New York, c’est (aussi) le Bronx !
Que voir, que faire dans le Bronx à New York ?
149 km². Plus de 1,5 million d’habitants. Le Bronx.
« C’est le Bronx ! » Une expression qui ne rassure pas. Et pourtant, ce borough au nord de New York, longtemps marginalisé, est bien en train de changer. Doucement. Des usines transformées en ateliers créatifs. Des ateliers convertis en lofts : la gentrification est bien là, particulièrement dans le SoBro (South Bronx).
On se balade volontiers au-delà du Yankee Stadium, on s’attable dans l’un des restaurants de Mott Haven ou de Little Italy. On s’aventure même dans le Nord, l’une des zones les plus pauvres, pour flâner dans le plus beau cimetière de la ville. On reste vigilant, la criminalité est toujours présente ; mais on s’invite, en curieux, dans un quartier à l’indéniable vitalité.
Le Bronx vaut le détour. Qu’on se le dise !
Préparez votre voyage avec nos partenairesThe Bronx, une histoire tourmentée
Ce furent d’abord les autochtones Siwanoy qui occupèrent le site. Un premier Européen, le colonel Lewis Morris, quaker de la Barbade, s’installe : à l’époque New York est encore hollandaise. Puis un certain Jonas Bronck, Néerlandais né en Suède, arrive en 1639, achète des terrains et construit sa maison. Tout naturellement, le site prend son nom « the Bronx » ; forcément, l’endroit se développe, mêlant immigrants Irlandais et Italiens, Haïtiens et Africains.
En 1874, une partie du Bronx est incluse dans le comté de New York et la première ligne de métro est créée en 1904. Manhattan se développe après-guerre, reléguant les plus pauvres, majoritairement Portoricains et Afro-Américains, dans ce quartier. Croissance démographique, indigence galopante, l’insécurité gagne le borough dans les années 1960. Incendies volontaires pour toucher des assurances, montée en puissance des gangs, tous ceux qui le peuvent encore fuient le district.
Dix ans plus tard naît le hip-hop. Mais la lente agonie du Bronx se poursuit. Les Black Spades, Bachelors et autres Savage Skulls sont les rois du ghetto, les maîtres des trafics, les semeurs de morts. Plus de 40 % des immeubles sont brûlés ou délaissés. En 1977, une panne de courant plonge la ville dans le chaos, et met en lumière le quartier le plus malfamé de New York. Il faudra attendre les années 1980 pour que, timidement d’abord, de nouveaux bâtiments sortent de terre, d’autres soient rénovés, afin d’y attirer à nouveau des habitants. Une population qui croît… mais toujours aussi pauvre et en proie aux violences.
En 1994, Rudolph Giuliani, nouveau maire de New York, promet de nettoyer toute la ville. La peur change – un peu – de camp et la criminalité baisse largement dans les années 2000. Certaines zones, notamment au sud, se gentrifient, repoussant inexorablement les plus démunis vers le nord. Pour autant, s’il est désormais possible de visiter une bonne partie du Bronx – en journée de préférence –, certains quartiers restent dangereux.
C’est dans le Bronx que se trouve la plus ancienne demeure de New York, la Van Cortlandt House Museum édifiée en 1748 par Van Cortland, un riche marchand de grains. Belle pierre de taille, pur style georgien. Elle abrite aujourd’hui un musée. Autre record pour le Bronx, son zoo qui est le plus grand zoo citadin des États-Unis ! Vraiment gigantesque, il abrite plus de 6 000 individus, qui évoluent en semi-liberté dans une nature généreuse, sur plus de 100 ha.
Belmont et Arthur Avenue : la vraie Little Italy est dans le Bronx
À Belmont, on est loin de la Little Italy devenue folklorique de Manhattan. Dans ce quartier glissé entre Fordham Road au nord et la 183rd St au sud, cette petite Italie parle toujours italien et vante ses origines par un drapeau tricolore peint sur la chaussée. Le quartier a une riche histoire, et c’est d’abord à un Français qu’on la doit : Pierre Lorillard, un huguenot arrivé à New-York en 1760 pour y fonder la première société de tabac, qui existe toujours, désormais sous le nom de Loews Corporation.
