Pays-Bas : Delft, sur les traces de Vermeer

Pays-Bas : Delft, sur les traces de Vermeer
Hôtel de ville de Delft © Sergii Figurnyi - stock.adobe.com

Moins connue qu’Amsterdam, Delft n’en a pas moins été l’une des principales villes des Pays-Bas du XIVe au XVIIe siècle. Réputée pour ses faïences bleues, elle l’est aussi pour avoir été la ville de Vermeer, l’un des grands peintres du Siècle d’or hollandais auquel deux expositions exceptionnelles sont consacrées au Rijksmuseum d'Amsterdam (billlets épuisés) et au Prinsenhof de  Delft jusqu’au 4 juin.

S’offrir une escapade à Delft – ville aisément accessible en train, via Rotterdam, de la France – permet de se familiariser avec ce peintre et avec l’histoire des Pays-Bas, tout en profitant de l’ambiance très romantique des canaux.

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Delft, la ville de Vermeer

Delft, la ville de Vermeer
Binnenstad © Christophe Cappelli - stock.adobe.com

Avec ses 106 000 habitants dont 29 000 étudiants, son université technique (la plus grande des Pays-Bas), Delft est une ville jeune et dynamique. Cependant, le Binnenstad (centre historique) avec ses grandes places et ses canaux bordés de maisons de briques rouges ou ocre, garde les traces de son glorieux passé. Et tout y parle encore de Johannes Vermeer.

Le peintre y est né en 1632. Fils d'un ancien tisserand devenu aubergiste et marchand de tableaux, il s’y est marié, y a peint et exercé, à la suite de son père, le métier de marchand de tableaux, avant de mourir à seulement 43 ans, ruiné par l’effondrement économique provoqué par la guerre entre les Pays-Bas et la France de Louis XIV.

Peintre parcimonieux, Vermeer aurait peint en tout et pour tout 45 tableaux. Les 37 aujourd’hui répertoriés sont dispersés dans le monde entier. Le musée de Delft, le Prinsenhof, lui, ne possède ni n’expose aucun Vermeer.

À l’époque du peintre, les Pays-Bas – protestants – s’arrachent à la tutelle de l’Espagne. À la différence du baroque flamand dans lequel Rubens a excellé à Anvers, resté dans le giron catholique, la peinture néerlandaise évite alors les sujets religieux (interdits par le calvinisme) mais goûte les scènes de genre, les portraits, les natures mortes. L’œuvre de Vermeer en témoigne mais se distingue par l’atmosphère recueillie insufflée à ses tableaux et par le traitement particulier de la lumière.

Les sites liés à Vermeer à Delft

Les sites liés à Vermeer à Delft
Beestenmarkt © Michael Kooren - Visit Delft

Pour percer quelques-uns des secrets de Vermeer et de son temps, il suffit de suivre à pied, dans le centre historique de Delft, le circuit qui inclut douze sites emblématiques liés au peintre, avec panneaux explicatifs in situ : il est présenté dans un dépliant gratuit, avec carte, que l’on trouve à l’office de tourisme. L’entrée de plusieurs sites est payante. Pour bénéficier de réductions, acheter un Vermeer Combiticket (actuellement indisponible, NDLR 02/05/2023).

Quelques-uns au moins de ces douze sites méritent d’être vus. Pour commencer, la Beestenmarkt. Sur cette place aujourd’hui très animée, avec ses restaurants, ses cafés, et l’été, ses terrasses, se déroulait, jadis, le marché aux bestiaux. Vermeer n’y a jamais vécu, mais son père Reynier Jansz, y est né – au numéro 26 – en 1591, tout comme sa sœur Geertruy.

Reynier Jansz, qui a adopté le nom de Vermeer seulement en 1640, s’installera ensuite non loin de là, aux 25/26 de la rue Voldersgracht pour y tenir l’auberge De Vliegende Vos, actuellement fermée. C’est là que le petit Johannes est né.

Voldersgracht est parallèle à la place du Grand-Marché. Du côté opposé, se trouve la rue Oude Langedijk. Au 25 habitait Maria Thins, la très catholique belle-mère de Vermeer. Le peintre a vécu dans sa maison avec sa femme Catharina et leurs nombreux enfants, pendant les quinze dernières années de sa vie.

Centre Vermeer © Michael Kooren - Visit Delft

Sur la place du Grand-Marché s’élance la Nieuwe Kerk (église neuve) où a été baptisé Vermeer. En revanche, il a été inhumé le 15 décembre 1675 dans la Oude Kerk, la vieille église. Reconnaissable de loin grâce à son étrange tour penchée, elle a été bâtie à partir de 1246 entre les deux principaux canaux de Delft, le Oude Delft (c’est le plus vieux canal) et le Nieuwe Delft (nouveau canal).

Le peintre a longtemps reposé dans le caveau familial de sa belle-mère. Lorsqu’après deux siècles d’oubli son œuvre a regagné en notoriété, la Oude Kerk a vu affluer les visiteurs. Il a néanmoins fallu attendre 1975 pour qu’une pierre tombale soit dédiée à Vermeer !

