L'Ouzbékistan, sur la Route de la soie
Partir sur la Route de la soie, c’est cheminer entre l’Orient et l’Occident, là où les idées, les marchands et les explorateurs ont transité.
Cet ancien réseau de routes commerciales, développé dès la dynastie de Han jusqu’au XVe siècle, reliait la Chine à la Syrie, en passant par le Kirghizistan ou le Kazakhstan.
Quel que soit le parcours, la Route de la soie traversait invariablement l’Ouzbékistan. Mais que reste-t-il aujourd’hui de ces itinéraires mythiques, au nom si évocateur ?
Préparez votre voyage avec nos partenairesSamarcande, Bukhara, Khiva : l’Ouzbékistan de la Route de la soie
À Samarcande, Bukhara et Khiva, ils ont traversé le temps. Dans ces trois cités, caravansérails et madrasa (ou medersa) ont gardé leur superbe malgré les siècles. Et si la modernité s’y est engouffrée, sous la forme de restaurants et de boutiques de souvenirs, ce patrimoine n’en demeure pas moins éblouissant.
En Ouzbékistan, l’héritage des empires passés – turc, perse, arabe, soviétique – ne repose pas seulement dans les vitrines des musées, il vit dans la langue (russe), les traits du visage (semblables à ceux des voisins Mongols), les rites (musulmans), les effluves de grillades, les étals de pastèques et de raisins, les soirées arrosées de vodka. Il n’y a qu’en Asie centrale que cet improbable bouillon culturel nous est servi.
L’Ouzbékistan n’est toutefois pas un pays « facile ». Il y fait une chaleur accablante l’été, pas grand monde ne parle anglais, la gestion de l’argent est compliquée. Si vous ne jurez que par l’improvisation, alors il vous faudra du temps, car vous en perdrez beaucoup.
Un voyage en Ouzbékistan, c’est l’art presque perdu de renouer avec la difficulté, l’absence de repères, le mystère d’une destination peu courue. N’est-ce pas précisément pour cela que l’on prend la route ?
Samarcande, la cité des splendeurs
Samarcande, aujourd’hui une ville de 540 000 habitants, au sud-est de l’Ouzbékistan, évoque à elle seule la Route de la soie. Vieille de près de trois millénaires, elle fait partie de ces endroits, comme Zanzibar, Ushuaïa ou Pondichéry, dont le nom suffit à nous transporter.
Située au carrefour des routes de la Chine, de l’Inde et de la Perse, Samarcande attirait foules de négociants et d’artisans. Rasée par Gengis Khan, elle aurait pu disparaître des cartes si Tamerlan, au XIVe siècle, n’avait pas décidé d’y imaginer la capitale de son empire, bientôt cité sublime et incontournable de l’Asie centrale.
Les principaux monuments, que l’on peut visiter en deux ou trois jours, en attestent. On pourrait rester des heures dans la cour ombragée de la mosquée Bibi-Khanoum, qui fut en son temps la plus grande du monde musulman. La brise qui rafraîchit, l’odeur de pin, les murs épais qui isolent du bruit de la circulation : c’est le lieu le plus paisible de Samarcande (30 000 soums l’entrée).
À quelques pas de là, l’avenue de mausolées Shah-i-Zinda est un important lieu de pèlerinage. Les tombeaux renferment de remarquables mosaïques du monde musulman : certains carreaux de terre cuite sont de si bonne qualité qu’ils n’ont quasiment pas été restaurés.
Le Registan (« place de sable »), cœur battant de Samarcande, représente le point d’orgue du voyage. Attention, le billet (50 000 soums, 4 €) n’est plus valable toute la journée avec multi-entrées. Donc mieux vaut arriver en fin d’après-midi pour admirer cet ensemble de majestueuses madrasa de jour comme de nuit.
Au crépuscule, le spectacle est féerique : les façades baignent dans la lumière orangée du soleil couchant. Et quand la nuit devient noire, les trois madrasa (XVe-XVIIe siècles) se transforment en palais des Mille et Une Nuits, leurs arcanes illuminés de couleurs mouvantes, bleu, rose, verte ou jaune.
La place du Registan a beau être le site le plus touristique d’Ouzbékistan, voire d’Asie centrale, elle n’en a pas l’air : une certaine langueur flotte dans les cours intérieures des madrasa. La chaleur de l’après-midi ralentit les pas, étouffe les sons. On discute autour d’une tasse de thé, on fait la sieste sous un figuier, sur l’une de ces profondes banquettes en bois typiques d’Asie centrale, couvertes de tapis.
À l’ouest de la vieille ville, le quartier russe (qui n’a pourtant rien de soviétique) est très sympa pour flâner, boire un verre : avec ses cafés et restaurants ombragés, le long de grandes avenues, on se croirait presque en Europe. Un peu excentré, ce quartier échappe parfois aux radars des touristes, ce qui est fort dommage.
On peut y observer, au moins de l’extérieur, le magnifique mausolée de Gour-e-Amir, dont le portail et le dôme azur cannelé rappellent les mosquées typiques d’Iran. Le parc Novoi offre aussi une respiration lorsqu’il fait trop chaud.