De Manhattan, il s’installe dans le Bronx, achète des terres et y érige son domaine, Belle Mont, que son arrière-petite-fille, Catherine Lorillard-Wolfe vend aux enchères un siècle plus tard. Une partie hébergera le jardin botanique et le zoo, le manoir familial deviendra l’actuel hôpital St Barnabas et les terrains de Belmont se transforment en quartier peu à peu occupé par les immigrants irlandais et surtout italiens qui ouvrent un marché aux chariots des plus prospères sur Arthur Avenue. C’est ce même marché de détail que le maire d’alors, Fiorello La Guardia, inaugure en 1940 : la Little Italy du Bronx avec ses légendes et ses vrais mafieux, était née.
On y flâne avec bonheur aujourd’hui, entre les étals embaumant les produits italiens. On mate le Hillary Clinton's Favorite – un sandwich salami, mozzarella fumée, tomate séchée, poivrons et laitue – avec gourmandise et l’on s’attable à côté de policiers à l’accent chantant, le temps d’un véritable ristretto.
Le quartier aligne les tables, généralement tenues par la même famille depuis plusieurs générations : on ne plaisante pas avec la pasta ou la pizza. C’est le cas du Mario’s Restaurant, celui-là même de la série les Sopranos. À deux pas de là, la coquette église centenaire Notre-Dame du Mont Carmel a donné un autre surnom au quartier, « Monte Carmelo ». On a bien vu de vénérables vieilles dames, tout de noir vêtues, se signer en passant devant, mais pas l’ombre d’un mafieux.
À proximité de Little Italy, le jardin botanique New York Botanical Garden vaut le détour pour sa richesse et aussi la Old Snuff Mill, le plus grand bâtiment de l'usine de tabac érigée par Lorillard. En décembre, le festival de trains électriques circulant dans les serres (Holiday Train Show) est l’un des musts de Noël à New York.
Grand Concourse, les Champs-Élysées du Bronx
À la sortie du métro Kingsbridge Road, on est quelque peu dérouté : c’est ici le Bronx ? On est sur Grand Concourse, une avenue aérée longue de 8 km conçue au début du XXe siècle par Louis Aloys Risse, un ingénieur originaire de Lorraine.
Ces sortes de Champs-Élysées new-yorkais, censés prolonger Manhattan à l’époque, racontent le Bronx, avec leurs résidences luxueuses dotées d‘ascenseur – une rareté à l’époque – et ses poumons verts.
Dans ce petit square, une maisonnette en bois fatiguée : c’est la dernière demeure d’Edgar Allan Poe qui délaissa Manhattan pour aller à la campagne, plus saine pour sa femme tuberculeuse. Là, c’est le Paradise Theater, ouvert en 1929. Tour à tour, théâtre, salle de concert, église, cinéma, il est, pour l’heure, à l’abandon.
Mieux vaut reprendre le métro pour aller visiter, beaucoup plus au sud, le Bronx Museum of the Arts. Un premier musée est inauguré en 1971 puis un second en 1983, agrandi en 2008. Son architecture moderne mais décevante tranche avec la variété de sa collection d’œuvres contemporaines et du XXe siècle : plus de 800 sculptures, peintures, photographies, notamment sud-américaines, africaines et caribéennes.
Autre objet de curiosité, la Andrew Freedman Home, maison de retraite pour personnes âgées de toutes conditions sociales… et des artistes en résidence qui consacrent 20 h par mois à la communauté ; le site est si vaste qu’il s’ouvre également pour des expositions, afin de rapprocher l’art des communautés locales.
Allez, on finit par ce qui est le seul site où se sont toujours aventurés touristes et New-Yorkais : le Yankee Stadium. Inauguré en 1917, il a vu défilé toutes les stars de baseball de Joe DiMaggio à Mariao Rivera et Babe Ruth. L’ancienne arène a été détruite, remplacée en 2009 par celle qui accueille désormais l'équipe de football New York City FC : 50 000 places, des restaus, un musée, et même un mémorial à la gloire des plus grands joueurs.
