prisés, plantations et exploitations pétrolières obligent.
Les conflits armés, civils ou entre États, entraînent une multiplication des exodes. Les deux Congo, le Rwanda et le Burundi, le Soudan, le Liberia, la Sierra Leone, l’Angola et l’Algérie figurent au rang des contrées les plus frappées. Peu de pays ont échappé à ce fléau depuis un demi-siècle.
Quand le continent ne peut plus offrir d’avenir fécond, les Africains se tournent principalement vers l’Europe. Les ex-puissances coloniales voient venir à eux les ressortissants de leurs anciennes possessions. Le choix de la destination est lié aux possibilités qu’offre cette dernière, mais se fait aussi en fonction de la langue et des liens tissés depuis longtemps. De par les restrictions limitant la venue des Africains en Europe, certains territoires situés de part et d’autre des limites de l’Union servent en quelque sorte de zones de transit. C’est le cas des pays du Maghreb, de l’Espagne et de l’Italie.
Au Moyen-Orient
Le besoin de main-d’œuvre dans les pays pétroliers a provoqué de grands mouvements depuis les années 1940. Dans un périmètre de plus en plus large, des migrants ont rejoint l’industrie de l’or noir et se sont mis au service des nouveaux riches. Des pays arabes démunis, puis de l’Extrême-Orient sont arrivés des travailleurs soumis à des conditions de travail souvent très dures. Nombre d’entre eux vivent dans un quasi-esclavage.
Les soubresauts de l’histoire ont également provoqué des déplacements massifs de populations. La création de l’État d’Israël a contraint des milliers de Palestiniens à fuir leur terre natale. À l’inverse, la nouvelle nation a favorisé l’implantation de juifs d’Europe occidentale et centrale, d’Afrique du Nord, de Russie ou encore d’Éthiopie.
En Asie
Depuis longtemps, la Turquie est une terre d’émigration vers l’Europe occidentale, surtout en direction des pays germanophones. C’est aussi une étape pour les migrants d’Asie centrale, d’Iran, d’Inde, du Pakistan et du Sri Lanka, qui prennent les mêmes directions ou visent l’Amérique.
Dans son ensemble, l’Asie connaît le phénomène qui touche l’Afrique, l’Amérique du Sud et que connut en son temps l’Europe, à savoir l’arrivée en masse dans les grandes cités de gens des campagnes. L’Inde et la Chine sont particulièrement touchées par ce gigantesque mouvement humain. Ces pays qui s’industrialisent à grande vitesse attirent également des migrants des archipels des océans Indien et Pacifique. Dans cette zone, des destinations ne sont cependant pas dénuées d’attrait pour les migrants, notamment l’Indonésie.
AMÉRIQUE ET OCÉANIE
Les Amériques se sont peuplées de migrants, alors que les peuples autochtones souffraient : guerres, épidémies, travail forcé, spoliation des terres et des sous-sols…
Aux États-Unis et au Canada
Au Nord, les Anglo-Saxons et les Français furent les premiers à poser le pied sur le Nouveau Monde. Au Sud, ce furent les Espagnols et les Portugais, puis les Africains que l’on déporta massivement. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les Italiens, Irlandais et autres Européens ont migré vers les grandes cités des États-Unis, surtout à l’Est et dans le Middle West. Chinois, Coréens et Japonais abordèrent quant à eux les côtes californiennes, tandis que persistait là une forte présence hispanophone – le sud-ouest du pays étant précédemment sous domination espagnole.
La seconde moitié du XXe siècle et le début du XXIe ont été marqués par la venue d’autres émigrants hispaniques des îles caraïbes, dont Porto Rico et Cuba à l’Est, et du Mexique à l’Ouest. La volonté affichée de contrôler les flux migratoires a incité le pouvoir fédéral à renforcer la frontière sud du pays.
Les États-Unis, comme le Canada, conservent un fort pouvoir d’attraction. Si les premiers offrent des occasions de travailler pour les personnes les moins qualifiées, le second mise sur la sélection de ses immigrés, choisissant les candidats les plus qualifiés et/ou diplômés.
Aux États-Unis, le melting pot, creuset où se fonderait les migrants, est un concept contesté au profit de celui du salad bowl, qui implique l’idée que les étrangers s’intègrent en conservant leurs particularités. La protection du « patrimoine multiculturel » est d’ailleurs inscrite dans la Charte des droits et des libertés, la Constitution du Canada.
