Voyage aux pays du coton
Auteur : Erik Orsenna
Editeur : Fayard
293 Pages
Après avoir lu ce livre, vous ne regarderez plus votre tee-shirt du même œil. Avec Voyage aux pays du coton, Erik Orsenna livre une passionnante enquête planétaire doublée d’une brillante leçon d’économie pour tous sur la mondialisation. Et comme le concret vaut mieux que les beaux discours, notre Rouletabille académicien s’est intéressé à une matière que nous portons tous les jours sur le dos pour comprendre notre monde. Depuis la nuit des temps, les hommes cultivent et commercialisent le coton, apprécié pour sa douceur. Mais quels sont les chemins qu’il emprunte pour parvenir jusqu’à nous ? Et que nous apprennent-ils sur notre planète ?
Erik Orsenna, stylo en main et sac en bandoulière, est donc parti sur les routes de cette matière première : au Mali, aux États-Unis, au Brésil, en Égypte, en Ouzbékistan, en Chine et dans les Vosges. En tirant sur les fils du coton, il a découvert que tout est lié dans notre monde globalisé.
Comme le coton, la planète économique est faite de fils et de liens. Ainsi, le Mali souffre de la chute des cours mondiaux due aux productions subventionnées des pays riches, dont les États-Unis. Lesquels professent au reste du monde un libéralisme économique orthodoxe à base de privatisation, tout en se gardant bien d’appliquer ce catéchisme à leur propre production. Une attitude condamnée à la suite d’une plainte déposée par le Brésil à l’OMC, ce Brésil jeune et dynamique, qui se bat avec force dans le culte du « futuro » et des nouvelles frontières à conquérir. Avec l’aide, aussi, des manipulations génétiques : des créations hybrides entre végétal et animal, coton et araignée… Un « futuro » qui fait froid dans le dos.
Du côté de la Chine, une autre invention bouleverse la donne économique, « l’ouvrier idéal, qui coûte encore moins cher que l’absence d’ouvrier ». Celui qui travaille sept jours par semaine, douze heures par jour, pour 1 000 yuans (100 €) par mois. L’ouvrier modèle d’un communisme qui pratique un capitalisme d’un autre âge. Et voilà comment la ville de Datang est devenue la capitale mondiale de la chaussette.
Comment résister dans cette guerre économique sans merci ? Orsenna semble avoir trouvé la réponse du côté des Vosges : par la qualité, l’innovation et l’amour du travail bien fait. Mais aussi par une consommation éthique, soucieuse des moyens de production. Sage conclusion d’une enquête qui fourmille de rencontres étonnantes, de détails piquants et de remarques de bon sens qui invitent à la réflexion. À commencer par la conclusion de ce périple cotonnier : « sur Terre, la douceur est une denrée rare, et chèrement payée ».
Texte : Jean-Philippe Damiani
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