Les hommes à terre
Auteur : Bernard Giraudeau
Editeur : Éditions Métailié
176 Pages
On sait que Bernard Giraudeau est un impénitent voyageur. Mais lorsqu’il revient chez lui, il est de ceux qui préfèrent raconter des histoires que de décrire des paysages. Il n’y a pas de longues descriptions parmi les nouvelles réunies dans Les hommes à terre, mais des coups d’œil aiguisés, ça oui. En quelques traits, il saisit un détail évocateur et voilà, on y est. Dans cette rue de Saïgon, sur le port de Lisbonne… En revanche, ce qui est détaillé, ausculté même, ce sont les actes et les sentiments de ses personnages, voire les pulsions qui les commandent. Cela donne des phrases denses, plutôt courtes, à la fois rudes et élégantes. On avait déjà remarqué le talent d’écrivain du comédien et cinéaste dans Le marin à l’ancre, ce recueil de récits de voyage envoyés à un ami bloqué à terre par son handicap. Ici, l’encre de l’ancien marin coule pour retracer cinq destinées imaginaires, quoique nourries par de multiples rencontres de hasard. Hormis la première, qui met en scène un ancien de la guerre d’Indochine, ses nouvelles nous font partager les dérives d’hommes débarqués. Avides de sexe et d’amour, tous rencontrent des femmes, lesquelles sont fatalement mystérieuses. Dans son style à la fois minimal et lyrique, Giraudeau donnent une véritable existence à ces hommes à terre, à la fois grandioses et ridicules comme des albatros baudelairiens. Sur sa ligne d’horizon figurent Conrad, Melville, Duras et beaucoup d’autres que l’écrivain a lu, mais qu’il tient habilement à distance, allant jusqu’à les nommer, comme pour conjurer leur influence.
Texte : Michel Doussot