En dehors de ces somptueux monuments, la vieille ville de Samarcande a été aménagée comme un magasin Ikea : il est difficile d’échapper au parcours balisé pour les touristes. Le pays cache ses pauvres. S’extraire du chemin tout tracé permet de se balader dans les rues où vivent les Ouzbeks, entre allées pavillonnaires et quasi-bidonvilles. Les portails entrouverts laissent voir les cours intérieures. Un Ouzbek qui se trouvait dans son allée nous propose spontanément du chai, un thé vert. C’est dans ces chemins poussiéreux, loin des panneaux fléchés, que l’on aura éprouvé l’hospitalité légendaire des peuples d’Asie centrale.
Boukhara, petite et joyeuse
L’architecture de Boukhara n’a rien à voir avec celle de Samarcande dont elle est distante de 470 km : le centre-ville historique est petit, plus concentré, plus vivant aussi. Déjà animée l’après-midi, Boukhara s’éveille vraiment quand la nuit et la chaleur tombent : les vendeurs de glace s’installent le long des trottoirs, les enfants courent partout, les monuments brillent, les enceintes de certaines enseignes crachent de la musique à fond.
Boukhara est légère, joyeuse. Les clients dansent dans le restaurant de la place centrale, qui s’étale autour du bassin d’eau. Deux tables côte à côte résument l’Ouzbékistan : à gauche, on prie paumes vers le ciel à la fin du repas, à droite les hommes font tinter les shots de vodka.
On aime aussi Boukhara parce que l’offre d’hébergement y est supérieure. À contre-courant des logements pensés pour faire joli sur Instagram, ceux d’Ouzbékistan affichent un style soviétique, kitsch, totalement démodé. Sauf à Boukhara : ici, on peut trouver des B&B tout à fait charmants et joliment décorés, tout en restant authentiques.
La vieille ville n’a pas beaucoup changé ces deux derniers siècles. Les pierres patinées lui donnent une coloration sable, une teinte délavée. Boukhara ne cache pas ses rides. Pour rester jeune, elle se renouvelle de l’intérieur : le bazar couvert Toki-Sarrofon est quelque peu dénaturé par les boutiques de souvenirs, mais on y trouve comme avant des tapis, des artisans calligraphes et de magnifiques broderies fait main (l’artisanat qui fait la fierté de la ville), sous des arcades superbement conservées.
L’émotion de la beauté, Boukhara nous la procure avec son minaret de la mosquée Kalon. Situé dans un renfoncement, ce chef-d’œuvre surgit au dernier moment, au détour de la rue principale qui y mène. Entièrement sculpté, ce minaret haut (47 m) et trapu a solidement traversé les siècles. Même Gengis Khan, conquérant impitoyable qui détruisait tout sur son passage, fut si impressionné qu’il demanda à ses hommes de l’épargner.
Autre site incontournable, l’Ark fait figure de « ville dans la ville ». Cette citadelle, reconnaissable à sa forteresse, est le plus ancien édifice de Bukhara. Elle abrite une magnifique mosquée, la résidence des émirs, un harem, les anciennes écuries royales… Les appartements ont été transformés en passionnant musée. Compter 40 000 soums l’entrée (3,25 €).
Face à l’entrée de l’Ark, la mosquée Bolo Haouz mérite le coup d’œil. L’éclairage nocturne fait son petit effet, surtout au moment de l’appel à la prière. Un édifice à la beauté unique, grâce aux dizaines de colonnes en bois sculptées à l’entrée, parmi les plus belles d’Asie centrale.
Enfin, allez voir le Tchor Minor, un petit édifice composé de quatre tours (et non des minarets) au dôme bleu ciel. On se perd dans un dédale de ruelles pour y accéder.
Le minaret Kalon est particulièrement envoûtant la nuit : l’éclairage du monument, mais aussi de la mosquée Kalon (5 000 soums l’entrée soit 0,40 €) et de la madrasa Mir-i-Arab de part et d’autre de la place, apporte à l’ensemble un supplément de féerie.
Khiva, la plus intacte
Souvent qualifiée de « ville-musée », tant son cœur historique est bien préservé, Khiva, à 430 km au nord-ouest de Boukhara, ne manque pas d’âme pour autant. Elle se situe plus loin à l’ouest, au milieu du désert, et cette situation géographique la préserve d’un certain flot touristique. Il faut prendre un train de nuit (pas très fréquent), un vol intérieur ou plusieurs jours pour l’atteindre, ce qui en décourage certains.
Pourtant, qu’elle est belle ! Comme Boukhara, Khiva possède sa petite ville intérieure médiévale, Itchan-Qala, retranchée derrière une forteresse. Elle renferme des joyaux : des dizaines de mosquées, madrasa, mausolées, devenus petits musées. Khiva a aussi son minaret trapu. Mais contrairement à celui de Boukhara, le Kalta Minor (qui signifie « minaret court ») est ici couvert de faïences turquoise.