En Amérique du Centre et du Sud
Dans le nord-ouest des États-Unis et en Amérique centrale, la population autochtone reste très présente comparée aux descendants des migrants espagnols et des esclaves africains. Au Brésil, ces derniers représentent une forte proportion de la nation face aux lointains rejetons de la vieille Europe. Même si le métissage est un thème que l’on associe à ce pays, les indices ne manquent pas pour signaler une séparation encore vivace entre les deux parties dans la société brésilienne. Les Amérindiens ne subsistent vraiment que dans la grande forêt amazonienne, toujours menacés par les avancées de migrants venus des côtes. Tout en bas du continent, notamment en Argentine et au Chili, ce sont les descendants d’Européens (venus d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne…) qui dominent.
Aujourd’hui, nombre de Sud-Américains émigrent vers les États-Unis, ainsi qu’en Espagne, dans une moindre mesure.
En Océanie
L’Australie et la Nouvelle-Zélande, terres conquises également sur des autochtones, ont été largement peuplées par des Britanniques. Mais venus des îles du Pacifique, d’Asie, d’Amérique du Sud, d’Europe, bref de partout, de nombreux migrants ont contribué à façonner ces deux nations qui hésitent aujourd’hui entre multiculturalisme et volonté de restreindre l’entrée de nouveaux arrivants.
L’EUROPE
L’Europe occidentale a commencé à attirer un grand nombre de migrants dans les années 1960 et jusqu’à la crise de 1974. Le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activités et le vieillissement des populations autochtones ont incité les acteurs économiques à favoriser l’arrivée de travailleurs étrangers.
Les principaux pays d’accueil
Dans l’ordre, ce sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne qui accueillent le plus grand nombre de migrants (plus de sept millions pour la première et plus d’un million pour les dernières). Suivent les Pays-Bas, la Belgique, la Grèce, l’Autriche, la Lettonie (entre 500 000 et un million).
Dans chaque pays, on affiche la volonté de limiter l’entrée des étrangers en réponse à des opinions publiques souvent inquiètes. On notera certaines particularités. Ainsi le Royaume-Uni et la France ont-ils affaire à des migrants venus de leurs anciennes colonies (entre autres Inde, Pakistan et Jamaïque pour le Royaume-Uni). En Allemagne, le lien fort qui unit ce pays à la Turquie a généré l’établissement de nombreux ressortissants turcs et kurdes. Signalons aussi la nouveauté que représente la venue de migrants sur leurs sols pour des nations telles que l’Italie et l’Espagne, d’où partirent des millions d’émigrants au cours du XXe siècle.
Les politiques migratoires en Union européenne
Chaque pays a sa propre législation. Un peu partout, on restreint le droit d’asile. Pour les migrants clandestins, on hésite entre des campagnes de régularisations massives et la publication de directives ordonnant le règlement des situations au cas par cas. On s’interroge aussi sur les conditions d’accession à la nationalité du pays d’accueil, qui ont tendance à se durcir dans certains pays comme la France.
L’espace Schengen
La réglementation européenne institue la nécessité d’avoir en sa possession un visa pour pénétrer dans l’espace Schengen qui comprend l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède, auxquels sont associées la Norvège et l’Islande. Une fois à l’intérieur de cet espace, il y a liberté de mouvement sauf cas spéciaux et lors de troubles nationaux ou internationaux. Cela dit, les contrôles volants ne sont pas abolis et un système d’information Schengen (SIS), autrement dit un fichier commun, recense les personnes recherchées. Le déplacement des frontières à proximité des limites de l’espace Schengen a généré des concentrations de migrants en certains points.
Points de passage
Plusieurs sites ou zones font figure de portes d’entrée en Europe. Les médias les évoquent régulièrement en raison d’événements dramatiques.
En mer Adriatique, dans le détroit de Gibraltar et dans les îles Canaries affluent en effet des migrants dans des conditions catastrophiques. Dans toute l’Europe centrale se pressent également des candidats à l’exil, mais la longueur de la frontière est telle que les entrées sont moins visibles. Venus de l’ex-Union soviétique, d’Afrique, de l’Extrême ou du Moyen-Orient, tous les migrants ont pour point commun de chercher à trouver un meilleur sort en Europe occidentale. Mais bon nombre d’entre eux, comme un siècle auparavant, ont pour projet de joindre l’Amérique du Nord. La Grande-Bretagne est l’un des points de départ les plus courus. C’est pour cette raison que beaucoup de migrants se concentrent continuellement dans le port de Calais et ses environs (Sangatte).
Rwandais sur le chemin du retour en 1996 © UNHCR/R.Chalasani. Source : www.unhcr.fr
Station Pier à Melbourne, lieu d'arrivée de nombreux immigrants © Italian Historical Society-CO.AS.IT, Melbourne, Australia.
Source :
immigration.museum.vic.gov.au
Réfugiés fuyant le Kosovo en 1999.
© UNHCR/R. LeMoyne. Source : www.unhcr.fr
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