Retour ensuite Voldersgracht. Le n° 21 abritait, jadis, la guilde de Saint-Luc. Cette confrérie de métiers, très active, regroupait tout ce que Delft comptait d’artistes, d’imprimeurs et de marchands d’art. Après son père, Vermeer y adhéra en 1653.

Le bâtiment en brique, largement reconstruit, abrite désormais le Centre Vermeer. Y sont présentées la vie personnelle du peintre, ses méthodes de travail, des œuvres d’artistes de son temps ainsi que la Delft du XVIIe siècle. C’est le seul endroit au monde où l’on peut admirer les 37 toiles connues de Vermeer –ce sont, certes, des reproductions, mais elles sont toutes là et en taille réelle !

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Un petit crochet au sud du Binnenstad s’impose pour voir in situ et peu changée, la vue la plus célèbre de Delft au XVIIe siècle. Pour l’admirer, il suffit de se rendre jusqu’au Run-Schiekanaal. Vermeer, lui, l’avait peinte depuis le dernier étage d’une maison juchée, un peu plus au sud, sur le quai du Kolk. Quand, en 1902, Marcel Proust a découvert cette toile au Mauritshuis, le grand musée de La Haye où elle est toujours conservée, il l’a qualifiée de « plus beau tableau du monde ». Pas moins !

Ce n’est pas dans ce coin qu’il faut chercher le « petit pan de mur jaune » également évoqué par Proust. Selon les experts, « La ruelle » peinte par Vermeer se trouvait probablement dans la rue Vlamingstraat, où vivait l’une de ses tantes.

Découvrir le Prinsenhof de Delft

Découvrir le Prinsenhof de Delft
Musée Prinsenhof © Milos - stock.adobe.com

Même s’il ne possède aucun tableau de Vermeer, il ne faut pas rater le Prinsenhof. Non seulement ce musée se trouve sur une jolie place arborée, le long du Oude Delft (vieux canal), mais il loge dans le beau bâtiment en brique qui a abrité, jusqu’au XVIe siècle, un couvent de femmes dédié à sainte Agathe.

Un épisode tragique de l’histoire des Pays-Bas s’y est déroulé. À la fin XVIe siècle, Guillaume d’Orange s’y était installé, avec sa cour. Ce prince avait alors pris la tête de la révolte contre la tutelle du roi d’Espagne qui conduira, après la guerre dite de Quatre-vingts Ans, à l’indépendance des Pays-Bas. Il fut assassiné le 10 juillet 1584 par un fondamentaliste catholique. L’impact des balles reste visible dans un mur.

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Les Français ont entendu parler de Guillaume d’Orange mais n’en savent souvent pas grand-chose. Cela vaut donc le coup de prendre le temps de découvrir les collections permanentes du Prinsenhof. Elles racontent son histoire et la guerre entre les provinces unies du Nord, passées au calvinisme, et le très catholique royaume d’Espagne. Elles regorgent d’œuvres d’artistes locaux du Siècle d’or.

Une halte sur sur la place du Grand-Marché de Delft

Une halte sur sur la place du Grand-Marché de Delft
Nieuwe Kerk - Groot Markt © JackF - stock.adobe.com

La place du Grand-Marché (Groot Markt) n’est pas intéressante seulement parce que Vermeer a passé toute sa vie dans ses parages ! Ses dimensions, imposantes, disent l’importance marchande qu’a eue Delft jadis, grâce au transport fluvial.

Sur cette place s’élance la très emblématique et très gothique Nieuwe Kerk (nouvelle église). Dans son chœur trône l’impressionnant mausolée, en pierre noire et blanche, de Guillaume d’Orange, véritable « père de la patrie ». Dans la crypte en dessous reposent la plupart des membres de l’actuelle famille royale des Pays-Bas qui descend de Guillaume d’Orange.

La tour de la Nieuwe Kerk offre une vue panoramique sur Delft. Évidemment, pour en profiter, il faut grimper 400 marches… De l’autre côté de la place se trouve l’hôtel de ville de Delft. Un bijou de style Renaissance !

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Chaque jeudi, la Groot Markt accueille encore entre l’hôtel de ville et la Nieuwe Kerk, un marché, prisé des Hollandais comme des touristes : s’il fait beau, une fois fait le tour des 150 stands, n’hésitez pas à prendre un verre à l’une des terrasses en plein air. Le marché d’antiquités et d’art, lui, se tient le samedi, d’avril à fin octobre, sur la Voldersgracht et le long des canaux du Hippolytusbuurt et Wijnhaven.

Balade le long des canaux de Delft

Balade le long des canaux de Delft
Nieuwe Delft © rh2010 - stock.adobe.com

Delft rivalise avec Amsterdam ou Bruges, tant la balade le long de ses canaux se révèle romantique. Attention tout de même avant de traverser les rues ou d’emprunter les innombrables ponts, les Néerlandais se déplacent à deux-roues à toute vitesse !

