Mains sur la nuque
Auteur : Ángel Parra - Traduit par Bertille Hausberg
Editeur : Métailié
140 Pages
« Encore à moitié endormi, j’entends : “ Mains sur la nuque, tas de merdes, sortez comme vous êtes. Sans souliers, vous n’en aurez pas besoin. ” Coups de pied au cul, coups de crosse, comme au cinéma. »
Mais ce n’est pas du cinéma. Rafael, le narrateur, fait partie des premières personnes a avoir été raflées à Santiago du Chili lors du coup d’État du 11 septembre 1973. C’est un jeune marginal, tout petit gauchiste mais gros fumeur de joints, qui est envoyé au Stade National en compagnie de centaines d’autres individus catalogués comme subversifs...
Contrairement à son personnage, Ángel Parra a été très impliqué dans l’activité militante qui accompagna le mandat du président progressiste Salvadore Allende, jusqu’à ce que la junte militaire dirigée par l’infâme Augusto Pinochet mette fin à la démocratie. Le fameux stade transformé en camp de prisonniers, il connaît : il y était. Aussi, il n’invente rien quand il décrit les humiliations, les tortures, les assassinats, et lorsqu’il raconte de quelle manière les détenus se sont organisés. Pourquoi ne pas avoir écrit un récit totalement autobiographique ? Sans doute par pudeur, par humilité et, peut-être, pour ne pas avoir à revivre complètement son calvaire.
Rafael a lui aussi recours à la fiction afin de lutter contre son angoisse et celle de ses camarades. Il invente en effet au jour le jour une histoire délirante, mythologique, riche en personnages tels qu’on en trouve dans la littérature sud-américaine la plus débridée. On ne dira pas ici comment se conclut l’histoire de Rafael, mais on sait quel sort l’Histoire a réservé aux partisans d’Allende sous la dictature. Fameux chanteur qui vit à présent entre Santiago et Paris où il s’exila, Ángel Parra réussit à la fois son roman et son hommage à une génération de sympathisants et militants de gauche fauchés en plein rêve.
Texte : Michel Doussot
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