Lilliputia
Auteur : Xavier Mauméjan
Editeur : Calmann-Lévy
445 Pages
La sortie d’un nouveau roman de Xavier Mauméjean est toujours un événement qui suscite une certaine appréhension. Ce n’est pas la qualité du texte qui est en cause mais le sujet abordé. L’auteur a longtemps fait du fantastique son terreau littéraire, mais a toujours aimé mélanger les styles. Ainsi, dans La ligue des Héros, il mélange science-fiction et technologies à vapeur pour en faire un roman « steampunk ». Dans La Vénus anatomique, il revisite Frankenstein de Mary Shelley. Ou dans Ganesha, il nous livre les mémoires d’Elephant Man.
Lilliputia nous entraîne aux États-Unis, à Coney Island (New York), pour suivre Elcana, un petit Serbe de quatre-vingt dix centimètres tout au plus, mais parfaitement proportionné. Cette particularité lui valu d’être « embauché » comme nombre de petits par Grumpertz & Reynolds, deux hommes d’affaires, qui détiennent Dreamland, un gigantesque parc d’attraction. Il sera pompier à Lilliputia, ville bâtie sur le modèle de Nuremberg au XVe siècle, mais à l’échelle de ses minuscules habitants. La vie de la cité est strictement identique à celle de son homologue de taille réelle. Boutiques, cérémonies, mendicité, conseils municipaux et même incendies y sont organisés pour le plus grand plaisir des visiteurs. Les grands viennent pour se délecter de ce spectacle, miroir malsain de l’American Way of Life, sorte de télé-réalité façon début de siècle.
Mais très tôt Elcana questionne l’ordre établi, déstabilise les carcans de cette mini-société tantôt par son attitude candide, tantôt par le feu qui bouillonne en lui. Il deviendra vite le héraut d’une révolution de « freaks » qui enflammera Dreamland.
Ce livre est une merveille d’érudition. Chaque dialogue, chaque non-dit, chaque ellipse est prétexte à références culturelles et littéraires. Il est d’ailleurs construit à l’image d’une tragédie antique : épique, terrifiante et tragique. Une histoire de passion, de feu et de sang. Dans Lilliputia, la mythologie occupe une place de choix. La mythologie grecque, tout d’abord, avec cette figure d’un Ptolémée de quatre-vingt dix centimètres de haut portant le feu de l’amour, de la destruction et du renouveau. Le mythe du Wicker Man, ce géant de paille et d’osier sacrifié par le feu pour éloigner le mauvais oeil, représente le monde des grands dont le héros tente de s’affranchir dans les flammes. Mais le récit fait aussi appel de nombreux mythes modernes comme les self made men ou le rêve américain dans ce qu’ils ont de plus destructeur.
Même si le foisonnement de références peut déstabiliser au début, l’écriture savoureuse et érudite fait de cet ouvrage une pépite littéraire tant par le sujet que par le verbe. Un hommage à la tragédie grecque, au roman initiatique et à Tod Browning.
Texte : Morgan Guery
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