À la pointe sud d’une presqu’île formée par les deux principaux canaux, l’Oude Delft et le Nieuwe Delft, un imposant bâtiment en brique a été construit en 1602, alors que Vermeer n’était pas né, pour abriter l’arsenal de la ville. Rénové depuis peu en mettant en valeur son imposante structure en poutres de chêne, il héberge désormais le très élégant hôtel Arsenaal.

Oude Delft © Kavalenkava - stock.adobe.com

Juste en face, sur l’Oude Delft, les armoiries de la VOC, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, ornent toujours le pignon d’un bâtiment cossu occupé à partir de 1631 par cette vénérable maison. Avec plus de 100 navires, six succursales aux Pays-Bas, des bureaux en Asie et des milliers d’employés, elle a été la plus grande société commerciale du monde ! Grâce à elle et à l’empire colonial hollandais, Delft a connu, autrefois, un essor (25 000 habitants) et une prospérité formidables.

Sur l’Oude Delft, en face du Café Uit De Kunst, se trouve la Voordekunst. Cette étrange cabine téléphonique est sûrement la plus petite galerie d’art du monde ! Chaque mois, un artiste différent y expose.

Au-delà de ces points d’intérêt, il est agréable de musarder le long des nombreux canaux. La partie la plus photogénique se trouve à l’angle des rues Nieuwstraat et Wijnhaven. Sur les quais s’alignent boutiques, restaurants et cafés sympas, comme le Uit De Kunst, au 140 du Oude Delft.

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Les Pays-Bas sont un pays de buveurs de bière. À Delft, cette industrie a eu ses heures de gloire au XVIsiècle, avec pas moins de 200 brasseries. Cette activité a périclité par la suite, mais la brasserie Bierfabriek Delft maintient la tradition. Au 45-49 Burgwall, sa bière peut se boire au comptoir ou en salle. Blonde, brune ou rouge, elle est excellente !

Admirer la célèbre faïence de Delft

Admirer la célèbre faïence de Delft
Royal Delft © Michael Kooren - Visit Delft

Au moins autant qu’à Vermeer, sinon plus, Delft doit sa célébrité au célèbre « bleu de Delft » dont les origines se trouvent en Extrême-Orient, plus précisément à Nanjing, en Chine, dont la porcelaine était très en vogue à la fin du XVIe s. Dès le XVIIe s, des Néerlandais se sont mis à imiter les motifs exotiques et le travail fin des Chinois. Ensuite, ils ont introduit des motifs hollandais, comme ceux que l’on peut voir sur les toiles de Vermeer.

Lorsque les importations ont été perturbées par des troubles politiques en Chine, les faïenciers hollandais ont pris la relève : toute l’Europe s’est arraché leurs créations. En 1695, la ville comptait 32 usines de faïence, contre deux vers 1600 !

Le musée de Delft, le Prinsenhof, possède de belles collections de vaisselles, parfois sophistiquées, mais aussi d’innombrables carreaux dont certains détaillent, façon BD, les étapes de construction d’un bateau à voile !

Delft compte encore plusieurs faïenceries, avec boutiques. Pour des pièces plus anciennes, voir le marché aux antiquités.

Le + de routard.com :

Surtout ne pas manquer la Royal Delft (196, Rotterdamseweg), la plus ancienne usine de faïence. Pendant les visites guidées, un maître-peintre réalise un motif à la main. La boutique regorge d’objets à rapporter. Et si l’on a un petit creux, il y a, sur place, le café-brasserie 1653, avec vue sur la cour intérieure.

Fiche pratique

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Office de tourisme des Pays-Bas 

Office de tourisme de Delft 

Comment y aller ?

En train : Thalys relie Paris-Gare du Nord à Rotterdam d’où un train régional mène en 15 minutes à Delft.

En avion : vols pour Amsterdam et train jusqu’à Delft via Rotterdam au départ de Schiphol.

Bonnes adresses

– Hotel De Koophandel : Beestenmarkt 30. Au coin d’une jolie place animée, l’« Hôtel du Commerce » est installé dans la maison qui vit naître en 1591 Reynier Jansz, le père de Vermeer. Chambres confortables donnant sur la place ou sur la ruelle. Doubles 130-150 €, petit déj buffet compris.

– Il existe aussi des chambres d’hôtes, comme B&B Punt Uit à 85 € la double + 12,50 € par pers. pour le petit déjeuner ; ou Bij Jeanne à partir de 89 € la double. Également l’AJ Hostel Delft à 25-35 € la nuit en dortoir de 4-8 lits.

– Stads Koffyhuis : Oude Delft 133. Plats 9-15 €. Récompensé régulièrement par le concours du meilleur sandwich de Hollande, ce café sympa sert aussi des soupes, salades, crêpes, tartes…

Texte : Paula Boyer

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