Cordillère Blanche : sur le toit du Pérou
On vous dit Pérou ? Vous pensez Machu Picchu ou lac Titicaca… Pourtant, la cordillère Blanche, plus au nord, moins sous le feu des projecteurs, est un lieu exceptionnel de beauté.
La plus haute chaîne de montagnes tropicale de la planète a tout pour séduire : des cimes enneigées perdues dans un ciel insolemment bleu, des lacs haut perchés, une faune et une flore parfois endémiques, des sites archéologiques d'altitude, des canyons profondément tailladés.
Une nature sublime, qui possède toutefois sa face sombre : une activité géologique capricieuse, parfois dévastatrice.
Cette cordillère est un domaine privilégié des randonneurs et alpinistes de tous bords, au même titre que les massifs du Cotopaxi ou du Chimborazo (Équateur), des Torres del Paine (Chili), de l'Aconcagua ou du Fitzroy (Argentine).
Alors, direction Huaraz, véritable Katmandhu des Andes, affûtez vos pataugas, et en marche !
Préparez votre voyage avec nos partenairesOù les Andes tutoient le ciel
À Huaraz, le ton est donné. Planté devant sa tasse de maté de coca, histoire de conjurer le mal de tête qui se manifeste déjà par 3 100 m d'altitude, on mire le soleil qui inonde le blanc immaculé de la montagne.
Joyau de la cordillère des Andes, la cordillera Blanca barre tous les horizons. Ici, baroudeurs, randonneurs et escaladeurs ont pour objectif le Parc national du Huascarán (photo), dominé par l'énorme volcan éponyme (6 788 m), toujours actif sous sa calotte de glace.
Son frère cadet, le Huandoy (6 395 m) ne manque pas d'atouts. Quant au benjamin de la famille, l'Alpamayo, son profil en pointe de diamant aurait servi de modèle au célèbre emblème de la Paramount.
Les agences foisonnent pour mener vos pas sur ces pentes merveilleuses, classées au patrimoine mondial de l’Unesco, dans des aventures où chacun trouvera chaussure à son niveau.
On peut compter sur des guides sérieux, du matériel de qualité, des topos à jour et des mules pour porter les bagages (à ces altitudes, le soroche, mal des montagnes, coupe vite les jambes et le souffle).
Le fameux trek de Santa Cruz (4 jours), ou le tour de l'Alpamayo (10 jours) font bien envie. Mais attention à ne pas avoir l’œil plus acéré que le piolet…
Ici, les secours en montagne sont modestes. Un cadre sur le mur de l'hôtel illustre cette dure réalité : on y voit la photo d'un gars, 20 ans, costaud, rayonnant, avec pour épitaphe la dernière phrase pleine d'entrain qu'il a prononcée, juste avant de dévisser.
On vous rassure, le sens de l'histoire est majoritairement plus joyeux. On peut donc partir, averti mais serein !
Des lagunas comme s'il en pleuvait !
Bienvenue dans un univers minéral fait d'eau et de roche, à la découverte de ce que la rando fait de mieux dans le coin !
La laguna Churup est une petite perle qui se dévoile à qui sait faire un effort : 30 min de minibus depuis Huaraz, puis 3 h 30 de montée ad pedibus sur près de 700 m de dénivelé.
Après un passage un peu délicat en fin de parcours (avec main courante), on atteint ce magnifique lac d'altitude (4 485 m) irisé d'un très beau nuancier de vert et de bleu. Les roches grises des montagnes viennent se baigner les pieds dans ce must de la cordillera Blanca.
Plus vaste, la laguna 69 (4 550 m) est célébrée pour ses eaux turquoise que surplombe le gris Chacraraju (6 112 m), avec son chapeau de neige. La rando d'une journée s'organise depuis Huaraz, via la petite ville de Yungay d'où partent des collectivos pour Cebollapampa.
Ensuite, c'est huile de genoux et souffle court pendant 3 h 30, sur des pentes d'abord bien vertes, puis, au gré de roches, de plus en plus nues.
Enfin, les lagunas Llanganuco sont parfaitement accessibles en véhicule depuis Yungay. Si la piste est parfois rude, on ne regrette pas la balade qui permet de découvrir un habitat rural où les paysans indiens cultivent le maïs.
Ensuite se profile une impressionnante cassure de la montagne, dans laquelle s'instille la piste, sous des falaises noires, rendues brillantes par des cascades diaphanes.