Il faut bien une deuxième journée pour voir les autres merveilles de Khiva. Le mausolée de Pahlavon Mahmud tout d’abord, l’un des plus beaux sites de la ville : une salle de style persan qui renferme le tombeau du poète, et une cour éblouissante.
Mais aussi le palais Tosh-Hovli, une « maison de pierre » labyrinthique aux 150 pièces, et la mosquée Jusma avec son minaret de 33 m et sa forêt de colonnes en bois.
S’il vous reste deux ou trois jours, partez en excursion, depuis Noukous (tout près de Khiva) jusqu’au rivage de la mer d’Aral. L’expérience est coûteuse (au moins 250 € par personne, en 4x4 avec chauffeur), mais exceptionnelle : on traverse des étendues desséchées à la Mad Max pour se baigner dans cette mer mourante extrêmement salée. Pour combien de temps encore ? Chaque année la mer d’Aral recule de 200 mètres…
Comment parcourir la Route de la soie ? En train !
Le train reste la plus belle façon de voyager entre les trois grandes étapes de la Route de la soie en Ouzbékistan. C’est un mode de transport rapide, peu coûteux, propre et confortable. Le rail est aussi le meilleur moyen de croiser des locaux, d’échanger un sourire, quelques mots, des friandises. Nous vous conseillons de réserver vos billets quelques jours avant le départ. Si vous les achetez au guichet le jour J, en haute saison, il ne restera sans doute que des places VIP (dont le prix tourne autour de 20 €, contre 5 € en classe éco).
La catégorie VIP offre un confort absolu : la clim, de larges sièges en cuir noir, des journaux parfaitement disposés en éventail sur les tables plastifiées (toujours), une boîte de mouchoirs et des écouteurs pour chaque passager. Le matin, une hôtesse distribue aussi le petit déjeuner, inclus dans le tarif. Le concept de file d’attente n’existe pas en Ouzbékistan : tout le monde double et c’est parfaitement normal, ne vous en offusquez pas.
Les paysages qui défilent entre Samarcande et Boukhara sont plus attrayants qu’entre Tashkent (attention, la capitale a deux gares) et Samarcande. Le trajet dévoile une campagne verdoyante à l’infini ou presque : au loin, de petites montagnes désertiques découpent l’horizon. Parfois, la plaine vire au jaune, brûlée par le soleil : des vaches broutent de l’herbe et, l’instant d’après, il n’y a plus d’herbe ni de vaches.
Puis entre Boukhara et Khiva, le paysage devient franchement aride. La route fend le désert de Kyzyl-Koum (qui signifie « sable rouge »). Là, on imagine sans mal les caravaniers qui avançaient doucement, à dos de chameau, dans cette mer de sable.
En ville, les trajets en taxi coûtent entre 10 et 15 000 soums (autour de 1 €), si vous le commandez via une application de VTC. L’achat d’une carte SIM locale permet de télécharger l’application. Dans la rue, à la volée, la course coûte deux fois plus cher, même en négociant, mais le tarif reste dérisoire.
Fiche pratique
Consultez notre guide en ligne Ouzbékistan
Office national de tourisme d’Ouzbékistan
Il existe quelques vols directs depuis Paris avec la compagnie Uzbekistan Airways. La plupart du temps, il faut faire escale. La compagnie Turkish Airlines est celle qui propose le plus de vols vers Tashkent au départ de Paris, Bruxelles ou Genève. Compter au moins 700 € l’aller-retour et au minimum 9 h de trajet, selon la durée de l’escale. Trouvez votre billet d’avion
Où dormir ?
Le camping n’est pas répandu en Ouzbékistan et les hôtels de luxe offrent un mauvais rapport qualité-prix. Privilégiez les guest houses.
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Où manger ?
– Restaurant Alt Stadt : Amir Temur St à Samarcande. Ambiance familiale, simple et joyeuse sur cette immense terrasse articulée autour d’une fontaine centrale, à deux pas du parc Alisher Navoi. Les enceintes diffusent de la musique orientale, des guirlandes lumineuses habillent les arbres, comme si le restaurant avait investi un square. Les chachliks (brochettes de viande) sont grillés à la commande, sous les yeux des clients, puis servies avec des oignons et du pain. On fait passer le tout avec un grand verre de Pepsi, comme au Maghreb, ou une pinte de bière pas chère. Un régal pour trois fois rien. Grand choix de salades aussi à petit prix.
– Platan : Pushkin 2, dans le quartier russe de Samarcande, réputé pour être l’un des meilleurs restaurants de la ville. Plats populaires, prix un peu moins. On y mange bien dans un cadre romantique.
– Old Bukhara Restaurant : Samarkand St, à Bukhara. Carte à rallonge avec tous les classiques de la cuisine ouzbèke (côtes d’agneau succulentes, grand choix de soupes, feuilletés au fromage…), établissement idéalement placé en plein centre-ville. Grand patio et terrasse couverte à l’étage. Touristique mais bon et pas cher.
Texte : Sarah Négrèche
Mise en ligne :