Femmes (vues par Géo)
Auteur : Collectif, sous la direction de Colette Gouvion
Editeur : Solar
224 Pages
Ce sont des regards et des visages qu’on n’oublie pas, ceux de centaines de femmes saisies sur le vif dans les moments importants de leur vie. Ces clichés, réalisés par les plus grands photographes (Atwood, d’Agata, Harvey, Van der Hilst, Boulat…), reflètent l’extrême diversité de leurs situations tout en soulignant en demi-teinte ce qu’elles ont de tellement semblable.
À la fois état des lieux et recueil en forme d’hommage, ce livre raconte les femmes en six parties commentées par des spécialistes, six “ phases de l’éternel féminin ”, selon Colette Gouvion. Et d’abord l’amour : regards discrets ou baisers fougueux qui sont autant d’histoires de cœurs et de corps plus ou moins libérés. Le travail ensuite : ouvrières ou chauffeurs de taxi, chercheuses, artistes ou soldates, les femmes travaillent, mais dans des conditions souvent bien plus précaires que leurs confrères masculins, voire tout à fait informelles. Mais le constat est là : la scolarisation progresse chaque jour un peu plus pour les 600 millions de femmes dans le monde qui sont analphabètes (sur 875 millions). “ Une étude menée en Afrique subsaharienne démontre qu'un an de scolarité de plus pour les filles se répercute de telle sorte qu'il fait baisser de 10 % la mortalité des moins de 5 ans. ”
Car comment parler des femmes sans parler de leurs enfants ? La maternité, partout synonyme de bonheur, n’est pas toujours vécue sereinement et librement. La gynécologue Joëlle Kaufmann-Brunerie évoque ici le contrôle des naissances, là, les plans de stérilisation, le recours à l’avortement clandestin pour encore un quart de la population féminine mondiale : “ Au moins 20 millions chaque année, 80 000 qui en meurent. ” Et ce livre est là pour nous rappeler que l’immense majorité (84 %) des 3 milliards de femmes que compte la planète vivent dans les pays en voie de développement, de l'Amérique du Sud à l’Asie en passant par l’Afrique, et une toute petite minorité dans les sociétés dites avancées d'Amérique du Nord ou d'Europe.
Voyage à travers les continents et les civilisations, cet ouvrage nous fait aussi passer du rire aux larmes, des sourires malicieux aux visages crispés par la fatigue, l’angoisse, la peur. C’est la tourmente. Celles des prostituées sacrées d’Inde et d’ailleurs, des Afghanes en tchadri que l’on ne laisse pas sortir seules, de cette petite fille terrorisée par la milice paramilitaire colombienne. Bien sûr, les femmes sont les premières victimes des guerres et des violences en général, en Bosnie, au Sud-Soudan, dans les prisons d’Alaska où elles accouchent menottées. Elles sont aussi aux premières loges des combats pour la paix : inoubliable, le regard de cette militante de la marche des “ colombes ” à Bethléem.
Une large place est aussi consacrée à la parure, indissociable de la condition féminine : maquillage, tatouages, bijoux et costumes sont autant d’outils de métamorphoses du corps qui contiennent presque tous, selon la peintre Françoise Gründ, le rêve d’éternité. Enfin viennent les femmes dans l’action, autre moyen d’inscrire leurs combats dans cette éternité. Elles écrivent, filment, enquêtent, peignent ou militent, bref, chacune à sa manière, défient les éléments et s’engagent parfois au péril de leur vie. L’espoir est permis, voilà ce que nous disent aussi ces superbes photographies.
Texte : Juliette Serfati
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