Ibiza mon amour
Auteur : Yves Michaud
Editeur : Nil Editions
364 Pages
Une enquête sociologique et philosophique sur la frivole Ibiza ? Voici le défi relevé avec brio par Yves Michaud, le très sérieux fondateur de l’Université de tous les savoirs.
Loin d’être un pensum jargonnant, cet ouvrage se dévore avec plaisir, ce qui est la moindre des choses au vu du sujet. Pourquoi s’intéresser à Ibiza, au fait ? Tout simplement parce que cette île de la fête et des excès est le révélateur du moteur de nos sociétés occidentales : l’hédonisme à tout prix.
Ibiza symbolise, selon Michaud, un nouvel âge du capitalisme, passé de la contrainte à l’industrialisation du plaisir. Chaque année, l’île des Baléares attire 3 millions de touristes venus – dans leur immense majorité – s’éclater dans des boîtes de nuit gigantesques, ouvertes 24h/24, avec pour triple mot d’ordre : sexe, drogues et crème solaire.
Comment la rurale Ibiza en est-elle arrivée là ? Tout a commencé dans les années 1930 avec l’engouement d’écrivains bohèmes (Benjamin, Camus, Cocteau…) qui ont lancé une « mode Ibiza ». Dans les années 1960, les hippies débarquent sur Ibiza où ils vivent en rupture avec les contraintes sociales et sexuelles. C’est l’île du film culte des années baba cool, More, de Barbet Schroeder.
À partir de cet imaginaire mythique, l’île a créé de toutes pièces une « marque Ibiza », destinée, à coups de vols low cost, de séjours all included et de night clubs aux noms suggestifs (Paradise, Pacha, Amnesia) à attirer des millions de touristes. Et ça marche !
Fruit d’une enquête de terrain de trois ans, Ibiza mon amour montre l’envers de la grosse machine du monde de la nuit – où le plaisir n’est pas au rendez-vous pour tout le monde : l’utopie libératrice des sixties s’est muée en pompe à fric, tandis que la soif de rencontres se révèle l’envers d’un individualisme et d’un malaise social qui favorisent l’addiction. Un passionnant voyage dans l’usine à sensations qu’est Ibiza.
Texte : Jean-Philippe Damiani
Mise en ligne :