Le Joker, vous connaissez ? Vous le revoyez sur son escalier du Gotham, esquissant quelques pas de danse ? C’est ici, sur West 167th Street, glissé entre Shakespeare Avenue et AndersonAvenue : quelque 130 marches pour rejouer la scène.
Le berceau du hip-hop
11 août 1973, salle communautaire du 1520 Sedgwick Avenue. Cindy Campbell organise une fête de rentrée pour s’acheter des fringues ; elle sollicite son frère Clive, alias DJ Kool Herc, pour ambiancer la soirée. Deux platines, du hard funk et du reggae – le garçon a grandi en Jamaïque : le hip-hop était né.
Noirs et Latinos s’en emparent, les block-parties fleurissent, l'industrie musicale s'y intéresse. On connaît la suite de l’histoire de ce mouvement qui filera vers le rap. D’ailleurs, le rappeur KRS-One, en hommage au DJ, a emménagé en 2023 dans l’immeuble de Sedgwick Avenue. Peut-être le croiserez-vous ? En revanche, il faut avoir un peu de chance pour pouvoir pénétrer dans l’antre sacré… qui n’intéressera que les fous de hip-hop : la salle, vide, ne recèle aucun souvenir.
D’autres lieux sont également emblématiques de cette époque, les parcs publics où les ados jouent au basket, bastion des jams en plein air : gratuits, assez grands pour accueillir un large public, économiques car les platines étaient branchées aux lampadaires publics, accueillant même des mineurs et peu de chance que les familles voisines appellent la police pour tapage nocturne !
C’est dans l’un de ces parcs, Cedar Playground, à 15 minutes de là, que Herc gagna en notoriété. Aujourd’hui encore, l’été, des Celebratrion Days Hip-Hop sont parfois organisées ici.
Il faudra attendre encore un peu pour visiter le très attendu Universal Hip Hop Museum, très prometteur dans ses programmations – mettant en valeur DJing, animation, break dance, graffiti et culture ; il est en construction, mais son site internet est déjà très interactif. Il devrait ouvrir, on l’espère, fin 2024.
Le cimetière de Woodlawn
Considéré comme l’un des plus beaux du pays, ce cimetière, membre du National Historic Landmark est largement boudé par les touristes. Et pourtant. Ces 160 ha – 4 fois la superficie du Père Lachaise à Paris ! – hébergent plus de 1 300 tombes et mausolées. Véritable parc superbement entretenu, il étire collines et lacs, et jusqu’à un arboretum de 400 espèces uniques.
Il peut dérouter aussi : les tombes sont largement éparpillées, certains mausolées ressemblent à de véritables temples antiques égyptiens ou grecs quand d’autres jouent la carte byzantine ou Renaissance. Des statues, des obélisques et même des sphinx : on frise souvent un kitsch absolu, effaçant presque la destination première du lieu. Il ne faut pas hésiter à s’approcher, tourner autour de ces monuments pour détailler ici un superbe vitrail, là un bas-relief admirablement ciselé.
On s’en doute, de nombreuses célébrités sont enterrées ici. Ainsi les amateurs de jazz ne manqueront pas de repérer les modestes plaques de Duke Ellington, Miles Davis ou Lionel Hampton – regroupées dans une même zone. Herman Melville, l’auteur de Moby Dick pourrait deviser avec Joseph Pulitzer. On croise La Guardia, le célèbre maire de New-York, l’illustrateur John Barrymore Flagg, fameux pour son affiche de recrutement lors des deux guerres mondiales (« I Want You for U.S. Army » pointait l’Oncle Sam) ou encore Ralph Johnson Bunche, premier prix Nobel de la paix afro-américain.
Fiche pratique
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Office de tourisme de New York
Comment y aller ?