Et puis, entourées de forêts de quenuales, surgissent les eaux des deux lacs, d'un vert profond, dans lesquelles se reflètent les magnifiques sommets enneigés du Huascarán. Splendide !
Si précolombiens et si près du ciel
Le versant ouest de la cordillera Blanca réserve une belle surprise archéologique. Par-delà un col à 4 516 m, des paysages sauvages et une interminable piste où le virage est roi, le site de Chavín de Huantár se blottit dans un pli de montagne, à 110 km de Huaraz et à 3 200 m d'altitude.
Son remarquable état de conservation fait oublier qu'il est l'un des plus anciens témoignages de la présence humaine recensés dans les Amériques, vestige de la civilisation chavín (1 000 à 300 av. J.-C.). Il est classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Sur fond de vertes collines, la visite débute par l'esplanade nord, où se dresse l'énigmatique obelisco Tello (photo), gravé de motifs géométriques alambiqués. On accède ensuite à la plaza Mayor, joliment parée de dalles polies et dressées, où se tenaient cérémonies et festins.
En contre-haut, l'imposant castillo constitue le corps principal du site. On y accède par la plaza menor, circulaire, dédiée aux cérémonies des seuls édiles de la communauté.
Les entrailles du castillo offrent un impressionnant jeu labyrinthique de galeries souterraines, escaliers, puits d'aérations... on y a découvert le plus étonnant des vestiges de ce site, le lanzón.
Ce totem, haut de 5 m, est surmonté d'une figure mêlant l'aigle, le jaguar et le serpent. Trois divinités vénérées dans la culture chavín. En sortant, sur le bel appareillage de pierres du rempart, l'autre pièce majeure du site est une superbe cabeza clava. Une vingtaine de ces figures zoomorphes est exposée dans l'intéressant musée archéologique de Chavín.
La vigogne, le puma et le colibri...
Les cimes de la cordillère sont un terreau parfait où s'épanouissent une superbe faune et une flore non moins prolifique.
Le cerf de Virginie (touriste gringo en terre andine), la vigogne ou le taruka (espèce en danger, endémique de la puna) pâturent de 3 500 à 4 300 m, tout comme le viscacha, un lapin de garenne qui se régale d'herbes dont il prend la couleur (un excellent camouflage).
Sur les lacs d'altitude, l'étonnante sarcelle de la puna exhibe un joli bec bleu, pendant que le colibri géant toise le reste de sa famille du haut de ses 22 cm. Enfin, le minuscule tapaculo de Ancash ne piaille qu'au Pérou, entre autres dans la cordillère Blanche.
Plus difficile à voir, l'ours à lunettes (ours andin) est le seul ursiné d'Amérique du Sud. Il ajuste ses lorgnons de 800 à 4 700 m d'altitude. Le rare et discret chat andin vit du Pérou au nord de l'Argentine. Avec le puma, ils trouvent dans ces montagnes un idéal terrain de chasse, tout comme le zorro andino (renard andin) qui avance masqué...
Côté végétation, deux espèces sont spécifiques à ces contrées. Le Puya de Raimondi (photo), de la famille des ananas, essaime la cordillère noire de 3 800 à 4 500 m, au dessus de Caraz. Il lui faut 40 à 100 ans pour fleurir (!). Son inflorescence, la plus grande au monde, mesure 11 m et contient près de 8 000 fleurs.
Le quenual, lui, est un bel arbre au tronc rouge qui croît jusqu'à 5 200 m d'altitude, là ou peu de ses congénères survivent. Dans ses forêts se développe un écosystème complet où chacun dévore son voisin... oiseaux et chauves-souris s'y ébattent, alléchant chat ou renard andins.
Une véritable fable de La Fontaine !
Un musée de l'improbable
C'est fou ce qu'un musée municipal peut réserver de belles surprises. C'est le cas de celui de Caraz qui présente des pièces exceptionnelles issues de fouilles archéologiques dans la région.
À la rubrique math sup, des bouliers en pierre (Yupanas) : ces blocs de roche gravés en un complexe agencement de plateaux plus ou moins hauts recevaient des billes de différentes couleurs.
Les combinaisons résultantes permettaient aux comptables de régler leurs comptes en famille... une mathématique d'autant plus redoutable qu'ils comptaient sur les 8 doigts de la main (et pas en décimal)...