Vols directs quotidiens depuis Paris-CDG vers New York avec Air France (JFK et Newark), Delta, Norse Atlantic (JFK), United (Newark) ; vols depuis Orly avec French Bee (Newark), depuis Paris et Nice avec La Compagnie (Newark). Trouvez votre billet d’avion.
Où dormir ? Où manger ?
– Opera House Hotel : 436 East 149th St. Construit en 1913, un siècle plus tard, seule la façade atteste du faste passé de l’ancien opéra du Bronx : s’y produisirent entre autres les Marx Brothers. Situé dans SoBro, il offre 78 chambres de belle taille. Doubles à partir de 134$.
– Beatstro : 135 Alexander Ave. Ne vous fiez pas à la vitrine, qui laisse entrevoir un magasin de 33-tours et franchissez le rideau : il y a du speakeasy dans ce restaurant. De la vibe aussi, façon hip-hop. Des canapés de velours baroque, un mur tout en cônes dorés, et une cuisine aux accents portoricains : mofongo, poisson-chat croustillant ; il n’est pas impossible d’y croiser une star de la scène hip-hop. Plats 17-27$.
– Charlies Bar & Kitchen : 112 Lincoln Ave. Hébergée dans l’ancien hall de la Clock Tower, elle a tout d’un pub, cette ancienne fabrique de pianos, et jusque dans l’assiette : une carte courte pour des plats qui tiennent au corps comme ces wings sauce barbecue, escortées de frites à l’ail. Aux murs une ribambelle de portraits de Charles (Chaplin, Parker, Lindbergh…) et en fond sonore, des pépites hip-hop et du R&B. Plats 14-26$.
– Marios Restaurant : 2342 Arthur Ave. Cinq générations de Migliucci, une famille napolitaine, se sont déjà succédé depuis 1919 dans ce restaurant de Little Italy. Une déco un poil surannée mais une cuisine fraîche et des plats préparés à la minute. Plats 18-26$.
– The Bar 47 Bruckner : 47 Bruckner Bd. Un comptoir en noyer et des miroirs vintage, une radio hors d’âge et un juke-box silencieux, et cette table de billard déjà bien entourée. L’endroit est chaleureux, bruyant juste ce qu’il faut et les cocktails frappés à souhait.
Où faire du shopping ?
– UP NYC : 2490 3rd Ave. Fat Joe, natif du Bronx, est l'un des plus grands collectionneurs d'Air Jordan du hip-hop. En 2016, il franchit le pas et ouvre une première boutique de baskets et de vêtements de grandes marques. Une déco design, un accueil souriant et une sélection pointue.
– Larry Zinzi : 2419 Eastchester Rd. On est bien dans le Bronx et c’est ici que l’on trouve le premier expert en antiquités des studios Tiffany, Handel et Loetz ; des bronzes, des lampes, des chandeliers, des vases, des cadres : si vous aimez ce style, vous allez vous régaler.
– The Lit. Bar : 31 Alexander Ave. C’est la seule librairie indépendante du Bronx ouverte par Noëlle Santos, originaire du borough. En plus, on peut s’installer, savourer un verre de vin en discutant avec les autres clients. C’est exactement ce que sa propriétaire cherche : encourager les rencontres et les discussions.
Où sortir ?
– SouthBoX Gym : 171 Lincoln Ave. Eric Kelly, quadruple champion national de boxe, a raccroché les gants pour installer cette salle de boxe avec pignon sur rue. Si l’envie vous en prend de vous entraîner, il propose des pass à la journée.
– The Bronx Brewery : 856 E 136th St. Elle est née ici, à Port Morris, cette brasserie. Et depuis, elle a essaimé. Mais c’est bien ici qu’est son âme, dans cette ambiance bruyante et joyeuse. Une salle de dégustation avec des canapés confortables, un baby-foot et une gigantesque arrière-cour aux beaux jours. Tout ce qu’il faut pour chiller autour d’une pinte bien fraîche accompagnée d’un porc effiloché à la mode portoricaine.
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Texte : Pascale Missoud
Mise en ligne :