Un peu plus loin, une gamme d'instruments de musique démontre la maîtrise des luthiers indiens qui travaillaient os, coquillages et pièces de bois pour les dédier au dieu Pan... Et puis, des poteries sont ornées de motifs peints et autres bas-reliefs, dont une scène digne du Kâmasûtra sur une bouteille en terre cuite du 9e s.
Au rang des armes, une banale petite fronde en paille très finement tressée rappelle que la taille du canon ne fait pas la grandeur des nations : David l'emporta bien sur Goliath...
Mais, le clou du musée est indéniablement Ichik Nuna (photo), une incroyable momie ! Du haut de ses 18,5 cm (!), elle est la plus petite du Pérou et sans doute du monde. Découverte en 1969 sur le site de Ramrash, cette dépouille date du 6e ou 7e s. Il s'agirait d'un bébé prématuré de 6-7 mois ou d'un enfant frappé de nanisme.
Et, pour avoir été entouré de tant de prévenances, l'enfant était indéniablement issu de la noblesse Huaylas. Le sexe n'ayant pu être déterminé, on restera sur cette impression qu'il s'agit peut-être d'un ange...
Le Canyon del Pato, époustouflant
Au nord de la cordillère, demeure une merveille géologique à parcourir en guise de bouquet final : le canyon del Pato (photo)...
De loin, la cordillera Blanca semble vouloir fricoter avec la cordillera Negra... Elles se touchent du bout des lèvres et l'on se demande où va bien passer la Nationale 3 qui s'engage vers cet obstacle naturel.
Alors débutent les gorges, creusées par le temps et les eaux limoneuses du rio Santa. Des gorges qui se font de plus en plus profondes, tandis que la route s'accroche aux parois abruptes.
De tunnel en tunnel (35 en tout), les à-pics se font vertigineux. Les croisements deviennent impressionnants, sur cette piste pas très large qui ne rebute ni camion ni bus. Dans les deux sens, évidemment. Alors, il faut serrer de bien (trop) près le vide. On se rejoue Le Salaire de la peur... en surplombant parfois de 200 m le rio qui rigole bien tout au fond.
Quant à la montagne, elle s'est parée de tous ses atours pour ce mariage de circonstance. Au plus étroit, les deux cordillères s'affleurent à tout au plus 2 m l'une de l'autre. Elles exhibent une palette de couleurs à faire baver un géologue, fondent parfois dans une crise de larmes de pierres qui dégoulinent sur des centaines de mètres des versants pentus.
La noce dure près de 13 km, jusqu'à une série d'épingles à cheveux qui conduit dans un semblant de vallée. Qu'on ait fait la traversée en véhicule individuel ou en bus (squattez les places de droite en descendant le canyon), c'est alors seulement qu'on reprend son souffle. Pour continuer le périple vers d'autres aventures, plus au nord.
Fiche pratique
Pour préparer votre voyage, consultez notre guide en ligne Pérou
Comment y aller ?
Huaraz se trouve à 8 h de bus de Lima, l’aéroport est relié quotidiennement à la capitale péruvienne.
Vols quotidiens directs Paris CDG – Lima avec Air France. Vols en correspondance avec Iberia, Delta, American, TAM… Trouvez votre billet d’avion pour le Pérou.
Où dormir ?
Pour dormir à Huaraz : compter 70-120 NS la chambre double.
Alpa-K Montañero : parque Gienbra 30b.
Churup Guest House : Amadeo Figero, 1257.
Pour manger et boire un coup à Huaraz :
- El Rinconcito Minero : Julián de Morales, 757. Petit resto très populaire, bien typique, aux prix serrés.
- Café 13 Buhos : parque Ginebra. Un petit lieu branché et très agréable pour goûter une bière brassée localement, à... la feuille de coca !
Trouvez votre hôtel au Pérou.
- Parc national Huascarán : accès au parc de 70 NS/pers. Achat aux points d'entrée ou à la SERNANP. Sal y Rosa, 555, Huaraz. sernanp.gob.pe
- Agences de trekking à Huaraz :
- Quechuandes : notre agence favorite. Gérée par Marie (francophone) et David. Av. Luzuriga, 522.
- Monttrek : une prédilection pour l'escalade et certains treks haut perchés. Av. Luzuriga, 646.
Texte : Fabrice Doumergue
Mise en ligne :